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27/12/2021 | FRANCE | N°442655

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 27 décembre 2021, 442655


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Meubl'Invest a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601556 du 30 octobre 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18VE04334 du 10 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, réduit de 34 958,08 euros les bases de l'imp

t sur les sociétés dû par la société Meubl'Invest au titre de son exercice clos en 2009...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Meubl'Invest a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601556 du 30 octobre 2018, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18VE04334 du 10 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, réduit de 34 958,08 euros les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la société Meubl'Invest au titre de son exercice clos en 2009 et prononcé en conséquence la décharge partielle des impositions en litige et des pénalités correspondantes, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par cette société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 août 2020, 5 novembre 2020 et 4 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Meubl'Invest demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Meubl'invest ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2021, présentée par la société Meubl'invest ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Meubl'Invest a absorbé plusieurs de ses filiales ayant pour activité la vente de meubles et que figurait au passif du bilan de clôture de son exercice clos en 2008 des dettes, d'un montant cumulé de 456 416 euros, correspondant à des acomptes versés à ces filiales par leurs clients entre 1987 et 2000 mais non suivis d'achats, ni restitués. La société Meubl'Invest, constatant que ces dettes étaient prescrites, les a supprimées au passif du bilan de clôture de son exercice clos en 2009 et a constaté en conséquence, au titre de cet exercice, un produit exceptionnel de même montant qu'elle a cependant estimé pouvoir neutraliser, au moyen d'une écriture extra-comptable, en application des dispositions du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité intervenue en 2011 et portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, l'administration a remis en cause cette neutralisation et assujetti en conséquence la société Meubl'Invest à un supplément d'impôt sur les sociétés. Par un jugement du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un arrêt du 10 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles, estimant que les dettes correspondant aux acomptes versés avant 1989 avaient été maintenues à tort au passif du bilan depuis plus de dix ans à la date de la correction de cette erreur par la contribuable, a admis le bien-fondé de la neutralisation à concurrence du montant de ces acomptes, soit 34 958,08 euros, prononcé en conséquence une décharge partielle des impositions supplémentaires en litige, réformé dans cette mesure le jugement et rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société contre ce jugement. Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'article 3 de cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit (...) ".

3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la dette correspondant à des acomptes versés par des clients et non suivis d'un achat, ni remboursés serait éteinte dès que cette société cesse d'être en relation commerciale avec ces clients n'a pas été soulevé devant la cour administrative d'appel et n'est pas d'ordre public. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si le maintien au passif du bilan des dettes en litige était constitutif d'une erreur avant même que soit acquise la prescription de 10 ans alors prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce.

4. En deuxième lieu, la cour administrative d'appel, après avoir relevé, par des motifs non contestés, que l'administration fiscale n'avait pas procédé à la correction d'une erreur consistant à laisser figurer au passif du bilan une dette non justifiée mais s'était bornée à remettre en cause le bien-fondé de la neutralisation, au moyen d'une écriture extracomptable, du bénéfice résultant de la correction de cette erreur opérée par l'entreprise elle-même dans le bilan de clôture de son exercice 2009, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige la circonstance que, si cette erreur comptable avait été corrigée à l'initiative de l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, le supplément d'imposition aurait dû être établi, par le jeu de la correction symétrique des bilans, au titre de l'exercice clos en 2008, premier exercice non prescrit.

5. La cour administrative d'appel n'a, par suite, pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit ou d'insuffisance de motivation en jugeant que la société ne pouvait utilement se prévaloir, pour contester les impositions supplémentaires en litige, de ce que l'administration aurait, à l'occasion d'une procédure de contrôle portant sur les exercices clos au cours des années 2001 à 2003, admis que l'inscription de la dette correspondant aux acomptes en litige au passif de son bilan était, dès ces années, constitutive d'une erreur comptable, de sorte que cette erreur affectait le bilan de clôture de son exercice clos en 2008.

6. Si, en troisième lieu, la société soutient en outre que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation et de méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en écartant un moyen tiré de ce que l'administration aurait, à l'occasion de cette procédure de contrôle des exercices clos au cours des années 2001 à 2003, pris une position opposable au sujet du délai d'extinction des dettes correspondant aux acomptes versés par les clients, il ne ressort pas des écritures de la société devant la cour administrative d'appel que celle-ci aurait soulevé un tel moyen. Le moyen de cassation ne peut par suite qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période ". En jugeant, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, que la vérification de comptabilité de la société à laquelle avait procédé l'administration en 2004 portait sur ses exercices clos au cours des années 2001 à 2003 tandis que la vérification opérée en 2011 portait sur ses exercices clos en 2008 et 2009, que celle-ci n'était pas fondée à soutenir que l'administration aurait, par l'exercice de ces deux contrôles successifs, méconnu ces dispositions, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Meubl'Invest doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Meubl'Invest est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Meubl'Invest et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 décembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat et M. D... A..., auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Charles-Emmanuel Airy

La secrétaire :

Signé : Mme C... B...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 442655
Date de la décision : 27/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2021, n° 442655
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU ET TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:442655.20211227
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