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02/11/2021 | FRANCE | N°457559

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 novembre 2021, 457559


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 25 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa (CNAIB-SPA), la fédération internationale des écoles professionnelles de la parfumerie, de l'esthétique et de la cosmétique (FIEPPEC) et l'union des professionnels de la beauté et du bien-être (UPB) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de s

uspendre l'exécution du décret n° 2020-1277 du 20 octobre 2020 relatif aux cond...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 et 25 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa (CNAIB-SPA), la fédération internationale des écoles professionnelles de la parfumerie, de l'esthétique et de la cosmétique (FIEPPEC) et l'union des professionnels de la beauté et du bien-être (UPB) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2020-1277 du 20 octobre 2020 relatif aux conditions de certification des candidats à l'examen du baccalauréat professionnel et portant suppression du brevet d'études professionnelles, en ce qu'il supprime, pour les élèves inscrits en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel, la possibilité de candidater au diplôme du certificat d'aptitude professionnelle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête est recevable dès lors qu'elles justifient d'un intérêt à agir et ont présenté un recours en annulation ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les étudiants actuellement en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel se verront privés de la possibilité de candidater à la session 2022 du certificat d'aptitude professionnelle si le décret n'est pas suspendu avant la fin de la période des inscriptions en cours, avec des répercussions importantes pour les élèves concernés mais aussi pour les employeurs du secteur de l'esthétique, qui ont besoin d'apprentis dans un contexte de forte tension sur l'emploi ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- ce décret est entaché d'incompétence et d'un vice de procédure faute d'avoir été pris en Conseil d'Etat et précédé des consultations requises par l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat et par l'article 10 du décret du 13 septembre 2019 instituant les commissions professionnelles consultatives chargées d'examiner les projets de création, de révision ou de suppression de diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il prive les élèves inscrits au baccalauréat professionnel renonçant à passer ce diplôme ou y ayant échoué de la possibilité d'accéder aux métiers de l'esthétique, soit directement, en étant munis du certificat d'aptitude professionnelle, soit par la voie de l'apprentissage, en vue de l'obtention du brevet professionnel ;

- il méconnaît le principe de sécurité juridique en ce qu'il s'applique à des élèves qui s'étaient engagés avant la publication du décret dans un cycle de préparation au baccalauréat professionnel, en comptant sur la possibilité de se présenter au certificat d'aptitude professionnelle ;

- il méconnaît le principe d'égalité au détriment des élèves inscrits dans les établissements privés hors contrats, étant donné que ces élèves ont des résultats moins bons au baccalauréat professionnel et se voient privés de la possibilité d'obtenir le certificat d'aptitude professionnelle pour accéder aux métiers de l'esthétique, alors que, dans ces établissements, l'examen terminal sans contrôle continu ne pose aucune difficulté d'organisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du décret.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa, la fédération internationale des écoles professionnelles de la parfumerie, de l'esthétique et de la cosmétique et l'union des professionnels de la beauté et du bien-être et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 octobre 2021, à 11 heures :

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérantes ;

- les représentants des requérantes ;

- les représentantes du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Il résulte de l'instruction que l'entrée en vigueur du décret contesté, dont les fédérations requérantes demandent la suspension en ce qu'il supprime la possibilité pour les élèves préparant le baccalauréat professionnel de candidater au certificat d'aptitude professionnelle, a pour effet d'interdire aux élèves actuellement inscrits en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel de participer à la session 2022 du certificat d'aptitude professionnelle. Pour établir l'urgence qu'elles invoquent, les fédérations requérantes font valoir qu'à défaut de suspension avant la clôture des inscriptions à la session 2022 du certificat d'aptitude professionnelle, qui doit intervenir à brève échéance, entre mi-novembre et mi-décembre 2021 selon les académies pour la spécialité " esthétique, cosmétique, parfumerie ", le décret contesté porterait une atteinte grave et immédiate, d'une part, aux intérêts des élèves actuellement inscrits en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel, qui s'étaient engagés dans le cycle de préparation au baccalauréat, avant la publication du décret, en comptant sur la possibilité d'obtenir également le certificat d'aptitude professionnelle pour s'orienter, le cas échéant, vers une formation en alternance, mais aussi, d'autre part, aux intérêts des écoles et des professionnels du secteur, qui connaissent d'importantes difficultés de recrutement, avec près de mille emplois à pourvoir actuellement, et comptent proposer douze mille contrats d'apprentissage ou de professionnalisation en septembre 2022.

4. Toutefois, la suspension demandée par les fédérations requérantes aurait pour effet d'imposer une réorganisation de la formation des élèves engagés dans le cycle de préparation au baccalauréat professionnel, pour les préparer également aux examens du certificat d'aptitude professionnelle et organiser les évaluations certificatives requises, alors que l'entrée en vigueur du décret contesté le 1er janvier 2021 a d'ores et déjà conduit à réformer les programmes de préparation au baccalauréat professionnel, même s'il ressort des échanges à l'audience que ce n'est pas le cas pour la spécialité " esthétique, cosmétique, parfumerie ". Au vu des inconvénients qui en résulteraient pour le bon déroulement de l'année en cours et de l'intérêt général qui s'attache à la continuité des enseignements dispensés à l'ensemble des élèves actuellement en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel, la condition d'urgence, dont l'appréciation exige une mise en balance de l'ensemble des intérêts, ne peut être regardée comme remplie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ni sur l'existence d'un doute sérieux sur la légalité du décret contesté, que la requête de la confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa et autres doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa, à la fédération internationale des écoles professionnelles de la parfumerie, de l'esthétique et de la cosmétique et à l'union des professionnels de la beauté et du bien-être, ainsi qu'au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Fait à Paris, le 2 novembre 2021

Signé : Suzanne von Coester


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 457559
Date de la décision : 02/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 nov. 2021, n° 457559
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:457559.20211102
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