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18/10/2021 | FRANCE | N°439023

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 18 octobre 2021, 439023


Vu la procédure suivante :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 24 avril 2017 du président du conseil départemental du Nord maintenant sa décision de suspendre une partie de son allocation de revenu de solidarité active et, d'autre part, la décision du 2 juin 2017 lui infligeant une amende administrative d'un montant de 1 714,67 euros, ainsi que les décisions des 7 juillet et 8 août 2017 rejetant son recours administratif. Par un jugement n°s 1704422, 1707448 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a

ramené à 381 euros le montant de l'amende administrative et reje...

Vu la procédure suivante :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision du 24 avril 2017 du président du conseil départemental du Nord maintenant sa décision de suspendre une partie de son allocation de revenu de solidarité active et, d'autre part, la décision du 2 juin 2017 lui infligeant une amende administrative d'un montant de 1 714,67 euros, ainsi que les décisions des 7 juillet et 8 août 2017 rejetant son recours administratif. Par un jugement n°s 1704422, 1707448 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a ramené à 381 euros le montant de l'amende administrative et rejeté le surplus de la demande de Mme D....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 février et 22 juin 2020 et 16 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Nord demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a réduit le montant de l'amende administrative infligée ;

2°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département du Nord et à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 262-52 du code de l'action sociale et des familles : " La fausse déclaration ou l'omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du revenu de solidarité active est passible d'une amende administrative prononcée et recouvrée dans les conditions et les limites définies, en matière de prestations familiales, aux sixième, septième, neuvième et dixième alinéas du I, à la seconde phrase du onzième alinéa du I et au II de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. La décision est prise par le président du conseil départemental après avis de l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 262-39 du présent code. La juridiction compétente pour connaître des recours à l'encontre des contraintes délivrées par le président du conseil départemental est la juridiction administrative. / Aucune amende ne peut être prononcée à raison de faits remontant à plus de deux ans, ni lorsque la personne concernée a, pour les mêmes faits, déjà été définitivement condamnée par le juge pénal ou a bénéficié d'une décision définitive de non-lieu ou de relaxe déclarant que la réalité de l'infraction n'est pas établie ou que cette infraction ne lui est pas imputable. (...) L'amende administrative ne peut pas être prononcée s'il a été fait application, pour les mêmes faits, de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. (...) ". Aux termes du sixième devenu septième alinéa et de la seconde phrase du onzième devenu douzième alinéa du I de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale : " Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Tout fait ayant donné lieu à une sanction devenue définitive en application du présent article peut constituer le premier terme de récidive d'un nouveau manquement sanctionné par le présent article. Cette limite est doublée en cas de récidive dans un délai fixé par voie réglementaire. Le directeur de l'organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu'elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d'un mois. A l'issue de ce délai, le directeur de l'organisme prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l'intéressé en lui indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter ou les modalités selon lesquelles elle sera récupérée sur les prestations à venir. / (...) (...) L'action en recouvrement de la pénalité se prescrit par deux ans à compter de la date d'envoi de la notification de la pénalité par le directeur de l'organisme concerné ". Aux termes du II du même article : " Lorsque l'intention de frauder est établie, le montant de la pénalité ne peut être inférieur à un trentième du plafond mensuel de la sécurité sociale. En outre, la limite du montant de la pénalité prévue au I du présent article est portée à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Dans le cas d'une fraude commise en bande organisée au sens de l'article 132-71 du code pénal, cette limite est portée à huit fois le plafond mensuel de la sécurité sociale ".

Sur le pourvoi principal :

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 262-52 du code de l'action sociale et des familles que le président du conseil départemental ne peut sanctionner, par l'amende administrative qu'elles prévoient, que des fausses déclarations ou des omissions délibérées de déclaration ayant abouti à un versement indu du revenu de solidarité active qui s'est poursuivi moins de deux ans avant la date à laquelle il prononce cette amende.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme D..., alors bénéficiaire du revenu de solidarité active, a fait l'objet d'un contrôle de sa situation en septembre 2015. A la suite de ce contrôle, la caisse d'allocations familiales du Nord a constaté qu'elle avait omis de déclarer la pension de réversion qu'elle perçoit depuis octobre 2010 ainsi que les revenus perçus par son fils entre juin 2012 et août 2014 et a décidé, le 21 mars 2016, de récupérer un indu de revenu de solidarité active de 11 431,08 euros au titre de la période allant de mars 2013 à février 2016. Par une décision du 2 juin 2017, confirmée par des décisions des 7 et 8 juillet 2017, le président du conseil départemental du Nord a infligé à Mme D... une amende administrative de 1 714,67 euros, au motif que ses fausses déclarations avaient conduit au versement indu du revenu de solidarité active au cours de cette même période. Saisi par Mme D..., le tribunal administratif de Lille a réduit le montant de l'amende ainsi prononcée au motif que le département ne pouvait prendre en considération les versements indus du revenu de solidarité active antérieurs au 2 juin 2015, soit deux ans avant le 2 juin 2017, date à laquelle il avait prononcé l'amende administrative.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en statuant ainsi, alors que le département pouvait prendre en considération les fausses déclarations de Mme D... dès lors que le versement indu du revenu de solidarité active qui en était résulté s'était poursuivi au cours des deux années précédant la date du prononcé de l'amende, ce qui était le cas pour l'indu résultant de la réintégration de la pension de réversion aux ressources de Mme D..., le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Il s'ensuit que le département du Nord est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant que, par son article 1er, il réduit le montant de l'amende administrative infligée à Mme D....

Sur le pourvoi incident :

6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour retenir l'existence de fausses déclarations, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que Mme D... n'avait pas déclaré, de façon réitérée pendant plusieurs années, sa pension de réversion et les revenus de son fils hébergé à son domicile, alors que les déclarations trimestrielles de ressources comportaient les rubriques pertinentes et que la notice explicative précisait que le bénéficiaire de l'allocation devait indiquer les ressources reçues chaque mois par l'ensemble des membres du foyer. Il en a déduit, après avoir par ailleurs relevé que Mme D... n'apportait pas d'élément permettant de justifier qu'elle était handicapée et illettrée, que la requérante ne pouvait légitimement ignorer son obligation de porter l'ensemble de ces informations sur ses déclarations trimestrielles de ressources. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait insuffisamment motivé son jugement et l'aurait entaché de dénaturation en jugeant qu'elle avait commis de fausses déclarations.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation totale de la décision du département du Nord lui infligeant une amende administrative. Les conclusions qu'elle présente au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées. Il n'y a pas lieu de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions présentées par le département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Le pourvoi incident de Mme D... est rejeté.

Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lille dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er.

Article 4 : Les conclusions du département du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au département du Nord et à Mme A... D....

Délibéré à l'issue de la séance du 23 septembre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 18 octobre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 oct. 2021, n° 439023
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 18/10/2021
Date de l'import : 20/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 439023
Numéro NOR : CETATEXT000044222816 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-10-18;439023 ?
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