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21/12/2021 | FRANCE | N°432787

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 21 décembre 2021, 432787


Vu la procédure suivante :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Etablissements Keller a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1608407 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18PA02444 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de l'entreprise Etablissements Keller, d'une

part, prononcé la réduction des bases d'imposition de la somme de 105 000 e...

Vu la procédure suivante :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Etablissements Keller a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1608407 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18PA02444 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de l'entreprise Etablissements Keller, d'une part, prononcé la réduction des bases d'imposition de la somme de 105 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009, et de la somme de 87 467 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondantes et, d'autre part, réformé le jugement en ce sens et rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Par un pourvoi enregistré le 19 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il prononce la décharge des droits et pénalités infligés à la société à raison de la réintégration en base de la somme de 87 467 euros au titre de l'exercice clos en 2010, et en tant qu'il réforme en ce sens le jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) réglant dans cette mesure l'affaire au fond, de remettre à la charge de l'entreprise Etablissements Keller les rappels d'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010 dans la limite des cotisations correspondant à un supplément en base de 87 467 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'entreprise Etablissements Keller, qui exerce une activité de marchand de biens et de réalisation d'opérations immobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment réintégré dans ses résultats imposables au titre de ses exercices clos en 2009 et 2010, une somme de 87 467 euros correspondant à un passif injustifié. L'entreprise Etablissements Keller a relevé appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 mai 2019 en tant qu'il a fait droit aux demandes de l'entreprise Etablissements Keller tendant à la décharge des impositions relatives à ce passif.

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". En application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan. Lorsque l'administration, dans l'exercice de son pouvoir de vérification et de redressement des déclarations, constate que la méthode comptable suivie par le contribuable pour la détermination de ses résultats est critiquable, il lui appartient de rectifier les résultats par application d'une méthode convenable. Toutefois, elle ne saurait limiter les corrections ainsi apportées aux écritures de l'assujetti à certaines d'entre elles seulement, alors qu'il est établi que la même erreur se retrouve dans d'autres, et dégager ainsi, arbitrairement, un bénéfice sans existence réelle.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'entreprise Etablissements Keller avait inscrit au 31 décembre 2009 au passif du compte n° 419 intitulé " avances et acomptes clients " une somme d'un montant de 87 467 euros versée par un client dénommé " B... " dans le cadre d'un contrat signé en 2002, dont l'opération n'avait pu être soldée en raison d'un litige né avec ce client. Estimant que cette somme avait en fait cessé de constituer une dette de l'entreprise et qu'elle n'aurait pas dû être inscrite comme telle au passif de son bilan, l'administration a remis en cause cette inscription et l'a réintégrée, par proposition de rectification du 15 juin 2012, au bilan de clôture de l'exercice 2009, premier exercice non prescrit de la société. Après avoir relevé que l'administration était fondée à appliquer le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et confirmé le caractère injustifié de l'inscription de la somme de 87 467 euros au passif du bilan de clôture de l'exercice 2009, la cour a considéré qu'en vertu des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, le bilan d'ouverture de l'exercice 2010 ne pouvait être corrigé à concurrence de ce solde de 87 467 euros sans correction du bilan de clôture de ce même exercice, à hauteur du même montant. En jugeant que cette somme devait alors être retirée de la base imposable de l'exercice clos en 2010, alors que la correction symétrique des bilans d'ouverture et de clôture de l'exercice 2010 ne pouvait, en tout état de cause, entraîner aucune variation de l'actif net, la cour a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il prononce la décharge des droits et pénalités infligés à la société à raison de la réintégration en base de la somme de 87 467 euros au titre de l'exercice clos en 2010, et en tant qu'il réforme en ce sens le jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Paris.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. La société Ets Keller soutient que le passif en cause correspond aux avances d'un montant de 87 468 euros versées par un client dénommé " B... " dans le cadre d'un contrat signé en 2002, dont l'opération n'a pu être soldée en raison d'un litige né avec ce client. Le contrat de vente signé le 28 janvier 2002 de construction d'une maison individuelle et l'assignation en référé datée du 14 septembre 2004 de ce client en vue de procéder aux travaux permettant de lever les réserves qui avaient été émises ne permettent toutefois pas, au vu des seules précisions qu'ils comportent, de justifier ce passif dès lors que si l'assignation en référé fait état d'une somme de 9 545,06 euros à devoir à M. B..., elle ne corrobore qu'une obligation pour la société Ets Keller de lever des réserves, et ne remet en cause ni la vente conclue avec ce client, ni la livraison effective des travaux. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que le passif correspondant à une somme de 87 467 euros n'était pas justifié.

7. La société Ets Keller n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge des droits et pénalités dus à raison de la réintégration de ce passif injustifié de 87 467 euros.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 mai 2020 est annulé en tant qu'il prononce la décharge des droits et pénalités infligés à la société à raison de la réintégration en base de la somme de 87 467 euros au titre de l'exercice clos en 2010, et en tant qu'il réforme en ce sens le jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Les conclusions présentées à ce titre par la société devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'EURL Etablissements Keller.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme A... C...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 432787
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2021, n° 432787
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:432787.20211221
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