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13/10/2021 | FRANCE | N°450489

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 13 octobre 2021, 450489


Vu la procédure suivante :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Bollène (Vaucluse). Par un jugement n° 2001987 du 9 février 2021, le tribunal administratif a rejeté cette protestation.

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 9 mars, 9 avril, 12 mai et 5 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme C... demande a

u Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces opérations é...

Vu la procédure suivante :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Bollène (Vaucluse). Par un jugement n° 2001987 du 9 février 2021, le tribunal administratif a rejeté cette protestation.

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 9 mars, 9 avril, 12 mai et 5 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme C... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces opérations électorales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Corlay, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. À l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour le renouvellement des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Bollène (Vaucluse), aucun siège de conseiller municipal et aucun siège de conseiller communautaire n'a été pourvu. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020, les trente-trois sièges de conseillers municipaux et les quinze sièges de conseillers communautaires ont été pourvus. Vingt-cinq des sièges de conseillers municipaux et douze des sièges de conseillers communautaires ont été attribués à des candidats de la liste " Rassembler Bollène " conduite par M. B... A..., qui a obtenu 51,81 % des suffrages exprimés. Huit sièges de conseillers municipaux et trois sièges de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste " Bollène Espoir ", conduite par Mme D... C..., qui a obtenu 48,18 % des suffrages exprimés. Mme C... fait appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

Sur le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral et sur le grief relatif aux documents de propagande de la liste " Rassembler Bollène " :

2. Les griefs, qui ne sont pas d'ordre public, sont irrecevables en appel s'ils n'ont pas été soulevés en première instance ou, s'ils l'ont été, lorsqu'ils ne sont repris devant le Conseil d'État qu'après l'expiration du délai d'appel d'un mois à compter de la notification du jugement comportant l'indication de ce délai en application des dispositions de l'article R. 123 du code électoral.

3. Il résulte de l'instruction que les griefs tirés, d'une part, de ce que la publication par M. A... d'un article relatant l'agression d'une de ses colistières constituait un élément nouveau de polémique électorale prohibé par l'article L. 48-2 du code électoral et, d'autre part, de ce que les documents de propagande de M. A... étaient de nature à créer un amalgame ou une confusion dans l'esprit des électeurs entre la liste " Rassembler Bollène " et la communication de la communauté de communes Rhône-Lez-Provence ont été présentés dans un mémoire complémentaire enregistré le 9 avril 2021, après l'expiration du délai prévu par l'article R. 123 du code électoral. Dès lors qu'ils ne se rattachent à aucun des griefs soulevés avant l'expiration de ce délai, ils constituent des griefs nouveaux qui, étant dépourvus de caractère d'ordre public, sont irrecevables.

Sur les autres griefs :

4. En premier lieu, l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 " en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'impérative protection de la population face à l'épidémie de covid-19 ".

5. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de 1 000 habitants et plus : " Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à répartition des sièges (...) ".

6. Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020, le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l'issue du second tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.

7. Alors que le taux d'abstention constaté au second tour de scrutin pour la commune de Bollène était de 43,23 %, inférieur au taux de 58,4 % constaté au niveau national, Mme C... fait seulement valoir que le contexte national de l'épidémie de covid-19 aurait dissuadé certains électeurs d'aller voter, notamment les personnes âgées. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'abstention aurait été plus forte parmi les personnes âgées ou fragiles de la commune qu'au niveau national, ni, en tout état de cause, qu'il existerait un lien de causalité entre cette abstention et la répartition des suffrages entre les listes en présence. Dans ces conditions, Mme C... n'invoquant aucune autre circonstance particulière relative spécifiquement au déroulement de la campagne électorale ou au scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats, le niveau de l'abstention constatée ne peut être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 66 du code électoral : " Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 273-9 du même code : " La liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire figure de manière distincte sur le même bulletin que la liste des candidats au conseil municipal dont elle est issue. / Sous réserve du II, la présentation de la liste des candidats au conseil municipal et à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est soumise aux règles suivantes : / 1° La liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire comporte un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté d'un candidat supplémentaire si ce nombre est inférieur à cinq et de deux dans le cas inverse (...) ". L'article R. 117-4 du même code dispose que les bulletins de vote doivent comporter " la liste des candidats au mandat de conseiller communautaire mentionnant, dans l'ordre de présentation, leurs noms ". Enfin, aux termes de l'article R. 66-2 du même code : " Sont nuls et n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement : / 1° Les bulletins ne répondant pas aux prescriptions légales ou réglementaires édictées pour chaque catégorie d'élections (...) ". Ces dispositions n'ont pas pour effet de rendre nuls les suffrages des électeurs qui auraient émis un vote contenant une désignation suffisante de la liste en faveur de laquelle ils ont entendu se prononcer.

9. Si Mme C... fait valoir que les bulletins de vote de la liste " Bollène à gauche ", présente lors du premier tour de scrutin, comportaient dix-neuf candidats au titre de l'élection des conseillers communautaires, alors que le nombre de sièges à pourvoir était de dix-sept, il résulte de l'instruction que la liste " Bollène " à gauche ne s'est pas maintenue au second tour et n'a fusionné avec aucune autre liste en perspective du second tour. Par suite, cette circonstance n'a en tout état de cause pas été de nature à affecter le scrutin.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa protestation électorale.

Sur les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

11. Le mémoire complémentaire ne contient pas, contrairement à ce qui est soutenu, d'imputation à caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire, au sens des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, de nature à en faire prononcer la suppression. Dès lors il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... tendant à une telle suppression et au versement d'une indemnité à ce titre.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions des articles L. 741-2 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C... et à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 450489
Date de la décision : 13/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2021, n° 450489
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : CORLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450489.20211013
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