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21/12/2021 | FRANCE | N°415550

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 21 décembre 2021, 415550


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 4 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de la Fédération bancaire française tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis du 8 septembre 2017 par lequel l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a déclaré se conformer aux orientations du 22 mars 2016 de l'Autorité bancaire européenne (ABE) sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE/GL/2015/18), a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union europé

enne se soit prononcée sur les questions suivantes :

1° Les orientations...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 4 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de la Fédération bancaire française tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis du 8 septembre 2017 par lequel l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a déclaré se conformer aux orientations du 22 mars 2016 de l'Autorité bancaire européenne (ABE) sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE/GL/2015/18), a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

1° Les orientations émises par une autorité européenne de surveillance sont-elles susceptibles de faire l'objet du recours en annulation prévu par les stipulations de l'article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ' Dans l'affirmative, une fédération professionnelle est-elle recevable à contester, par la voie du recours en annulation, la validité d'orientations destinées aux membres dont elle défend les intérêts et qui ne la concernent ni directement ni individuellement '

2° En cas de réponse négative à l'une des deux questions posées au 1°, les orientations émises par une autorité européenne de surveillance sont-elles susceptibles de faire l'objet du renvoi préjudiciel prévu par les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ' Dans l'affirmative, une fédération professionnelle est-elle recevable à contester, par la voie de l'exception, la validité d'orientations destinées aux membres dont elle défend les intérêts et qui ne la concernent ni directement ni individuellement '

3° Dans l'hypothèse où la Fédération bancaire française serait recevable à contester, par la voie de l'exception, les orientations adoptées par l'Autorité bancaire européenne le 22 mars 2016, cette autorité a-t-elle, en émettant ces orientations, excédé les compétences qui lui sont dévolues par le règlement n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) '

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 ;

- le règlement (UE) n° 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 ;

- la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ;

- la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ;

- la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 ;

- la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 ;

- l'arrêt C-911/19 du 15 juillet 2021 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la Fédération bancaire française et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Autorité bancaire européenne (ABE) a, sur le fondement de l'article 16 du règlement du 24 novembre 2010, adopté, le 22 mars 2016, des orientations ABE/GL/2015/18 sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail. Par un avis publié sur son site internet le 8 septembre 2017, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a déclaré se conformer à ces orientations et a précisé qu'elles étaient applicables aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique soumis à son contrôle, qui devaient tout mettre en œuvre pour les respecter et pour s'assurer que leurs distributeurs s'y conforment. La Fédération bancaire française (FBF) demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet avis.

2. Par la décision du 4 décembre 2019 visée ci-dessus, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que l'avis attaqué devait être regardé comme faisant grief à la Fédération bancaire française et écarté par conséquent la fin de non-recevoir soulevée par l'ACPR. Il a ensuite sursis à statuer sur l'exception d'invalidité soulevée par la Fédération bancaire française et dirigée contre les orientations adoptées par l'ABE le 22 mars 2016, dans l'attente de la réponse aux questions préjudicielles qu'il a renvoyées à la Cour de Justice de l'Union européenne.

3. Dans l'arrêt du 15 juillet 2021 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que des actes tels que les orientations de l'ABE du 22 mars 2016 ne peuvent faire l'objet d'un recours en annulation au titre de cet article. Elle a également dit pour droit que l'article 267 du traité doit être interprété en ce sens que la Cour est compétente, en vertu de cet article, pour apprécier la validité d'actes tels que ces mêmes orientations. Elle a précisé que le droit de l'Union n'impose pas que la recevabilité, devant une juridiction nationale, d'une exception d'illégalité dirigée contre un acte de l'Union soit subordonnée à la condition que cet acte concerne directement et individuellement le justiciable qui se prévaut de cette exception. Enfin, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'examen de la troisième question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des orientations de l'ABE en litige. Sur ce point, la cour a relevé dans son arrêt, d'une part, que les orientations en litige doivent être considérées comme relevant du champ d'action de l'ABE, tel qu'il est défini, de manière générale, à l'article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1093/2010 et, d'autre part, que ces orientations relèvent des compétences de l'ABE, telles que définies par le législateur de l'Union (points 123 et 131 de l'arrêt de la Cour).

4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, si la Fédération bancaire française est recevable à exciper de l'invalidité des orientations adoptées par l'ABE le 22 mars 2016 au regard du droit de l'Union européenne, son moyen doit toutefois être écarté comme non fondé.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) : " 1. Afin d'établir des pratiques de surveillance cohérentes, efficientes et effectives au sein du SESF et d'assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l'Union, l'Autorité émet des orientations et des recommandations à l'intention des autorités compétentes ou des établissements financiers. / (...) 3. Les autorités compétentes et les établissements financiers mettent tout en œuvre pour respecter ces orientations et recommandations. / Dans un délai de deux mois suivant l'émission d'une orientation ou d'une recommandation, chaque autorité compétente indique si elle respecte ou entend respecter cette orientation ou recommandation. Si une autorité compétente ne la respecte pas ou n'entend pas la respecter, elle en informe l'Autorité en motivant sa décision. / L'Autorité publie le fait qu'une autorité compétente ne respecte pas ou n'entend pas respecter cette orientation ou recommandation (...). / Si l'orientation ou la recommandation le requiert, les établissements financiers rendent compte, de manière précise et détaillée, de leur respect ou non de cette orientation ou recommandation (...) ". Aux termes des orientations sur les modalités de gouvernance et la surveillance des produits bancaires de détail adoptées par l'ABE le 22 mars 2016 : " (...) 6. Les présentes orientations s'appliquent aux producteurs et aux distributeurs des produits proposés et vendus aux consommateurs (...) 11. Les présentes orientations sont destinées aux autorités compétentes, telles que définies à l'article 4, paragraphe 2, point i), du règlement (UE) n° 1093/2010, et aux établissements financiers, tels que définis à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1093/2010 (ci-après le " règlement ABE ") (...) 14. En ce qui concerne les orientations pour les distributeurs, les autorités compétentes devraient soit exiger directement des distributeurs qu'ils s'y conforment, soit exiger des producteurs qu'elles sont chargées de surveiller qu'ils s'assurent que les distributeurs s'y conforment. (...) ".

6. Si la fédération française des banques soutient que l'ACPR aurait outrepassé ses pouvoirs en adoptant des dispositions réglementaires mettant à la charge des banques des obligations nouvelles, il ressort de l'avis attaqué du 8 septembre 2017 que l'autorité s'est bornée à inciter les établissements financiers, au demeurant directement destinataires des orientations en cause et tenus de tout mettre en œuvre pour les respecter, à modifier de manière significative leurs pratiques concernant la gouvernance et la surveillance des produits bancaires de détail. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'ACPR se serait illégalement déclarée conforme à des orientations européennes n'ayant pas de base légale en droit interne n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération bancaire française n'est pas fondée à demander l'annulation de l'avis qu'elle attaque. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, en conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la fédération la somme de 3 000 euros à verser à ce titre à l'ACPR.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération bancaire française est rejetée.

Article 2 : La Fédération bancaire française versera la somme de 3 000 euros à l'ACPR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération bancaire française et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 415550
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2021, n° 415550
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:415550.20211221
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