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21/12/2021 | FRANCE | N°439476

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 21 décembre 2021, 439476


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le directeur des finances publiques en Polynésie française a refusé de lui attribuer l'indemnité temporaire de retraite prévue à l'article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008. Par un jugement n° 1900311 du 10 décembre 2019, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 19 ao

t 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Consei...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le directeur des finances publiques en Polynésie française a refusé de lui attribuer l'indemnité temporaire de retraite prévue à l'article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008. Par un jugement n° 1900311 du 10 décembre 2019, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 19 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, notamment son article 137 ;

- le décret n° 78-399 du 20 mars 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., militaire de carrière, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2018. Installé en Polynésie française le 22 septembre 2018, il a demandé le bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite prévue par l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008. Sa demande ayant été rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Papeete qui, par un jugement du 10 décembre 2019 dont il demande l'annulation, a rejeté sa demande tendant à l'attribution de cette indemnité.

2. Aux termes de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " I. - L'indemnité temporaire accordée aux fonctionnaires pensionnés relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite majore le montant en principal de la pension d'un pourcentage fixé par décret selon la collectivité dans laquelle ils résident. / L'indemnité temporaire est accordée aux pensionnés qui justifient d'une résidence effective dans les collectivités suivantes : La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française. / II. A compter du 1er janvier 2009, l'attribution de nouvelles indemnités temporaires est réservée aux pensionnés ayants droit remplissant, à la date d'effet de leur pension, en sus de l'effectivité de la résidence, les conditions suivantes : / 1° a) Justifier de quinze ans de services effectifs dans une ou plusieurs collectivités mentionnées au I à partir d'un état récapitulatif de ces services fourni par les pensionnés et communiqué par leurs ministères d'origine ; / b) Ou remplir, au regard de la collectivité dans laquelle l'intéressé justifie de sa résidence effective, les critères d'éligibilité retenus pour l'octroi des congés bonifiés à leur bénéficiaire principal ; / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mars 1978 relatif à la prise en charge des frais de voyage du congé bonifié accordé aux magistrats, aux fonctionnaires civils de l'Etat et aux agents publics de l'Etat recrutés en contrat à durée indéterminée, dans sa version applicable au litige : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux magistrats et aux fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leurs fonctions : / a) Dans un département d'outre-mer et dont le lieu de résidence habituelle, tel qu'il est défini à l'article 3 ci-dessous, est situé soit sur le territoire européen de la France, soit dans le même département d'outre-mer, soit dans un autre département d'outre-mer ; / b) Sur le territoire européen de la France si leur lieu de résidence habituelle est situé dans un département d'outre-mer. " . Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Le lieu de résidence habituelle est le territoire européen de la France ou le département d'outre-mer où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'intéressé ".

3. Pour l'application des dispositions précitées du II de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, un pensionné qui demande à bénéficier de l'indemnité temporaire de retraite, lorsqu'il ne justifie pas de quinze ans de services effectifs dans une ou plusieurs collectivités dans lesquelles le bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite est ouvert, doit justifier qu'à la date d'effet de sa pension, il avait sur le territoire de la collectivité dans laquelle il réside effectivement le centre de ses intérêts matériels et moraux.

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour estimer que M. B... ne remplissait pas la condition d'avoir en Polynésie française le centre de ses intérêts matériels et moraux, le président du tribunal administratif de Papeete, tout en reconnaissant les attaches polynésiennes de l'intéressé, a pris en considération le fait qu'il avait accompli l'intégralité de sa carrière en dehors du territoire polynésien, que son épouse était elle-même née en métropole, où vivaient leurs deux enfants et où avait été inhumé son père, et qu'il n'établissait pas être propriétaire de biens sur ce territoire.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B... est né en Polynésie française, où résident encore plusieurs membres de sa famille, avec lesquels il est propriétaire en indivision de parcelles de terres aux Tuamotu, à Tubuai et à Tahiti, qu'il a quitté ce territoire à l'âge de 18 ans pour embrasser une carrière militaire, qu'il s'y est marié en 1994, qu'il y a effectué onze séjours entre 1984 et 2018, notamment dans le cadre des congés bonifiés, que si ses enfants ne résidaient pas en Polynésie à la date d'effet de la pension, c'était aux motifs que l'une était étudiante en métropole et que l'autre s'était engagé dans l'armée, et qu'enfin il avait indiqué, dans le formulaire produit à l'appui de sa demande d'indemnité, que ses parents étaient inhumés en Polynésie. Par suite, en estimant que M. B... n'avait pas en Polynésie le centre de ses intérêts matériels et moraux, le président du tribunal a porté sur ces pièces une appréciation entachée de dénaturation.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 10 décembre 2019 du président du tribunal administratif de Papeete est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Papeete.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 21 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Martin de Lagarde

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 439476
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2021, n° 439476
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:439476.20211221
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