La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2021 | FRANCE | N°451971

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 18 novembre 2021, 451971


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Bastia, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 19 novembre 2020 par laquelle elle a constaté que M. C... D..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont tenues le 15 mars 2020 dans la commune d'Ajaccio, n'avait pas déposé son compte de campagne.

Par un jugement n° 2001367 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Bastia a prononcé l'inéligibilité de M.

D... pour une durée de six mois.

Par une requête, enregistrée le 23 ...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Bastia, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 19 novembre 2020 par laquelle elle a constaté que M. C... D..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont tenues le 15 mars 2020 dans la commune d'Ajaccio, n'avait pas déposé son compte de campagne.

Par un jugement n° 2001367 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Bastia a prononcé l'inéligibilité de M. D... pour une durée de six mois.

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) de décider qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M. D..., tête d'une liste candidate au premier tour des élections municipales et communautaires d'Ajaccio organisées le 15 mars 2020, n'avait pas déposé son compte de campagne. M. D... fait appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia, saisi par la Commission, l'a déclaré inéligible pour une durée de six mois.

2. En vertu de l'article L. 52-12 du code électoral, chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques et de le déposer à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Le 4° du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté la date limite mentionnée par ces dispositions, pour les listes de candidats non présentes au second tour, au 10 juillet 2020 à 18 heures. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral, " Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit (...), la commission saisit le juge de l'élection ". Aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / (...) / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. (...) ".

3. En application des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré. L'obligation de déposer un compte de campagne est une formalité substantielle dont l'omission constitue un manquement d'une particulière gravité, hormis le cas où le mandataire financier atteste de l'absence de toute recette et dépense.

4. En premier lieu, M. D... soutient qu'il a envoyé son compte de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par un courrier simple qui se serait perdu. Toutefois, il n'apporte aucun élément permettant d'attester d'un tel envoi à la Commission, laquelle n'a de surcroît reçu aucune réponse à la mise en demeure qu'elle lui a adressée le 20 août 2020. En tout état de cause, les pièces que M. D... produit à l'appui de ses allégations, comprenant notamment un relevé de compte bancaire, des justificatifs de dépenses et des copies de chèques, sans certification par un expert-comptable, ne sauraient être regardées comme un compte de campagne au sens de l'article L. 52-12 du code électoral.

5. En second lieu, alors même que l'instruction ne fait ressortir aucun autre manquement commis par M. D..., l'absence de dépôt par ce dernier, qui a obtenu 4,51 % des suffrages exprimés, du compte de campagne, exigé par les dispositions précitées du code électoral, constitue un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales justifiant le prononcé d'une inéligibilité, dont la durée ne saurait être inférieure à six mois.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Bastia l'a déclaré inéligible pour cette durée, ni à demander, en tout état de cause, l'annulation de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

D E C I D E :

----------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... D... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 octobre 2021 où siégeaient : Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 18 novembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Nathalie Escaut

La rapporteure :

Signé : Mme Christelle Thomas

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 nov. 2021, n° 451971
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Formation : 10ème chambre
Date de la décision : 18/11/2021
Date de l'import : 23/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 451971
Numéro NOR : CETATEXT000044344709 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-11-18;451971 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award