La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2021 | FRANCE | N°430492

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 30 novembre 2021, 430492


Vu la procédure suivante :

Mme A... L... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prise en charge et du décès de son mari dans cet établissement. Par un jugement n° 1403167 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17BX00222 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme L... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire

complémentaire, enregistrés les 6 mai et 7 août 2019 au secrétariat du contenti...

Vu la procédure suivante :

Mme A... L... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prise en charge et du décès de son mari dans cet établissement. Par un jugement n° 1403167 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17BX00222 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme L... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 7 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme L... et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Poitiers.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme L... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à l'indemniser des préjudices subis du fait du décès de son mari après sa prise en charge dans cet établissement. Le tribunal administratif a ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 25 novembre 2015, puis a, par un jugement du 22 novembre 2016, rejeté la demande indemnitaire de Mme L.... Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mars 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige.

3. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen par lequel Mme L... soutenait que la procédure d'élaboration du rapport d'expertise remis le 25 novembre 2015 n'avait pas été contradictoire, la cour administrative d'appel a jugé qu'un expert n'était pas tenu de mettre à la disposition des parties les documents utilisés pour rédiger son rapport et qu'il en allait ainsi, en l'espèce, de clichés d'imagerie médicale utilisés par l'expert, qui étaient absents du dossier médical remis à Mme L... et dont elle n'avait jamais eu communication. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des termes mêmes du rapport de l'expert que celui-ci s'était fondé de manière déterminante sur ces clichés d'imagerie médicale, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit et a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

4. Contrairement à ce que soutient, en défense, le CHU de Poitiers, le moyen ainsi tiré par Mme L... J... la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'expertise n'était pas irrecevable devant la cour administrative d'appel, alors même qu'il était présenté pour la première fois en appel et que Mme L... aurait été en mesure de le soulever devant le tribunal administratif. Le CHU de Poitiers n'est, par suite, pas fondé à demander au Conseil d'Etat de substituer le motif d'irrecevabilité de ce moyen au motif pris du caractère régulier de l'expertise, retenu à tort, ainsi qu'il a été dit au point 3, par la cour.

5. Enfin, il résulte des termes de l'arrêt attaqué que la cour s'est fondée à titre exclusif sur les conclusions du rapport d'expertise, bien qu'il ait été établi, ainsi qu'il a été dit au point 3, dans des conditions irrégulières. En statuant ainsi, alors que les éléments figurant dans ce rapport ne pouvaient être regardés ni comme des éléments de pur fait non contestés par les parties ni comme des éléments corroborés ou non infirmés par d'autres éléments du dossier, la cour a entaché son arrêt d'une autre erreur de droit.

6. Mme L... est ainsi fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Poitiers la somme de 3 000 euros à verser à Mme L... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 mars 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le CHU de Poitiers versera à Mme L... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... L... et au centre hospitalier universitaire de Poitiers.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 octobre 2021 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, président de chambre ; Mme N... J... O..., M. B... C..., M. M... D..., Mme G... K..., M. F... I..., M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 30 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

Le secrétaire :

Signé : M. E... H...


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 430492
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS À L'EXPERTISE - CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE L'EXPERTISE - MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE CE CARACTÈRE [RJ1] PRÉSENTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS EN APPEL - RECEVABILITÉ - EXISTENCE [RJ2].

54-04-02-02-01-04 Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'expertise n'est pas irrecevable devant la cour administrative d'appel, alors même qu'il est présenté pour la première fois en appel.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - MOYENS RECEVABLES EN APPEL - PRÉSENTENT CE CARACTÈRE - MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE D'EXPERTISE [RJ1] PRÉSENTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS EN APPEL - RECEVABILITÉ - EXISTENCE [RJ2].

54-08-01-03-02 Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'expertise n'est pas irrecevable devant la cour administrative d'appel, alors même qu'il est présenté pour la première fois en appel.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant de la portée de la règle du caractère contradictoire de l'expertise, CE, 23 octobre 2019, Centre hospitalier Bretagne-Atlantique, n° 419274, T. p. 922....

[RJ2]

Ab. jur., sur ce point, CE, 15 février 1957, Ministre des travaux publics c/ Bergeret, n° 99033, T. p. 995 ;

CE, 5 janvier 1962, Rietsch, n° 49307, p. 11, CE, 19 mars 1969, Commune de Saint-Maur-des-Fossés, n° 69749, p. 170 ;

CE, 2 avril 1971, Commune d'Yerres, n° 77677, T. p. 1170 ;

CE, 27 octobre 1978, Œuvre générale de Craponne, n° 99165, T. 923.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2021, n° 430492
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:430492.20211130
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award