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24/11/2021 | FRANCE | N°458472

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 novembre 2021, 458472


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins le suspendant du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois et conditionnant la reprise de son exercice en matière d'oncologie médicale au suivi d'une formation d'une mê

me durée et à la réussite d'un examen ;

2°) de mettre à la charge de l'Ord...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins le suspendant du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois et conditionnant la reprise de son exercice en matière d'oncologie médicale au suivi d'une formation d'une même durée et à la réussite d'un examen ;

2°) de mettre à la charge de l'Ordre national des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, l'exercice de l'oncologie médicale constitue sa seule activité rémunérée, en deuxième lieu, il est dans l'impossibilité de changer de spécialité pour pratiquer la médecine générale, en troisième lieu, la suspension de son droit d'exercer la médecine entraînera nécessairement une rupture dans le parcours d'accès aux soins pour sa patientèle et, en dernier lieu, aucune circonstance d'intérêt général tenant à la sécurité et la prise en charge des patients ne peut être opposée ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas reconnu partiellement une insuffisance professionnelle en matière d'oncologie médicale mais s'est au contraire opposé à ce constat ;

- elle est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que, en premier lieu, le rapport d'expertise n'est pas suffisamment précis pour déterminer la teneur réelle de l'insuffisance professionnelle, en deuxième lieu, elle n'a pas tenu compte des circonstances dans lesquelles ses protocoles de soin ont été mis en œuvre, en troisième lieu, il actualise régulièrement ses connaissances en oncologie médicale en assistant au congrès annuel de la Fondation de chimiothérapie de New-York et, en dernier lieu, il a su justifier ses choix thérapeutiques et présenter des données statistiques sur la survie de ses patients supérieures à celles faisant référence en la matière ;

- elle n'est pas nécessaire au regard de l'objectif de protection des patients dès lors que, d'une part, il n'a jamais fait l'objet d'autre plainte en plus de quarante années d'exercice et, d'autre part, la durée de la suspension et le contenu de la formation qu'il devra suivre ne sont pas justifiés en ce qu'il présente un degré d'expérience et de savoir-faire certain ;

- elle est disproportionnée dès lors qu'elle lui interdit totalement de pratiquer la médecine pendant dix-huit mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2021, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A..., et d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 novembre 2021, à 11 heures :

- Me Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- Me Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Le docteur B... A... exerce dans deux établissements privés la médecine comme spécialiste en oncologie. A la suite de deux plaintes, et après avoir reçu le rapport de trois médecins qualifiés mentionné au II de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a, par décision du 17 septembre 2021, suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois, subordonnant la reprise de son activité au suivi d'une formation théorique de chimiothérapie et de traitement médical du cancer, d'un stage pratique de six mois en CHU, à sanctionner par une évaluation et un examen validant. M. A... a demandé l'annulation de cette sanction et en demande la suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. M. A... soutient en premier lieu que la décision le sanctionnant est entachée d'une erreur de fait pour avoir relevé qu'il avait reconnu partiellement son insuffisance professionnelle. Outre que cette critique apparait inopérante dès lors que la décision n'a retenu cette circonstance qu'à titre superfétatoire, en ne se fondant que sur l'insuffisance professionnelle qu'elle a jugée établie, il ressort des termes mêmes d'un courrier du 7 septembre 2021 adressé par M. A... au Conseil de l'ordre qu'il reconnaît une " insuffisance professionnelle relative ", formulation dont la décision se fait l'exact écho, et qui ne peut ,dès lors, pour ces motifs créer un doute sérieux sur la légalité la suspension prononcée.

4. En second lieu, si le rapport motivé des trois médecins résume les griefs à l'encontre de M. A... en recourant à des formulations générales, il n'est pas contesté qu'elles sont la conclusion d'un processus détaillé d'analyse de ses connaissances et pratiques qui lui ont permis de répondre à des questions précises et, le cas échéant, de discuter les mises en situation qui lui étaient proposées pour évaluer ses compétences. Il n'est par suite pas possible de regarder le moyen tiré de ce que les insuffisances relevées à son encontre étaient trop générales pour être utilement contestées et ne pouvaient fonder, par leur gravité, la sanction infligée, comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

5. En troisième lieu, la durée de la sanction est proportionnée aux obligations de formation, que M. A... ne discute qu'en conséquence de son appréciation de son insuffisance professionnelle, qui, dès lors qu'elle a été considérée comme établie ne permet pas de regarder cette critique comme susceptible de créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

6. Enfin, si M. A... estime qu'il n'aurait pas dû être privé de la possibilité d'exercer la médecine générale, mais seulement sa spécialité d'oncologie, la nature des insuffisances professionnelles relevées faisait obstacle à ce que le Conseil se bornât à suspendre seulement la pratique d'une fraction de l'activité médicale de l'intéressé, auquel il a d'ailleurs rappelé la possibilité d'exercer la médecine générale dès lors que l'évaluation de sa compétence dans cette spécialité lui permettrait de s'en voir reconnaître la possibilité d'exercice par les instances compétentes. Dès lors, le caractère global de la suspension ne peut être regardé comme permettant de douter sérieusement de sa légalité.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Fait à Paris, le 24 novembre 2021

Signé : Thierry Tuot


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 458472
Date de la décision : 24/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2021, n° 458472
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:458472.20211124
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