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13/09/2021 | FRANCE | N°451564

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 13 septembre 2021, 451564


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 10 avril, 3 juillet et 9 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société par actions simplifiée (SAS) Adis, agissant en son nom ainsi qu'en celui de la société civile immobilière Rocca qu'elle a absorbée, demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler le refus du ministre de l'économie, des finances et de la relance d'abroger les paragraphes 80, 90 et 110 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 au Bulletin officiel des fin

ances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 10 avril, 3 juillet et 9 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société par actions simplifiée (SAS) Adis, agissant en son nom ainsi qu'en celui de la société civile immobilière Rocca qu'elle a absorbée, demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler le refus du ministre de l'économie, des finances et de la relance d'abroger les paragraphes 80, 90 et 110 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Adis soutient que :

- le paragraphe 110 des commentaires administratifs référencés BOI-IS-FUS-40-10-20 méconnaît le 2° de l'article L. 236-4 du code de commerce ainsi que la jurisprudence ;

- les paragraphes 80 et 90 des commentaires administratifs référencés BOI-IS-FUS-40-10-20 méconnaissent le deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 juin et 3 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par celle-ci ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Adis demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a refusé d'abroger les paragraphes 80, 90 et 110 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 par lesquels le ministre de l'économie, des finances et de la relance a fait connaître son interprétation de la loi fiscale en ce qui concerne les conséquences à tirer, en matière d'imposition des bénéfices des sociétés, des clauses des traités de fusion prévoyant une date d'effet rétroactif.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ". Il résulte de ces dispositions qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise. Si parmi ces opérations figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus. Par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité doivent affecter les résultats de l'exercice au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus.

3. En application de ces règles, dans le cas d'une fusion de deux sociétés, qui ont convenu de donner effet à la fusion à une date antérieure à celle à laquelle la convention de fusion a été définitivement conclue, rien ne s'oppose à ce que soient prises en compte toutes les conséquences de la fusion, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante, dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention a été définitivement conclue. Toutefois les effets de la fusion, qui ne saurait exercer une influence sur le bilan de clôture du ou des exercices précédents de chacune des deux sociétés concernées, et donc sur les bénéfices imposables dégagés par celles-ci au cours de ces exercices, ne sauraient remonter à une date antérieure à la plus récente des dates d'ouverture des exercices des deux sociétés au cours desquels la convention a définitivement été conclue.

4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la société Adis n'est pas fondée à soutenir qu'en énonçant qu'une date d'effet rétroactif donnée à un traité de fusion ou d'apport reste sans influence sur le bilan de clôture de l'exercice de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport qui précède celui au cours duquel la fusion ou l'apport a été conclue et que, par suite, lorsque une telle date d'effet rétroactif est antérieure à la date de clôture de cet exercice, les opérations réalisées jusqu'à cette dernière par la société absorbée ou apporteuse depuis la date d'effet conventionnelle doivent être imposées au nom de la société absorbée ou apporteuse, le paragraphe 110 des commentaires administratifs publiés au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 donnerait de la loi une interprétation méconnaissant sa portée.

5. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts : " Si aucun bilan n'est dressé au cours d'une année quelconque, l'impôt dû au titre de la même année est établi sur les bénéfices de la période écoulée depuis la fin de la dernière période imposée ou, dans le cas d'entreprise nouvelle, depuis le commencement des opérations jusqu'au 31 décembre de l'année considérée. Ces mêmes bénéfices viennent ensuite en déduction des résultats du bilan dans lesquels ils sont compris ".

6. D'une part, aucune disposition ne prévoit qu'il pourrait être dérogé à l'obligation mentionnée au point précédent à raison d'événements ou clauses contractuelles postérieurs au 31 décembre de l'année considérée, qu'ils interviennent avant ou après la date de dépôt de la déclaration liée à cette obligation. La société Adis n'est par suite pas fondée à soutenir qu'en énonçant que lorsque une société n'a pas clos d'exercice au cours de l'année civile précédant celle de sa fusion avec une autre entité ou de l'apport de ses actifs à une autre entité, l'effet rétroactif donné conventionnellement à cette opération ne saurait dispenser cette société de déposer au titre de ladite année civile une déclaration de résultats conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts, le paragraphe 80 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-IS-FUS-40-10-20 donnerait de cet article une interprétation inexacte.

7. D'autre part, dans le cas où une société n'a pas clos d'exercice au cours de l'année civile précédant celle de sa fusion avec une autre entité ou de l'apport de ses actifs à une autre entité, l'obligation dans laquelle elle se trouve, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts, de déterminer le bénéfice résultant des opérations réalisées entre la date de clôture de son précédent exercice et le 31 décembre de l'année considérée et de le soumettre à l'impôt fait obstacle à ce que l'effet rétroactif donné conventionnellement à l'opération de fusion ou d'apport puisse, dans ce cas particulier, remonter antérieurement au 1er janvier de l'année au cours de laquelle cette opération est conclue. La société Adis n'est ainsi pas davantage fondée à soutenir que le paragraphe 90 des commentaires administratifs en litige, en énonçant une telle règle, donnerait de la loi une interprétation qui en méconnaitrait la portée.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Adis doit être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Adis est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Adis et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451564
Date de la décision : 13/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-01-03-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. - ÉVALUATION DE L'ACTIF. - THÉORIE DU BILAN. - ACTIF SOCIAL. - EFFET RÉTROACTIF D'UNE FUSION-ABSORPTION DE SOCIÉTÉS - 1) EFFET SUR LA DÉTERMINATION DES RÉSULTATS IMPOSABLES DE LA SOCIÉTÉ ABSORBANTE - A) EXISTENCE [RJ1] - B) LIMITE - PLUS RÉCENTE DES DATES D'OUVERTURE DES EXERCICES DE CHACUNE DES SOCIÉTÉS ABSORBANTE ET ABSORBÉE [RJ2] - 2) SOCIÉTÉ ABSORBÉE N'AYANT PAS CLOS D'EXERCICE COMPTABLE AU COURS DE L'ANNÉE PRÉCÉDENTE - OBLIGATION POUR ELLE D'ÉTABLIR UN BILAN FISCAL AU 31 DÉCEMBRE DE CELLE-CI (CGI, ART. 37, 2E AL.)[RJ3] - CONSÉQUENCE - LIMITATION À CETTE DATE DE L'EFFET RÉTROACTIF.

19-04-02-01-03-01-01 1) a) Dans le cas d'une fusion de deux sociétés, qui ont convenu de donner effet à la fusion à une date antérieure à celle à laquelle la convention de fusion a été définitivement conclue, rien ne s'oppose à ce que soient prises en compte toutes les conséquences de la fusion, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante, dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention a été définitivement conclue.......b) Toutefois les effets de la fusion, qui ne saurait exercer une influence sur le bilan de clôture du ou des exercices précédents de chacune des deux sociétés concernées, et donc sur les bénéfices imposables dégagés par celles-ci au cours de ces exercices, ne sauraient remonter à une date antérieure à la plus récente des dates d'ouverture des exercices des deux sociétés au cours desquels la convention a définitivement été conclue.......2) Dans le cas où une société n'a pas clos d'exercice au cours de l'année civile précédant celle de sa fusion avec une autre entité ou de l'apport de ses actifs à une autre entité, l'obligation dans laquelle elle se trouve, en application du deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts (CGI), de déterminer le bénéfice résultant des opérations réalisées entre la date de clôture de son précédent exercice et le 31 décembre de l'année considérée et de le soumettre à l'impôt fait obstacle à ce que l'effet rétroactif donné conventionnellement à l'opération de fusion ou d'apport puisse, dans ce cas particulier, remonter antérieurement au 1er janvier de l'année au cours de laquelle cette opération est conclue.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 12 juillet 1974, SA X, n° 81753, p. 425 ;

CE, 18 mars 1992, S.A. Leybold-Heraeus-Sogev, n° 62402, p. 118 ;

CE, 16 juin 1993, S.A. Laboratoires Wellcome, n° 70446, p. 176....

[RJ2]

Cf., en précisant, CE, Section, 12 juillet 1974, SA X, n° 81753, p. 425 ;

CE, Plénière, 16 mai 1975, Société X, n° 92372, p. 309 ;

CE, 26 mai 1993, Société Aussedat-Rey, n° 78156, T. p. 634....

[RJ3]

Cf. CE, 28 juillet 2011, SA Nobladis, n° 314860, p. 432.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 sep. 2021, n° 451564
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jonathan Bosredon
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451564.20210913
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