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22/11/2021 | FRANCE | N°448088

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 22 novembre 2021, 448088


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1912556/6-1 du 22 décembre 2020, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, uniquement en tant que seraient concernées les données le concernant relatives à la sûreté de l'Etat figurant dans le FPR et le N-SIS-II, la requête de M. B... C....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 13 juin 2019, et deux mémoires en ré

plique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 m...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1912556/6-1 du 22 décembre 2020, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, uniquement en tant que seraient concernées les données le concernant relatives à la sûreté de l'Etat figurant dans le FPR et le N-SIS-II, la requête de M. B... C....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 13 juin 2019, et deux mémoires en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 mai 2021 et 27 septembre 2021 M. C... demande, dans le dernier état de ses écritures :

1°) l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant et susceptibles de figurer, premièrement, dans le FPR au titre du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et, deuxièmement, au N-SIS II au titre du 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure ;

2°) d'enjoindre audit ministre de lui communiquer ces informations dans un délai de 2 mois ;

3°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'accès et de rectification des fichiers FSRT et du FSPRT ;

4°) de sursoir à statuer le temps que naisse une décision implicite de rejet de sa demande, reçue en cours d'instance par le ministre de l'intérieur, d'accès et de rectification au fichier des personnes recherchées (FPR), au fichier des personnes recherchées (FPR) sur le fondement du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat, au fichier N-SIS II, au fichier N-SIS II sur le fondement du 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure intéressant la sûreté de l'Etat, au fichier des services du renseignement territorial (FSRT), au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), au Fichier des renseignements généraux (FRG), au Fichier informatisé du terrorisme (FIT), au Fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), au Fichier Gestion de l'information et Prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP), au Fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP), au Fichier alphabétique de renseignements (FAR), au Fichier ELOI (Étrangers en situation irrégulière), au Fichier de suivi des personnes faisant l'objet d'une rétention administrative, puis d'ordonner la suppression des données le concernant figurant dans ces fichiers ;

5°) d'ordonner la communication de l'identité de la ou des personnes qui seraient à l'origine de ces dénonciations calomnieuses ;

6°) de lui communiquer les informations reçues hors du contradictoire ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le décret n° 2018-687 du 1er août 2018 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. C... et d'autre part, le ministre de l'intérieur, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Thomas Andrieu, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense qui sont contenues dans les traitements mis en œuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements le fichier des personnes recherchées (FPR) pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 susvisé et le fichier N-SIS II pour les seules données mentionnées au 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 2 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il résulte de l'instruction que M. C..., ressortissant marocain, a fait l'objet le 27 janvier 2017, par décisions du préfet de police, d'une perquisition administrative, d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur le sol français de 24 mois. M. C..., qui réside aujourd'hui au Maroc, a également fait l'objet d'un refus de visa le 15 mai 2019 au motif notamment qu'il représenterait une menace pour l'ordre public. M. C... demande l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant et susceptibles de figurer, premièrement, dans le FPR au titre du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et, deuxièmement, au N-SIS II au titre du 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure et d'enjoindre audit ministre de lui communiquer ces informations dans un délai de 2 mois. M. C... demande en outre d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande d'accès et de rectification des fichiers FSRT et FSPRT, d'ordonner la communication de l'identité de la ou des personnes qui seraient à l'origine de ces dénonciations calomnieuses et de lui communiquer les informations reçues hors du contradictoire. M. C..., enfin, demande qu'il soit sursis à statuer le temps que naisse une décision implicite de rejet de sa demande, reçue en cours d'instance par le ministre de l'intérieur, d'accès et de rectification au fichier des personnes recherchées (FPR), au fichier des personnes recherchées (FPR) sur le fondement du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat, au fichier N-SIS II, au fichier N-SIS II sur le fondement du 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure intéressant la sûreté de l'Etat, au fichier des services du renseignement territorial (FSRT), au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), au Fichier des renseignements généraux (FRG), au Fichier informatisé du terrorisme (FIT), au Fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), au Fichier Gestion de l'information et Prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP), au Fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP), au Fichier alphabétique de renseignements (FAR), au Fichier Étrangers en situation irrégulière (ELOI), au Fichier de suivi des personnes faisant l'objet d'une rétention administrative, puis d'ordonner la suppression des données le concernant figurant dans ces fichiers.

Sur les demandes relatives au FPR et au N-SIS II :

5. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui n'ont révélé aucune illégalité, que les conclusions de M. C... relatives au FPR et au N-SIS II, y compris ses conclusions à fin d'injonction, doivent être rejetées.

Sur les demandes relatives aux autres fichiers :

8. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté qu'à la date de la présente décision, les demandes d'accès et de rectification adressées en cours d'instance par M. C... au ministre de l'intérieur au titre des autres fichiers mentionnés au point 4 n'ont fait l'objet d'aucune décision du ministre, explicite ou implicite. Faute de liaison du contentieux, les demandes faites devant le Conseil d'Etat à ce dernier titre par M. C... sont irrecevables.

9. En outre, les dispositions citées au point 3 de l'article L. 773-8 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de M. C... d'ordonner la communication de l'identité de la ou des personnes qui seraient à l'origine de " dénonciations calomnieuses " et de lui communiquer les informations reçues hors du contradictoire. Il résulte enfin de tout ce qui précède que la demande de M. C... présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la CNIL.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 novembre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat-rapporteur.

Le Président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Thomas Andrieu

La secrétaire :

Signé : Mme D... A...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 nov. 2021, n° 448088
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Andrieu
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois De Sarigny

Origine de la décision
Formation : Formation spécialisée
Date de la décision : 22/11/2021
Date de l'import : 25/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 448088
Numéro NOR : CETATEXT000044361903 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-11-22;448088 ?
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