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13/10/2021 | FRANCE | N°434055

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 13 octobre 2021, 434055


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 28 août 2019 et le 25 février 2020, M. D... C... et Mme B... C... demandent au Conseil d'État, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2019-096 du 18 juin 2019 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides a` la mobilité´ internationale pour l'anne´e 2019-2020 ;

2°) de saisir la Cour

de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle afin de déterminer si les...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 28 août 2019 et le 25 février 2020, M. D... C... et Mme B... C... demandent au Conseil d'État, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire n° 2019-096 du 18 juin 2019 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides a` la mobilité´ internationale pour l'anne´e 2019-2020 ;

2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle afin de déterminer si les dispositions de l'article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 imposent aux États membres d'accorder des bourses d'études dans les mêmes conditions de traitement que leurs ressortissants nationaux, aux membres de la famille de travailleurs ressortissants d'un État membre qui n'ont pas eux-mêmes la nationalité d'un État membre et qui bénéficient du droit de séjour en application de la directive ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une circulaire du 18 juin 2019, publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a fixé les modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux pour l'année 2019-2020. M. C..., de nationalité française, et Mme C..., son épouse, de nationalité ukrainienne, étudiante inscrite en master 1 Cinéma et audiovisuel de l'université Lumière Lyon 2 en 2019-2020, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire en tant que ses dispositions ne prévoient pas que l'étudiant conjoint d'un travailleur de nationalité française travaillant en France puisse prétendre sans autre condition liée à la nationalité au bénéfice des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale, ou du moins en tant que les dispositions de la circulaire traitent différemment l'étudiant conjoint d'un travailleur de nationalité française travaillant en France, d'une part, et l'étudiant de nationalité française, d'autre part.

Sur l'intérêt pour agir des requérants :

2. D'une part, M. C..., qui fait valoir qu'il est le conjoint d'une étudiante, ne justifie d'aucune qualité lui donnant intérêt pour agir contre cette circulaire. D'autre part, Mme C..., étudiante de nationalité ukrainienne, n'a intérêt à contester la circulaire mentionnée au point 1 qu'en tant qu'elle concerne les étudiants étrangers non ressortissants d'un Etat-membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'Espace économique européen et de la Confédération suisse. Leur requête n'est donc recevable que dans cette mesure.

Sur les moyens de la requête.

3. En premier lieu, Mme C... n'étant recevable à contester la circulaire qu'en tant qu'elle concerne les étudiants étrangers non ressortissants d'un Etat-membre de l'Union européenne, d'un Etat de l'Espace économique européen et de la Confédération suisse, elle ne peut utilement faire valoir que les dispositions figurant au point 3.1 de cette circulaire, applicables aux étudiants de nationalité étrangère ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, sont incompatibles avec les objectifs de l'article 24 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, faute de prévoir un même traitement pour les étudiants français d'une part et pour les étudiants des membres de la famille d'un ressortissant d'un pays membre de l'Union européenne autre que la France.

4. En deuxième lieu, eu égard à l'objet des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux prévues à l'article D. 821-1 du code de l'éducation, Mme C... ne saurait sérieusement soutenir que la circulaire attaquée, en ce qu'elle subordonne le droit des étudiants non ressortissants d'un Etat-membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'Espace économique européen et de la Confédération suisse à une telle bourse, à une condition de durée de résidence préalable sur le territoire national, sans réserver la situation des étudiants étrangers qui sont les conjoints d'un ressortissant français, méconnaîtrait les stipulations combinées de l'article 8 et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, la circulaire attaquée ne traitant pas différemment les étudiants non ressortissants d'un Etat-membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'Espace économique européen et de la Confédération suisse selon qu'ils sont conjoints d'un ressortissant français ou conjoints d'un ressortissant d'un de ces Etats, Mme C... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'en ce qu'elle procéderait à une telle différence de traitement, elle méconnaîtrait le principe d'égalité et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des œuvres universitaires mentionné à l'article L. 822-1 où les étudiants élisent leurs représentants sans distinction de nationalité et où les collectivités territoriales sont représentées dans les conditions et selon des modalités fixées par décret. Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales ". Aux termes du premier alinéa de l'article D. 821-1 du code de l'éducation : " Les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides au mérite sont attribuées aux étudiants selon des conditions d'études, d'âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ". En prévoyant qu'outre le respect des conditions générales et la possession d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident, l'étudiant de nationalité étrangère doit, pour être éligible à une bourse d'enseignement supérieur, être domicilié en France depuis au moins deux ans, la circulaire attaquée n'a pas méconnu les dispositions précitées et est dénuée, sur ce point, d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la requête ne peuvent qu'être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Guillaume C..., à Mme Anna C... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 oct. 2021, n° 434055
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 13/10/2021
Date de l'import : 19/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 434055
Numéro NOR : CETATEXT000044205276 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-10-13;434055 ?
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