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27/12/2021 | FRANCE | N°453928

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 27 décembre 2021, 453928


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 juin, 19 novembre et 14 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande du 24 février 2021 tendant à l'abrogation du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 17 juin 2020 au Bulletin o

fficiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-TVA-CH...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 juin, 19 novembre et 14 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande du 24 février 2021 tendant à l'abrogation du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 17 juin 2020 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, relatifs à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de chirurgie esthétique ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance de prononcer, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, l'abrogation de ces commentaires administratifs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat à la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2021, présentée par le syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 17 juin 2020 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10. Ces commentaires énoncent qu'un acte de médecine ou de chirurgie esthétique non pris en charge par la sécurité sociale et dont la finalité thérapeutique n'est pas avérée dans les conditions précisées au paragraphe 43 doit être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), quel que soit le type d'établissement dans lequel il est pratiqué. Le paragraphe 43 précite que les actes dont l'intérêt diagnostique ou thérapeutique a été reconnu dans les avis rendus par l'autorité sanitaire compétente saisie dans le cadre de la procédure d'inscription aux nomenclatures des actes professionnels pris en charge par l'Assurance maladie, dans les conditions fixées à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale (CSS) et à l'article R. 162-52-1 du CSS, et consultables sur le site internet de la Haute autorité de santé sont également admis au bénéfice de l'exonération de TVA.

2. En vertu des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, reprises au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, les Etats membres exonèrent " les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ". Aux termes du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, sont exonérés de TVA : " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c/ PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des soins à la personne exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

4. En vertu des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice.

5. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie. Les dispositions de l'article L. 162-1-7 et R. 162-52-1 du code de la sécurité sociale prévoient que l'inscription sur cette liste des actes ou prestations pris en charge par l'Assurance maladie intervient au vu de l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui évalue le service attendu ou le service rendu de l'acte ou de la prestation qui lui est soumis. Le II de l'article R. 162-52-1 précise que pour la première inscription sur la liste d'un acte ou d'une prestation précédemment inscrit à la nomenclature générale des actes professionnels ou régulièrement assimilé à celle-ci, la Haute Autorité de santé peut ne pas mentionner dans l'avis qu'elle rend les différents éléments exigés.

6. Dans ces conditions, en énonçant que sont soumis à la taxe à la valeur ajoutée les actes de médecine et de chirurgie esthétique qui ne sont pas susceptibles d'être pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie et dont l'intérêt thérapeutique n'a pas été reconnu par un avis rendu par la Haute Autorité de santé, laquelle peut notamment s'autosaisir ou être saisie par les conseils nationaux professionnels représentant les professions concernées, ses avis prenant explicitement parti sur l'intérêt thérapeutique de l'acte ou étant émis par référence aux éléments de la procédure suivie pour les besoins de leur inscription à la nomenclature générale des actes professionnels, les commentaires attaqués explicitent, sans la méconnaître, la portée des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts pour ce qui concerne les actes de chirurgie et de médecine esthétique. Par suite, il ne saurait être soutenu que ces commentaires ajoutent incompétemment aux dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'éclairer.

7. Par ailleurs, les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, ainsi interprétées comme exonérant de taxe sur la valeur ajoutée les actes de médecine et de chirurgie esthétique qui, n'étant pas pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie et dont l'intérêt thérapeutique n'a pas encore été reconnu par un avis rendu par la Haute Autorité de santé, sont réputés poursuivre une finalité autre que thérapeutique, sont compatibles avec les objectifs des dispositions des directives mentionnées au point 2, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de ce que les commentaires administratifs attaqués réitéreraient des dispositions législatives contraires au droit de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 453928
Date de la décision : 27/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2021, n° 453928
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 30/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:453928.20211227
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