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23/12/2021 | FRANCE | N°459050

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 décembre 2021, 459050


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 16 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Bovi-er et la SAS Pepigreen demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1385 du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 dÃ

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2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 16 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Bovi-er et la SAS Pepigreen demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1385 du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite ;

- l'urgence résulte de ce que, d'une part, en prévoyant une entrée en vigueur des nouveaux tarifs au 1er décembre 2021 alors que les textes attaqués n'ont été publiés que le 27 octobre 2021, le gouvernement a choisi de se placer dans une situation d'urgence, de ce que, d'autre part, les modifications résultant des textes contestés vont nécessairement impliquer une déchéance des contrats de prêts, rendant exigible le capital restant dû et vont également placer les sociétés en cessation de paiement puis en situation en procédure collective, et de ce que, enfin, la clause de sauvegarde et le tarif minimal ne permettront pas d'échapper à ces conséquences ;

- la société Pepigreen fournit des pièces justifiant qu'elle se trouve placée en situation de cessation de paiement justifiant une urgence particulière en ce qui la concerne ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

- le décret et l'arrêté contestés méconnaissent l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que la réduction tarifaire est constitutive d'une aide d'Etat qui n'a pas été notifiée à la Commission européenne ;

- ils méconnaissent la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 dès lors que, d'une part, la révision tarifaire a une incidence négative sur les droits conférés et, d'autre part, que les critères de révision n'ont jamais été prévus avant les textes attaqués ;

- ils méconnaissent l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 dès lors que la formule de calcul du tarif révisé exclut toute individualisation et ne permet pas d'atteindre une rémunération raisonnable des capitaux ;

- le décret contesté est entaché d'illégalité dès lors que la Commission de régulation de l'énergie va intervenir en réalité comme autorité décisionnaire et que la situation de cessation de paiement va rendre plus difficile l'exercice de leur recours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, et notamment son article 225 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SARL Bovi-er et la SAS Pepigreen, et d'autre part, le Premier ministre, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 16 décembre 2021, à 14 heures 30 :

- Me Lesourd, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SARL Bovi-er et la SAS Pepigreen ;

- les représentants de la ministre de la transition écologique ;

- la représentante du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. La possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée notamment à la condition qu'il y ait urgence. Il lui appartient d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à porter à un intérêt public, à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

3. La SARL Bovi-er et autre demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le décret du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ainsi que l'arrêté du 26 octobre 2021 relatif à la révision de certains contrats de soutien à la production d'électricité d'origine photovoltaïque prévue par l'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Au titre de la condition d'urgence, les sociétés requérantes soutiennent que le gouvernement aurait lui-même choisi de se placer dans une situation d'urgence en rendant les nouveaux tarifs applicables dès le 1er décembre 2021 alors que les textes dont la suspension est demandée n'ont été publiés que le 27 octobre précédent. Elles font ensuite valoir que la baisse sensible des tarifs d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque sera interprétée, compte tenu de ses conséquences financières, comme un " évènement négatif " en termes bancaires en vertu des clauses des contrats de prêts, conduisant automatiquement à la déchéance du terme du contrat et rendant le capital restant dû exigible. Elles soutiennent également que la révision à la baisse des tarifs d'achat provoquera la cessation de paiements des producteurs et des sociétés liées à la société photovoltaïque, puis dans le cadre des procédures collectives qui s'en suivront, l'engagement de la caution personnelle des dirigeants et à la mise en œuvre des hypothèques sur les biens immobiliers. Elles font encore valoir que la clause de sauvegarde prévue à l'article 7 du décret contesté et l'introduction du tarif minimal prévu à l'article 2 du même décret ne permettront pas d'échapper à ces conséquences. Enfin, la société Pepigreen allègue que le tarif de rachat qui lui a été notifié la placera nécessairement en cessation de paiement. Toutefois, d'une part, l'entrée en vigueur du décret et de l'arrêté contestés ne fait naître aucune situation d'urgence dispensant les sociétés requérantes d'en justifier concrètement de manière particulière. D'autre part, les considérations d'ordre général qu'elles invoquent, ne suffisent pas à les regarder comme placées concrètement dans une situation d'urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution des deux décisions contestées soit suspendue, alors en outre que, contrairement à ce qu'elles allèguent, elles peuvent bénéficier effectivement et immédiatement de la suspension des nouveaux tarifs dans le cadre de la clause de sauvegarde instituée par l'article 7 du décret du 26 octobre 2021 contesté et, le cas échéant, obtenir la garantie du tarif minimal prévu par les dispositions de l'article 2 du décret et de l'article 1er et de l'annexe 2 de l'arrêté contestés. Enfin, la société Pepigreen n'établit pas, par les éléments qu'elle produit, qu'elle serait, à la date de la présente ordonnance, effectivement placée en cessation de paiement du fait de l'intervention des dispositions critiquées et de la mise en œuvre du tarif d'achat révisé, alors qu'en outre, elle peut, ainsi qu'il a été dit, bénéficier de la suspension de ce tarif pour une durée maximale de seize mois en sollicitant le réexamen de sa situation au titre de la clause de sauvegarde conformément aux dispositions de l'article 7 du décret contesté.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées, que la requête de la SARL Bovi-er et autre doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SARL Bovi-er et autre est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Bovi-er, première requérante dénommée, à la ministre de la transition écologique et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Fait à Paris, le 23 décembre 2021

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 459050
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2021, n° 459050
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:459050.20211223
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