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30/12/2021 | FRANCE | N°451417

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 30 décembre 2021, 451417


Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le président du centre toulousain des maisons de retraite a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion de 6 mois à l'issue de son congé maladie et d'enjoindre sa réintégration sans délai. Par une ordonnance n° 2101169 du 22 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par un pourvoi so

mmaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 21 avril 2021 au sec...

Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le président du centre toulousain des maisons de retraite a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion de 6 mois à l'issue de son congé maladie et d'enjoindre sa réintégration sans délai. Par une ordonnance n° 2101169 du 22 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 21 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge du centre toulousain des maisons de retraite la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-534 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme D... et au Cabinet Colin-Stoclet, avocat du centre toulousain des maisons de retraite.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que Mme D... a été recrutée en 1994 par le centre toulousain des maisons de retraite (CTMR) et titularisée en 2002. Sur la base d'un rapport demandé par la direction du CTMR et après avis du conseil de discipline, le président de cet établissement a prononcé, par un arrêté du 12 février 2021, une sanction d'exclusion de 6 mois à l'encontre de Mme D.... Par une ordonnance du 22 mars 2021, contre laquelle cette dernière se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la suspension de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au CTRM de la réintégrer sans délai.

2. Il y a lieu d'admettre les interventions du syndicat Sud CT 31 et du syndicat Sud Sociaux 31.

3. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires : " (...) / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que, si le sens de l'avis rendu par la commission administrative paritaire départementale siégeant en conseil de discipline qui a délibéré le 4 février 2021 sur le projet de sanction concernant Mme D..., a été porté oralement à sa connaissance à l'issue de cette réunion, cette dernière n'a pas eu connaissance des motifs de cet avis, lesquels ne résultent pas davantage du procès-verbal de la réunion, alors que l'exigence de motivation de l'avis du conseil de discipline prévue par les dispositions citées au point précédent constitue une garantie dont la privation entache la légalité de la décision de sanction.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en ne retenant pas comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2021 par lequel le président du CTMR a prononcé à l'encontre de Mme D... la sanction d'exclusion de 6 mois, le moyen, qui était soulevé devant lui, tiré de l'irrégularité de la procédure résultant de l'absence de motivation de l'avis du conseil de discipline, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier. Mme D... est, par suite, fondée à demander, par ce moyen qui ne présente pas, contrairement à ce qui est allégué par le CTMR, un caractère nouveau en cassation, l'annulation de l'ordonnance attaquée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (...) ".

8. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit, enfin, être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés statue.

9. Mme D... soutient, au titre de la condition d'urgence, que la sanction contestée va la priver de sa rémunération pendant six mois et que cette situation aura des conséquences irréversibles sur sa vie personnelle et familiale en raison d'une division par deux des revenus du ménage alors qu'elle et son mari continuent de rembourser un emprunt et aident leur fils majeur au chômage. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêté prononçant la sanction contestée que sa prise d'effet est décalée à la fin du placement de Mme D... en congé maladie. Il ne résulte pas de l'instruction que le placement en congé de Mme D... serait, à la date de la présente décision, parvenu à son terme. Dans ces conditions, le CTMR est fondé à soutenir que Mme D... ne justifie pas que les effets de l'acte contesté sont, à la date de la présente décision, de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme D... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 12 février 2021 et à ce qu'il soit enjoint d'ordonner sa réintégration, doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme que réclame le CTMR au même titre. En outre, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par le syndicat Sud CT 31 et le syndicat Sud Sociaux 31 qui n'ont pas la qualité de partie à l'instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions des syndicats Sud CT 31 et Sud Sociaux 31 sont admises.

Article 2 : L'ordonnance du 22 mars 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 3 : La demande de Mme D... est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme D..., par les syndicats Sud CT 31 et Sud Sociaux 31 CHU et par le CTMR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D..., aux syndicats Sud CT 31 et Sud Sociaux 31 et au centre toulousain des maisons de retraite.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2021 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, assesseur, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 30 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. F... A...

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. B... E...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 451417
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2021, n° 451417
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : CABINET COLIN - STOCLET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451417.20211230
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