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18/10/2021 | FRANCE | N°436024

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 18 octobre 2021, 436024


Vu la procédure suivante :

M. B... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, en premier lieu, la décision du 25 octobre 2016, notifiée le 27 octobre 2016, confirmée sur leur recours préalable par la décision du 23 mars 2017 du département du Bas-Rhin en ce qui concerne le revenu de solidarité active " socle ", par laquelle la caisse d'allocations familiales du Bas-Rhin a mis à leur charge des indus de revenu de solidarité active " socle " d'un montant de 11 916,08 euros et " activité " d'un montant de 27,22 euros, ainsi que deux ind

us de primes exceptionnelles de fin d'année 2014 et 2015 de 152,4...

Vu la procédure suivante :

M. B... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, en premier lieu, la décision du 25 octobre 2016, notifiée le 27 octobre 2016, confirmée sur leur recours préalable par la décision du 23 mars 2017 du département du Bas-Rhin en ce qui concerne le revenu de solidarité active " socle ", par laquelle la caisse d'allocations familiales du Bas-Rhin a mis à leur charge des indus de revenu de solidarité active " socle " d'un montant de 11 916,08 euros et " activité " d'un montant de 27,22 euros, ainsi que deux indus de primes exceptionnelles de fin d'année 2014 et 2015 de 152,45 euros chacun, en deuxième lieu, le titre exécutoire émis le 14 février 2017 par le département du Bas-Rhin correspondant à la dette de revenu de solidarité active " socle " de 11 916,08 euros Par un jugement n°s 1702725, 1702726, 1702762 du 18 septembre 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 2019 et 18 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge du département du Bas-Rhin la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. et Mme E... et à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la Collectivité européenne d'Alsace ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 25 octobre 2016, la caisse d'allocations familiales du Bas-Rhin a mis à la charge de M. et Mme E... une dette de 11 916,08 euros résultant d'un trop-perçu de revenu de solidarité active " socle " pour la période du 1er septembre 2014 au 31 juillet 2016, une dette de 27,22 euros résultant d'un trop-perçu de revenu de solidarité active " activité " pour la période du 1er janvier 2014 au 31 janvier 2014, une dette de 152,45 euros résultant d'un trop-perçu de prime exceptionnelle de fin d'année au titre de l'année 2014 et une dette de 152,45 euros résultant d'un trop-perçu de prime exceptionnelle de fin d'année au titre de l'année 2015. Par un courrier du 3 janvier 2017, M. et Mme E... ont contesté cette décision. Par une décision du 23 mars 2017, le département du Bas-Rhin a confirmé le bien-fondé des indus de revenu de solidarité active. Par un courrier du 14 février 2017, le département du Bas-Rhin a émis un titre exécutoire à l'encontre de M. et Mme E... afin de recouvrer la somme de 11 916,08 euros concernant l'indu de revenu de solidarité active " socle ".

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre ". Aux termes de l'article R. 262-5 du même code : " Pour l'application de l'article L. 262-2, est considérée comme résidant en France la personne qui y réside de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois. Les séjours hors de France qui résultent des contrats mentionnés aux articles L. 262-34 ou L. 262-35 ou du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1 du code du travail ne sont pas pris en compte dans le calcul de cette durée. / En cas de séjour hors de France de plus de trois mois, l'allocation n'est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire ". Il résulte de ces dispositions que la personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active en conserve le bénéfice, lorsqu'elle effectue des séjours à l'étranger dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile excède trois mois, pour les seuls mois civils complets de présence en France.

3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour juger bien-fondé les indus de revenu de solidarité active " socle " et " activité " réclamés à M. et Mme E..., le tribunal a retenu, d'une part, que Mme E... avaient effectué de nombreux séjours en dehors du territoire français au cours des années 2014 et 2015, excédant trois mois par année, et que M. E... devait, de même, être regardé comme ayant séjourné plus de trois mois en dehors du territoire français ces mêmes années au vu de l'absence de lisibilité de son passeport, de la quantité de ses déplacements à l'étranger et en l'absence d'éléments contraires apportés par l'intéressé, d'autre part, que M. E... avait omis de déclarer une somme de 67 261 euros perçue au titre du capital décès de son père ainsi que 15 056 euros d'argent placé. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point et qui n'a pas inversé la charge de la preuve, aurait commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de droits qui auraient été ouverts à M. E... pour ses mois civils complets de présence en France pendant ces deux années.

4. En deuxième lieu, il n'appartenait pas au tribunal administratif, qui n'était saisi d'aucune conclusion en ce sens, d'examiner si la bonne foi de Mme E... justifiait qu'une remise gracieuse lui fût accordée.

5. En troisième lieu, toutefois, d'une part, aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif. / Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir (...) / Après la mise en œuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet (...) les créances du département au président du conseil départemental. (...) Le président du conseil départemental constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur (...) ".

7. En adoptant les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, citées au point 5, le législateur a entendu que l'effet suspensif des recours dirigés contre une décision de récupération de l'indu s'attache à l'exigibilité de la créance. Il en résulte que l'exercice d'un tel recours, de même d'ailleurs qu'une demande de remise gracieuse, fait par lui-même obstacle, aussi longtemps que ce recours est pendant devant l'administration ou devant les juges du fond, d'une part, à la possibilité pour l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active d'opérer une compensation avec les sommes dues à l'allocataire et, d'autre part, à l'émission, par le département, d'un titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, cité au point précédent.

8. Par suite, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que M. et Mme E... avaient contesté par un courrier du 3 janvier 2017 les indus qui leur étaient réclamés et que le département du Bas-Rhin avait confirmé le bien-fondé des indus de revenu de solidarité active par un courrier du 23 mars 2017, qu'ils n'étaient pas fondés à demander l'annulation du titre exécutoire émis entre temps à leur encontre, le 14 février 2017, pour le recouvrement de l'indu de revenu de solidarité active " socle ".

9. Il résulte de tout ce qui précède que M et Mme E... sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent en tant seulement qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 14 février 2017 à leur encontre par le département du Bas-Rhin.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Collectivité européenne d'Alsace la somme que M. et Mme E... demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 18 septembre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à leur encontre le 14 février 2017 pour le recouvrement de leur dette de revenu de solidarité active " socle ".

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme E... est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B... E... et Mme A... E... et à la Collectivité européenne d'Alsace.

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales du Bas-Rhin.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 septembre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 18 octobre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Damien Pons

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 436024
Date de la décision : 18/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2021, n° 436024
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP GOUZ-FITOUSSI ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436024.20211018
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