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10/12/2021 | FRANCE | N°437412

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 10 décembre 2021, 437412


Vu les procédures suivantes :(br /)

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1° Sous le numéro 456004, par une requête et un mémoire enregistrés les 27 août et 15 septembre au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme DA... DW... épouse CO... et les autres requérants dont les noms figurent dans le mémoire introductif d'instance demandent au Conseil d'Etat d'annuler la " loi du pays " n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19. (br /)

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2° Sous le numéro 456447, par une ordonnan

ce n° 2100427 du 6 septembre 2021, enregistrée le 8 septembre 2021 au secrétariat du cont...

Vu les procédures suivantes :(br /)

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1° Sous le numéro 456004, par une requête et un mémoire enregistrés les 27 août et 15 septembre au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme DA... DW... épouse CO... et les autres requérants dont les noms figurent dans le mémoire introductif d'instance demandent au Conseil d'Etat d'annuler la " loi du pays " n° 2021-37 du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19. (br /)

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2° Sous le numéro 456447, par une ordonnance n° 2100427 du 6 septembre 2021, enregistrée le 8 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat la requête, enregistrée le 2 septembre 2021 au greffe de ce tribunal et présentée par M. DU... BP..., M. BE... CF..., M. CT... BN... et M. DJ... AO.... M. BP... et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat : (br /)

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1°) d'annuler l'acte de promulgation de cette même " loi du pays " ; (br /)

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2°) de dire que cette " loi du pays " ne pourra s'appliquer qu'à l'expiration des délais prévus par l'article 176 de la loi organique précitée ; (br /)

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3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 francs Pacifique, à verser à M. BP..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.(br /)

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3° Sous le numéro 456714, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 14 septembre et 27 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des agents publics de Polynésie, la confédération Otahi, la confédération O Oe To Oe Rima, le syndicat SNETAA-FO et M. AJ... EO... demandent au Conseil d'Etat : (br /)

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1°) d'annuler la même " loi du pays ", ainsi que son acte de promulgation ; (br /)

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2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 2 000 euros à verser à chacun des requérants, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.(br /)

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4° Sous le numéro 456879, par une requête enregistrée le 21 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. CQ... DM... demande au Conseil d'Etat d'annuler la même " loi du pays ". (br /)

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5° Sous le numéro 456886, par une requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 septembre 2021, M. EK... AD... demande au Conseil d'Etat : (br /)

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1°) d'annuler la même " loi du pays " ; (br /)

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2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.(br /)

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6° Sous le numéro 456888, par un mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 21 septembre et 25 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme FV... BT... demande au Conseil d'Etat : (br /)

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1°) d'annuler la même " loi du pays " ou de constater qu'elle est contraire à la Constitution, aux lois organiques, ou aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit ; (br /)

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2°) d'annuler l'acte par lequel elle a été promulguée. (br /)

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7° Sous le numéro 456930, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 septembre et 3 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Rassemblement des travailleurs Amuitahira'a Rave Ohipa no Porinetia et le Syndicat du personnel communal de Papeete demandent au Conseil d'Etat : (br /)

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1°) d'annuler la même " loi du pays " ainsi que son acte de promulgation ; (br /)

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2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.(br /)

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8° Sous le numéro 456935, par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 et 30 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme FW... DM... et les autres requérants dont les noms figurent dans le mémoire introductif d'instance demandent au Conseil d'Etat : (br /)

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1°) d'annuler l'acte de promulgation de la même " loi du pays " et de constater qu'elle est contraire à la Constitution, aux lois organiques, ou aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit ; (br /)

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2°) à défaut, d'annuler cette même " loi du pays " ; (br /)

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3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros, à verser à Mme CU... CW... en sa qualité de mandataire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.(br /)

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9° Sous le numéro 456955, par un mémoire et un nouveau mémoire enregistrés les 22 septembre et 9 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Union syndicale de l'aérien français Union nationale des syndicats autonomes de Polynésie française, Mme FH..., M. X... AZ..., Mme DV... U... et Mme AS... EY... demandent au Conseil d'Etat d'annuler la même loi du pays. (br /)

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10° Sous le numéro 456978, par une requête et un mémoire enregistrés les 23 et 25 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. T... AE... demande au Conseil d'Etat d'annuler la même " loi du pays " et son acte de promulgation. (br /)

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11° Sous le numéro 457001, par un mémoire enregistré le 24 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Nationale de l'Enseignement, de la Culture et de la Formation Professionnelle - Force Ouvrière Polynésie française et le Syndicat du Personnel du Centre Hospitalier du Taaone affilié à la CSTP/FO demandent au Conseil d'Etat d'annuler la même loi du pays ainsi que son acte de promulgation. (br /)

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Vu les autres pièces du dossier ;(br /)

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Vu :(br /)

- la Constitution, notamment son Préambule ;(br /)

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; (br /)

- la convention n° 102 de l'Organisation internationale du travail de 1952 ;(br /)

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;(br /)

- la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997 ; (br /)

- la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 et le règlement (UE) n° 536/2014 ; (br /)

- le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ; (br /)

- le règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 ; (br /)

- le code civil ; (br /)

- le code pénal ; (br /)

- le code de la santé publique ;(br /)

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; (br /)

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; (br /)

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Après avoir entendu en séance publique :(br /)

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- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat, (br /)

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- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;(br /)

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La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Présidence de la Polynésie française, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'assemblée de la Polynésie française, à la SCP Capron, avocat du syndicat Rassemblement des travailleurs et du Syndicat du personnel communal et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Mme FW... DM..., de Mme CU... CW..., de M. EL..., de M. O... CM..., de Mme EU..., de Mme BZ... G..., de Mme EQ... AH..., de M. CP... AF..., de Mme V... DQ..., de M. DT... EJ..., de M. N... BX..., de Mme BH... BU..., de M. DP... E..., de M. EI... C..., de Mme CZ... DD..., de M. FO..., de Mme FM..., de M. W... I..., de M. L... CS..., de Mme EN..., de M. EC... D..., de M. ER..., de Mme B... FT..., de M. AV... AW..., de M. BV... AU..., de M. K... AM..., de M. L... BO..., de M. DH... FB..., de M. EV..., de Mme AI... EW..., de M. FN..., de M. AK... DL..., de Mme EE..., de M. EX..., de M. P... AT..., de Mme EM... EA..., de M. CJ... EA..., de Mme DN... BG..., de Mme EP..., de Mme DX... AQ..., de Mme FE..., de Mme CB... AN... Épouse AP..., de Mme EF... CR..., de M. AY... M..., de Mme DS... DZ..., de Mme EH..., de Mme DO... F..., de M. FP..., de Mme CX... R..., de Mme FQ..., de Mme FG..., de M. DJ... CH..., de Mme Z... BA..., de M. FC..., de M. CA... CS..., de M. Y... CV..., de Mme BF... BM..., de M. BE... BM..., de Mme AA... BJ..., de M. DE... FS..., de M. Y... Q..., de Mme BD... AG..., de M. FU... U..., de M. ET..., de M. CP... BC..., de Mme AB... BI... Épouse DK..., de Mme DG... AL..., de Mme CL... DY..., de M. FL... BB..., de M. FF... FK..., de Mme AB... CE..., de Mme CL... BS..., de M. ES... BG..., de Mme BY... FD..., de Mme FA... BK..., de M. EZ..., de Mme ED... BR..., de Mme EB... CG..., de Mme CN... FI..., de M. J... DF... et de Mme CI... EG... ;(br /)

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Une note en délibéré a été présentée par Mme CK..., épouse A..., et par Mme BL... épouse CD..., enregistrée le 6 décembre 2021.(br /)

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Considérant ce qui suit :(br /)

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1. Les requêtes sont dirigées contre la même " loi du pays " ou contre l'acte par lequel le président de la Polynésie française l'a promulguée. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.(br /)

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2. Le désistement de M. CF... et le désistement de M. BN... sont purs et simples. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. (br /)

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3. Mme S... épouse AC... et autres justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la " loi du pays " attaquée. Ainsi leur intervention est recevable. (br /)

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4. Dans leur mémoire en intervention enregistré le 21 septembre 2021, Mme A... épouse CK... et Mme BL... épouse DC... demandent qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme DW... épouse CO... en annulant la " loi du pays ". Elles justifient d'un intérêt suffisant à cette annulation. Elles demandent aussi l'annulation de l'acte de promulgation. Mme DW... épouse CO... n'ayant présenté de conclusions que contre la " loi du pays ", leur intervention ne peut être admise qu'en tant qu'elle vient au soutien de ces conclusions. Leurs conclusions dirigées contre l'acte de promulgation, présentées dans le délai de recours, doivent être regardées comme un recours distinct dirigé contre cet acte. (br /)

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Sur les conditions d'exercice des recours : (br /)

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5. De façon générale et en vertu de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004, les " lois du pays " peuvent, après leur adoption, être contestées devant le Conseil d'Etat, dans le délai fixé par cet article, par le haut-commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de Polynésie ou six de ses membres. Parallèlement, la loi est publiée pour information au Journal officiel de la Polynésie française, afin que dans le délai d'un mois à compter de cette publication, toute personne y ayant intérêt puisse introduire devant le Conseil d'Etat un recours à l'encontre de cette loi. Le Conseil d'Etat, s'il est saisi, dispose d'un délai de trois mois pour statuer sur le recours, délai au terme duquel, en vertu de l'article 177 de la loi organique, il est loisible au président de la Polynésie française de promulguer la " loi du pays ". Toutefois, le Conseil d'Etat, s'il n'a pas encore statué, reste saisi du recours. Au terme du délai de recours, aucune action directe à l'encontre de la " loi du pays " n'est recevable. Ses dispositions peuvent cependant être alors contestées par voie d'exception devant toute juridiction, qui doit dans ce cas transmettre le moyen soulevé au Conseil d'Etat, en vertu de l'article 179. Les articles 180-1 à 180-4 fixent des règles particulières concernant les " lois du pays " relatives aux impôts et taxes. (br /)

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6. Il résulte de ces dispositions que les " lois du pays " qui ne sont pas relatives aux impôts et aux taxes ne peuvent pas, en principe, faire l'objet d'un recours par voie d'action après leur promulgation par le président de la Polynésie française. Il en va toutefois différemment quand la " loi du pays " a été prématurément promulguée, que cette promulgation intervienne avant l'expiration du délai d'un mois prévu au premier alinéa de l'article 178 de la loi organique ou, si le Conseil d'Etat a été saisi, avant l'expiration du délai de trois mois prévu au I de l'article 177. (br /)

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7. Si, en cas de promulgation prématurée, le Conseil d'Etat est simultanément saisi de conclusions dirigées contre l'acte de promulgation et contre la " loi du pays " promulguée et s'il annule l'acte de promulgation, le recours dirigé contre la " loi du pays " est alors regardé comme un recours tendant à déclarer non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique la délibération adoptée par l'assemblée de la Polynésie française. S'il rejette les conclusions dirigées contre l'acte de promulgation, le recours dirigé contre la " loi du pays " présente le caractère d'un recours en annulation. (br /)

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8. Il est constant que la délibération n° 2021-30 LP/APF relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la covid-19 a été adoptée le 20 août 2021 par l'assemblée de la Polynésie française. Le président de la Polynésie française a promulgué la " loi du pays " n° 2021-37 qui en procède dès le 23 août 2021 et l'a publiée le même jour au Journal officiel de la Polynésie française, prématurément eu égard aux règles précédemment rappelées. Les requérants ont présenté des conclusions dirigées, selon le cas, contre l'acte de promulgation, ou contre la " loi du pays ", ou contre l'un et l'autre. (br /)

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Sur les conclusions dirigées contre l'acte de promulgation : (br /)

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9. L'acte de promulgation d'une " loi du pays " peut être contesté devant le Conseil d'Etat au motif qu'il méconnaît les exigences rappelées au point 5 ou qu'il est entaché d'un vice propre. (br /)

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10. En premier lieu, la Polynésie française a été soudainement frappée à l'été 2021 par une vague épidémique massive que le nombre des vaccinations volontaires, trop faible, ne suffisait pas à ralentir. En peu de jours, de nombreuses personnes sont tombées malades et beaucoup en sont décédées, tandis que les capacités hospitalières étaient complètement saturées. Cette situation a conduit les autorités nationales à décréter l'état d'urgence sanitaire en Polynésie française puis à le prolonger. Si les requérants soutiennent qu'une crise pareille n'était pas imprévisible, cette circonstance, à la supposer établie, n'implique pas que les autorités de la Polynésie française auraient dû s'abstenir de prendre, dans l'urgence, les mesures exigées par les circonstances. (br /)

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11. Les requérants relèvent aussi que l'article LP. 15 n'a accordé aux personnes soumises à l'obligation vaccinale qu'un délai de deux mois à compter de la promulgation pour s'y conformer. Ils soutiennent qu'ainsi l'entrée en vigueur immédiate de la " loi du pays " aura eu des effets graves et irréversibles avant que le Conseil d'Etat n'ait pu se prononcer. Mais en tout état de cause, dès lors que la " loi du pays " a été prématurément promulguée, le recours en référé était ouvert dans la mesure où les conditions posées par l'article L. 521-1 ou l'article L. 521-2 du code de justice administrative étaient réunies. Certains requérants ont d'ailleurs introduit de tels recours, qui ont été jugés recevables. Pour la même raison, les personnes concernées n'ont pas été privées du droit à un recours effectif. (br /)

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12. Par suite et dans ces circonstances exceptionnelles, l'acte de promulgation de la " loi du pays " ne peut être tenu pour illégal au seul motif qu'il est intervenu prématurément. (br /)

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13. En second lieu et aux termes de l'article 66 de la loi organique du 27 février 2004 : " Les actes du président de la Polynésie française autres que ceux qui sont mentionnés aux articles 39, 65, 73 et 81 sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution ". L'acte de promulgation d'une " loi du pays " par le président de la Polynésie française n'est pas au nombre des actes pour lesquels ces dispositions excluent le contreseing des ministres concernés. M. BP... et ses corequérants ne peuvent donc pas soutenir que ce contreseing entacherait l'acte d'illégalité.(br /)

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Sur les conclusions dirigées contre la " loi du pays " : (br /)

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En ce qui concerne les compétences respectives de l'Etat et de la Polynésie française : (br /)

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14. La santé publique n'est pas au nombre des compétences que l'article 14 de la loi organique attribue à l'Etat, et qui sont, en vertu de l'article 13, limitativement énumérées. Par suite, la Polynésie française est compétente pour édicter une obligation de vaccination, sans que la circonstance que celle-ci puisse avoir des conséquences quant aux modalités d'exercice de certaines libertés puisse la faire regarder comme relevant de la garantie des libertés publiques, compétence réservée à l'Etat par le même article 14. La Polynésie française est notamment compétente pour organiser les contrôles, nécessaires au respect de l'obligation. Rien ne s'oppose à ce que, par l'effet de la " loi du pays ", l'obligation vaccinale s'applique à des fonctionnaires de l'Etat. (br /)

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En ce qui concerne la procédure d'élaboration de la " loi du pays " : (br /)

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15. En premier lieu, le II de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que : " Le conseil économique, social, environnemental et culturel est consulté sur les projets et propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés " lois du pays " à caractère économique ou social. (... )". Eu égard à son objet, la " loi du pays " contestée n'a pas un caractère économique ou social au sens de ces dispositions. Elle n'était, dès lors, pas soumise à la consultation obligatoire du conseil économique, social, environnemental et culturel. Elle n'a pas été prise pour l'application ou sur le fondement de l'article LP. 56 de la loi du pays n° 2020-12 du 21 avril 2020 portant diverses mesures d'urgence en matière économique en raison de l'épidémie de covid-19, qui dispense certains projets de textes règlementaires de toute consultation préalable. Est par suite inopérante l'exception d'illégalité de cet article, lequel, au demeurant, ne saurait avoir eu pour objet ou pour effet de déroger à des obligations de rang organique. (br /)

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16. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 176 de la loi organique qu'il n'appartient au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité des " lois du pays " qu'au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit. Est par suite inopérant, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la procédure d'adoption de la " loi du pays " contestée serait irrégulière, faute d'avoir fait l'objet préalablement de la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de la Polynésie française et de celle des comités techniques paritaires, prévues respectivement par l'article 3 de la délibération n° 95-216 AT du 14 décembre 1995 portant organisation et fonctionnement des organismes consultatifs dans la fonction publique du territoire de la Polynésie française et par l'article 50 de la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française. Le principe de participation des travailleurs garanti par le 8ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 n'impose pas la consultation préalable de ces mêmes instances sur un projet de " loi du pays ", ni celle des organisations syndicales représentatives. (br /)

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17. En troisième lieu, en vertu des articles 130 et 142 de la loi organique, les représentants à l'assemblée de la Polynésie française doivent recevoir, douze jours au moins avant la séance, un rapport sur chaque projet de " loi du pays " inscrit à l'ordre du jour. Il n'est pas contesté que le rapport a été enregistré à l'assemblée le 18 août en vue de la séance du 20 août. Pour autant, dans les circonstances exceptionnelles relevées au point 10, la procédure d'adoption de la " loi du pays " ne peut pas en être tenue pour irrégulière. (br /)

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En ce qui concerne l'obligation vaccinale : (br /)

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18. L'article LP. 1er de la " loi du pays " établit une liste de catégories de personnes qui exercent une activité professionnelle ou bénévole les exposant ou exposant les personnes dont elles ont la charge à des risques de contamination. Il prévoit qu'elles doivent avoir un schéma vaccinal complet contre la covid-19. Il soumet à la même obligation vaccinale les élèves ou étudiants d'un établissement préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste sera déterminée par arrêté pris en conseil des ministres, et à condition que leurs études comportent certains stages. L'article LP. 3 soumet à l'obligation " les personnes exerçant des activités essentielles au fonctionnement de la Polynésie française, en raison du faible nombre de personnels qualifiés exerçant sur le territoire, en raison de l'impact sur le fonctionnement du pays en cas d'arrêt de l'activité ou nécessaires au maintien de la sécurité ou de l'ordre public sur le territoire " et l'article LP. 4 " les personnes exerçant des activités dans des conditions dans lesquelles les gestes barrières, notamment le port du masque ou la distanciation physique, ne peuvent pas être respectés ". L'article LP. 5 dispose : " Les secteurs d'activité, les lieux d'exercice, les personnes ou les professions concernés par la présente loi sont fixés, par arrêté pris en conseil des ministres ". L'article LP. 2 soumet aussi à l'obligation " les personnes de plus de seize ans, atteintes d'une des affections dont la liste est établie par arrêté pris en conseil des ministres ". Enfin et en vertu de l'article LP. 6, un arrêté pris en conseil des ministres peut, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, après avis de l'agence de régulation de l'action sanitaire et sociale et du service en charge de la veille sanitaire, suspendre l'obligation pour tout ou partie des catégories de personnes concernées. (br /)

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Quant au grief d'incompétence négative : (br /)

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19. Ces articles ont défini avec suffisamment de précision les catégories d'activités auxquelles s'applique l'obligation vaccinale. Les " affections " mentionnées à l'article LP. 2 ne peuvent s'entendre que comme celles, communément appelées comorbidités, qui rendent les personnes atteintes particulièrement vulnérables si elles sont contaminées par le virus. Par suite, le moyen tiré de ce que le législateur du pays n'aurait pas, sur ces deux points, épuisé sa compétence doit être écarté. Il n'a pas davantage méconnu l'étendue de celle-ci en autorisant le gouvernement à suspendre tout ou partie des mesures. (br /)

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Quant aux moyens tirés du caractère expérimental des vaccins : (br /)

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20. Il ressort des pièces du dossier que tous les vaccins contre la covid-19 autorisés par le gouvernement de la Polynésie française ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament. Il ne peut pas être sérieusement contesté que cette dernière autorisation est toujours en vigueur. Si l'autorisation est conditionnelle, il ne s'ensuit pas pour autant que la vaccination obligatoire aurait le caractère d'une expérimentation médicale ou d'un essai clinique, lesquels au surplus obéissent à d'autres fins. Sont donc inopérants les moyens tirés de ce que la " loi du pays " contestée méconnaîtrait les règles et principes auxquels sont subordonnés de tels essais ou expérimentations, notamment et en tout état de cause ceux de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997. (br /)

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Quant à la proportionnalité des dispositions contestées : (br /)

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21. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.(br /)

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22. En premier lieu, d'une part, l'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. Celle-ci prend la forme de vagues soudaines, difficiles à prévenir et entraînant dans un délai très bref des conséquences particulièrement graves, y compris un nombre significatif de décès et la saturation des capacités hospitalières. Ce risque s'est aggravé avec l'apparition d'un nouveau variant, encore plus contagieux, comme en témoigne la crise que la Polynésie française a connue à l'été 2021. En l'état des connaissances disponibles, la vaccination réduit de 95 % le risque d'hospitalisation, les risques de circulation du virus sont réduits lorsqu'une personne est vaccinée et il ressort des travaux préparatoires de la " loi du pays " que la très grande majorité des personnes admises dans un service de réanimation ou décédées n'étaient pas vaccinées. Le niveau de la vaccination, en l'absence d'obligation, n'était pas suffisant pour stopper des vagues épidémiques, qui n'ont pu l'être que par des mesures restreignant, notamment, l'exercice de la liberté d'aller et venir.(br /)

(br /)

23. D'autre part et comme rappelé au point 20, les vaccins font l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché. Or en vertu du règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 relatif à l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, celle-ci ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif. Il ressort des pièces du dossier que les cas d'effets secondaires allégués sont trop rares ou trop mal établis pour compenser les bénéfices de la vaccination. L'agence européenne du médicament procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées. (br /)

(br /)

24. En deuxième lieu, si l'article LP. 7 de la loi du pays dispense de l'obligation vaccinale les personnes présentant une contre-indication prévue par l'autorisation de mise sur le marché des vaccins disponibles, son article LP. 5 prévoit qu'un arrêté en conseil des ministres précise les personnes concernées par l'obligation. Il appartient ainsi au conseil des ministres de lister, le cas échéant, les autres contre-indications justifiant une dispense et, en vertu de l'article LP. 6 de la loi du pays, d'actualiser cette liste compte tenu de l'évolution des connaissances médicales et scientifiques. Par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que seules les contre-indications prévues par l'autorisation de mise sur le marché seraient admises. La " loi du pays " a pu légalement prévoir qu'elles ne seraient pas laissées à l'appréciation de chaque médecin.(br /)

(br /)

25. En troisième lieu, le législateur du pays a fait le choix d'appliquer l'obligation aux personnes que leurs activités mettent en contact avec le public ou avec des personnes fragiles, à celles exerçant des activités indispensables à la vie de la collectivité, à celles dont l'activité n'est pas compatible avec les " gestes barrières " et à celles que leur état de santé expose aux formes les plus graves de la maladie. Le but n'étant pas seulement de préserver directement les personnes fragiles mais aussi de ralentir la circulation du virus, il n'était pas tenu d'en exclure les personnes qui travaillent au contact d'enfants ni de limiter la mesure aux personnels de santé. Les personnes rétablies de la maladie n'étant immunisées qu'à court terme, il n'était pas davantage tenu de les exclure. Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi. (br /)

(br /)

26. En quatrième lieu, le législateur du pays pouvait de même, eu égard à la nature de l'obligation, choisir de ne pas fixer de limite dans le temps, dès lors, d'une part, qu'il lui appartenait d'agir, non seulement face à la vague épidémique alors en cours, mais aussi en prévision de vagues épidémiques futures, et, d'autre part, qu'il appartiendrait au gouvernement de la Polynésie française, en application de l'article LP. 6, de réexaminer les mesures prises si la situation venait à le nécessiter. Les auteurs de la " loi du pays " n'avaient pas à limiter l'obligation à certaines parties du territoire, étant donné la circulation entre les iles, lesquelles sont au demeurant particulièrement fragiles, même si certaines étaient encore épargnées à l'été 2021. (br /)

(br /)

27. Ainsi, les dispositions critiquées ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique, et proportionnée à ce but. Doivent être écartés pour les mêmes raisons les moyens par lesquels les requérants invoquent des règles ou principes tels que le droit à la vie, la dignité de la personne humaine, la liberté de choisir sa religion et le droit à " l'objection de conscience ". (br /)

(br /)

Quant au consentement aux soins : (br /)

(br /)

28. La restriction apportée à l'obligation de consentement aux interventions dans le domaine de la santé est inhérente au caractère obligatoire de la vaccination, lequel, comme il a été dit précédemment, est justifié par les besoins de la protection de la santé publique et proportionné au but poursuivi. (br /)

(br /)

Quant aux moyens tirés du principe d'égalité : (br /)

(br /)

29. Ainsi qu'il a été dit au point 25, le choix des catégories de personnes soumises à l'obligation vaccinale est cohérent avec le but poursuivi et ainsi ne méconnait pas le principe d'égalité. La circonstance que les élus n'en relèveraient pas ne suffit pas, en tout état de cause, à caractériser une rupture d'égalité. Si les requérants soutiennent que l'obligation ne s'applique pas aux personnes entrant sur le territoire, celles-ci ne sont pas placées dans la même situation et au surplus font l'objet d'autres types de mesures que celles prévues par la " loi du pays " contestée. (br /)

(br /)

30. Dès lors qu'en vertu des articles 13 et 14 de la loi organique, la Polynésie française est compétente en matière de santé publique, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir du principe d'égalité pour soutenir que l'obligation vaccinale devrait avoir le même champ d'application que celle applicable en métropole en vertu de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. (br /)

(br /)

Quant aux conséquences sur l'activité et l'emploi : (br /)

(br /)

31. La " loi du pays " ne comporte pas de disposition prévoyant, en cas de méconnaissance de l'obligation vaccinale par une personne qui y est soumise à raison de son activité, qu'il soit mis un terme à celle-ci ou qu'elle soit suspendue. Les conséquences que la loi est susceptible d'avoir pour l'activité des personnes exerçant une profession indépendante ne sauraient être regardées comme excessives au regard de l'objectif recherché. La circonstance qu'en cas de méconnaissance de l'obligation l'employeur ou le chef de service sera tenu d'exercer les responsabilités qui lui incombent en vertu du droit commun et dans le respect des garanties prévues par celui-ci n'est pas de nature à entacher la " loi du pays " de disproportion au regard des droits des salariés ou des agents publics. Pour le même motif, le grief d'incompétence négative doit également être écarté. (br /)

(br /)

En ce qui concerne l'amende administrative : (br /)

(br /)

32. L'article LP. 8 punit le non-respect des obligations de vaccination imposées à raison de l'activité, ainsi que " la volonté d'en entraver l'exécution ", d'une amende administrative de 175 000 F CFP. Aux termes de l'article LP. 11 : " Avant de prononcer l'amende administrative prévue à l'article LP. 8, l'autorité administrative compétente informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle dispose d'un délai de trente jours à compter de la notification du courrier ou de la remise en main propre, pour régulariser sa situation vaccinale ou faire part de ses observations écrites ".(br /)

(br /)

33. Le montant de l'amende n'est pas disproportionné eu égard au manquement qu'elle a pour objet de sanctionner. Il en est de même pour la faculté de la prononcer à plusieurs reprises, ce renouvellement n'étant éventuellement possible qu'au terme du délai d'un mois laissé au contrevenant pour régulariser sa situation vaccinale, et ne pouvant ainsi s'appliquer que s'il persiste dans son refus. Contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des dispositions de l'article LP. 11 que l'amende ne peut pas être infligée à une personne qui, invitée à régulariser sa situation, choisirait de le faire, non en se faisant vacciner, mais en mettant fin à l'activité à raison de laquelle elle est soumise à l'obligation. Il appartient au juge administratif, pour chaque amende prononcée et après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et sur la qualification, de maintenir l'amende ou de l'annuler ; ainsi, la circonstance que l'amende soit forfaitaire ne suffit pas à caractériser une méconnaissance du principe d'individualisation des peines. Si certains requérants soutiennent que le texte méconnaitrait le principe de la responsabilité personnelle en permettant d'infliger l'amende lorsqu'un un mineur ou un majeur protégé n'est pas vacciné, ce moyen n'est pas accompagné des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé. (br /)

(br /)

34. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi organique, " la Polynésie française peut assortir les infractions aux actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" ou aux délibérations de l'assemblée de la Polynésie française de peines d'amende, y compris des amendes forfaitaires dans le cadre défini par le code de procédure pénale, respectant la classification des contraventions et délits et n'excédant pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale. Elle peut assortir ces infractions de peines complémentaires prévues pour les infractions de même nature par les lois et règlements applicables en matière pénale ". Ces dispositions ne concernent que les sanctions pénales, non les amendes administratives prévues au deuxième alinéa du même article 20. Dès lors, le moyen tiré de ce que le montant de l'amende administrative excèderait celui des amendes prévues par la législation applicable en métropole pour des infractions de même nature est, en tout état de cause, inopérant. Par ailleurs et ainsi qu'il a été dit au point 30, le principe d'égalité ne peut, dans les domaines de compétence de la Polynésie française, être utilement invoqué pour contester une différence entre la législation applicable sur ce territoire et celle applicable en métropole. (br /)

(br /)

35. S'il s'applique à la " volonté d'entraver " l'exécution de la loi, l'article LP. 9 ne concerne pas toute opposition, mais seulement des agissements tendant à empêcher matériellement les opérations de vaccination. En particulier, la disposition n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de sanctionner l'expression des opinions. Le moyen tiré d'une atteinte à la liberté d'expression et à l'objectif constitutionnel de clarté et d'accessibilité de la loi doit, dans ces conditions, être écarté. (br /)

(br /)

36. Si, pour prendre et motiver la sanction, le président de la Polynésie française saura nécessairement que l'intéressé n'est pas vacciné et n'est pas dans un cas de contre-indication, il ne saurait avoir accès à aucune autre donnée de santé. Par elle-même, la " loi du pays " ne prévoit pas de traitements de données à caractère personnel et, en tout état de cause, les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 s'imposeraient à tout acte qui serait pris pour créer de tels traitements. Par suite, les moyens tirés de la violation du secret médical et du droit à la protection des données personnelles ne peuvent qu'être écartés. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article LP. 11 seraient illégales au seul motif qu'elles ne rappellent pas le droit d'accès de toute personne concernée à son dossier, dès lors que ce droit s'applique même sans texte. Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'auteur du manquement se fasse assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe général des droits de la défense doit être écarté. Le principe d'impartialité n'implique pas que, pour une sanction infligée selon les modalités prévues par la présente " loi du pays ", les fonctions d'instruction et de décision soient séparées. (br /)

(br /)

En ce qui concerne la majoration du ticket modérateur : (br /)

(br /)

37. L'article LP. 9 prévoit que le non-respect de l'obligation de vaccination par les personnes qui, en vertu de l'article LP. 2, y sont soumises à raison des pathologies dont elles sont atteintes, donne lieu à la majoration d'un nombre de points, fixé par arrêté pris en conseil des ministres, du ticket modérateur pour la prise en charge de tous actes, prescriptions et prestations dispensés à l'assuré par les régimes de protection sociale polynésiens, y compris l'hospitalisation. Il prévoit également que cette majoration cesse après satisfaction à l'obligation de vaccination et qu'elle peut se cumuler avec celle prévue par la loi du pays n° 2018-14 du 16 avril 2018 relative au médecin traitant, au parcours de soins coordonnés et au panier de soins. (br /)

(br /)

38. En premier lieu, ces dispositions répondent à l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale des personnes les plus exposées à un risque grave en cas de contamination, dans un contexte de prévalence élevée des causes de comorbidité et d'un risque de saturation des services hospitaliers. La majoration du ticket modérateur qu'elles prévoient n'a pas vocation à s'appliquer à celles des prestations qui sont intégralement prises en charge en vertu des délibérations n° 74-22 du 14 février 1974 instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés, n° 94-170 AT du 29 décembre 1994 instituant le régime d'assurance maladie des personnes non-salariées et n° 95-262 AT du 20 décembre 1995 instituant et modifiant les conditions du risque maladie des ressortissants du régime de solidarité territorial. Il appartiendra au gouvernement de la Polynésie française, sous le contrôle du juge, de fixer et, si besoin, de différencier, le montant de la majoration de façon telle que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui garantit à tous la protection de la santé. Dans ces conditions, l'article LP. 9 n'a pas méconnu ces exigences. Il ne méconnaît pas davantage le droit à la vie et à l'intégrité physique, la liberté de conscience et le droit de propriété, ni les autres droits et libertés invoqués. Il n'a par ailleurs pas d'incidence sur le libre choix du médecin. (br /)

(br /)

39. En deuxième lieu, en vertu de l'article 140 de la loi organique, les actes de l'assemblée de la Polynésie française dénommés " lois du pays " sont ceux qui relèvent du domaine de la loi. Si une disposition en vertu de laquelle des assurés devront acquitter une participation pour des dépenses prises en charge par l'assurance maladie relève de ce domaine, le législateur du pays n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en chargeant le gouvernement de déterminer le niveau de la majoration dans les conditions rappelées au point précédent.(br /)

(br /)

40. En troisième lieu et au regard de l'objectif poursuivi, les personnes vaccinées et les personnes non vaccinées ne sont pas dans la même situation, ni les personnes vulnérables et les autres. Par suite l'article LP. 9 ne méconnait pas le principe d'égalité, ni en tout état de cause le principe de non-discrimination reconnu par la convention n° 102 de l'Organisation internationale du travail de 1952. (br /)

(br /)

En ce qui concerne certaines modalités : (br /)

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42. En premier lieu, aux termes de l'article LP. 10 : " Les manquements à la présente loi du pays et à ses arrêtés d'application sont constatés par les médecins et pharmaciens de l'Agence de régulation de l'action sanitaire et sociale et de la direction de la santé, dans le respect du secret médical ". D'une part, certains requérants soutiennent que les statuts particuliers de ces agents ne leur confient pas de telles missions. Cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la " loi du pays ". D'autre part, la loi ne confie, par elle-même, aucune mission de contrôle aux employeurs et chefs de service. La circonstance qu'ils devront exercer leurs responsabilités de droit commun notamment en matière de santé au travail n'est pas de nature à porter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée ni au secret médical. (br /)

(br /)

43 En deuxième lieu, l'article LP.7 prévoit que l'obligation vaccinale est considérée comme satisfaite si la personne justifie d'un statut vaccinal complet ou présente un certificat médical de contre-indication. Dès lors qu'elles n'imposent pas la mention du motif de contre-indication, ces dispositions ne portent pas atteinte au secret médical ni au droit au respect de la vie privée. (br /)

(br /)

44. En troisième lieu, il résulte des réponses apportées à une mesure d'instruction ordonnée par la 10ème chambre de la Section du contentieux que la Polynésie française n'a pas pris par ailleurs de dispositions tendant à l'indemnisation des dommages qui pourraient résulter des vaccinations obligatoires qu'elle a choisi d'instituer. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les personnes concernées obtiennent une indemnisation en application des principes généraux de la responsabilité. Par ailleurs et ainsi qu'il a été dit au point 30, le moyen tiré de la différence entre le régime fixé pour la métropole par l'article L. 3111-9 du code de la santé publique et celui applicable en Polynésie française est inopérant dès lors que la matière est de la compétence de cette collectivité. (br /)

(br /)

45. En dernier lieu, l'article LP. 15 donne aux personnes concernées un délai de deux mois à compter de la date de promulgation de la " loi du pays " pour satisfaire à l'obligation vaccinale. Eu égard à la situation critique constatée à la date de la loi de pays, ces conditions d'entrée en vigueur ne méconnaissent pas le principe de sécurité juridique. (br /)

(br /)

46. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'acte par lequel le président de la Polynésie française a promulgué la " loi du pays " n° 2021-17 du 23 août 2021, ni de cette " loi du pays ".(br /)

(br /)

47. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la Polynésie française. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la Polynésie française. (br /)

(br /)

(br /)

(br /)

D E C I D E :(br /)

--------------(br /)

(br /)

Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance de M. CF... et de M. BN.... (br /)

Article 2 : L'intervention de Mme S... épouse AC... et autres est admise. (br /)

Article 3 : L'intervention de Mme A... épouse CK... et de Mme BL... épouse DC... au soutien de la requête de Mme DW... épouse CO... et autres est admise. (br /)

Article 4 : Les conclusions des requêtes de Mme DW... épouse CO... et autres, de Mme A... épouse CK... et de Mme BL... épouse DC..., de M. BP... et autres, du Syndicat des agents publics de Polynésie et autres, de M. DM..., de M. AD..., de Mme BT..., du Rassemblement des travailleurs Amuitahira'a Rave Ohipa no Porinetia et autre, de Mme DM... et autres, du syndicat Union de l'aérien français Union des syndicats autonomes de Polynésie française et autres, de M. AE... et de la Fédération Nationale de l'Enseignement, de la Culture et de la Formation Professionnelle - Force Ouvrière Polynésie française et autre, sont rejetées. (br /)

(br /)

Article 5 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. (br /)

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme DA... DW... épouse CO..., à M. DU... BP..., au Syndicat des agents publics de Polynésie, au Rassemblement des travailleurs Amuitahira'a Rave Ohipa no Porinetia, à Mme FW... DM..., au syndicat Union de l'aérien français Union des syndicats autonomes de Polynésie française et à la Fédération Nationale de l'Enseignement, de la Culture et de la Formation Professionnelle - Force Ouvrière Polynésie française, premiers dénommés chacun en ce qui le concerne pour l'ensemble des requérants, à M. CQ... DM..., à M. EK... AD..., à Mme FV... BT... et à M. T... AE..., au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française, ainsi que, chacune en ce qui la concerne pour l'ensemble des intervenants, à Mme H... S... épouse AC... et à Mme FR... A... épouse CK.... (br /)

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé, au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française. (br /)

Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux présidant ; M. CY... CC..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme DI... AR..., M. DP... AX..., Mme H... DR..., M. BQ... BW..., M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Bruno Delsol conseiller d'Etat-rapporteur. (br /)

(br /)

Rendu le 10 décembre 2021(br /)

Le Président : (br /)

Signé : M. Rémy Schwartz(br /)

Le rapporteur : (br /)

Signé : M. Bruno Delsol(br /)

La secrétaire :(br /)

Signé : Mme DB... FJ...(br /)


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 437412
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - RESPONSABILITÉ AU TITRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - 1) RÈGLES DE RÉPARATION - A) DURÉE PENDANT LAQUELLE LE CONTRIBUABLE A ÉTÉ PRIVÉ DES SOMMES CORRESPONDANTES - INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) [RJ1] - B) AUTRES PRÉJUDICES NE RÉSULTANT PAS DU SEUL PAIEMENT DE L'IMPÔT - INDEMNITÉ [RJ2] - 2) CONSÉQUENCE - RÉPARATION DU COÛT DE FINANCEMENT DU PAIEMENT DE L'IMPÔT - INTÉRÊTS MORATOIRES.

19-01-06 1) a) Il résulte des articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'en cas de dégrèvement prononcé à la suite d'une réclamation portant sur l'assiette ou le calcul de l'impôt, le contribuable a droit à la perception des intérêts moratoires assis sur les impositions dégrevées, qui ont pour objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes, en compensant en particulier les effets de l'indisponibilité de celles-ci et les coûts de substitution que l'intéressé a été contraint d'exposer.......b) Il peut également, le cas échéant, demander la réparation des préjudices causés par une faute de l'administration fiscale ne résultant pas du seul paiement de l'impôt, notamment ceux résultant des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration ou des troubles causés dans ses conditions d'existence.......2) Le préjudice subi par des contribuables tenant aux intérêts d'emprunt et aux frais de dossier supportés pour acquitter des suppléments d'impôt indument mis à leur charge est indemnisé par le versement des intérêts moratoires qui accompagne la restitution de ces impositions. L'Etat ne peut pas être condamné à leur verser une indemnité en réparation de ce préjudice.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ÉCONOMIQUES - SERVICES FISCAUX - RESPONSABILITÉ AU TITRE DE L'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - 1) RÈGLES DE RÉPARATION - A) DURÉE PENDANT LAQUELLE LE CONTRIBUABLE A ÉTÉ PRIVÉ DES SOMMES CORRESPONDANTES - INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) [RJ1] - B) AUTRES PRÉJUDICES NE RÉSULTANT PAS DU SEUL PAIEMENT DE L'IMPÔT - INDEMNITÉ [RJ2] - 2) CONSÉQUENCE - RÉPARATION DU COÛT DE FINANCEMENT DU PAIEMENT DE L'IMPÔT - INTÉRÊTS MORATOIRES.

60-02-02-01 1) a) Il résulte des articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'en cas de dégrèvement prononcé à la suite d'une réclamation portant sur l'assiette ou le calcul de l'impôt, le contribuable a droit à la perception des intérêts moratoires assis sur les impositions dégrevées, qui ont pour objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes, en compensant en particulier les effets de l'indisponibilité de celles-ci et les coûts de substitution que l'intéressé a été contraint d'exposer.......b) Il peut également, le cas échéant, demander la réparation des préjudices causés par une faute de l'administration fiscale ne résultant pas du seul paiement de l'impôt, notamment ceux résultant des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration ou des troubles causés dans ses conditions d'existence.......2) Le préjudice subi par des contribuables tenant aux intérêts d'emprunt et aux frais de dossier supportés pour acquitter des suppléments d'impôt indument mis à leur charge est indemnisé par le versement des intérêts moratoires qui accompagne la restitution de ces impositions. L'Etat ne peut pas être condamné à leur verser une indemnité en réparation de ce préjudice.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 28 janvier 2019, Min. c/ Société MACIF, n° 406722, T. pp. 665-668-693....

[RJ2]

Cf. CE, Section, 21 mars 2011, M. Krupa, n° 306225, p. 101 ;

CE, 12 mars 2014, Min. c/ MM. Favreau, n°s 359643 et autres, T. pp. 608-858.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2021, n° 437412
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:437412.20211210
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