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22/07/2021 | FRANCE | N°445784

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 22 juillet 2021, 445784


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 445784, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 octobre 2020 et 29 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Urban Soccer Ouest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le II de l'article 51 du décret n° 2020 1262 du 16 octobre 2020 en ce qu'il interdit l'ouverture des ERP X accueillant exclusivement l'activité de foot en salle ;

2°) de mettre a` la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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2° Sous le n° 445967, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 445784, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 octobre 2020 et 29 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Urban Soccer Ouest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le II de l'article 51 du décret n° 2020 1262 du 16 octobre 2020 en ce qu'il interdit l'ouverture des ERP X accueillant exclusivement l'activité de foot en salle ;

2°) de mettre a` la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 445967, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 novembre 2020 et 29 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Urban Soccer Ouest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le I de l'article 42 du décret n° 2020 1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en ce qu'il interdit l'ouverture des établissements recevant du public de type X accueillant exclusivement l'activité de foot en salle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

Le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 7 juillet 2021, présentées par la société Urban Soccer Ouest ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes présentées par la société Urban Soccer Ouest présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code, précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Enfin, il résulte de l'article L. 3131-15 du même code que " dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique " prendre un certain nombre de mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, activités et réunions " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ".

3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus a créé un régime d'état d'urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020, a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.

4. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le décret du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre à 00 heure sur l'ensemble du territoire national. Sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le Premier ministre a pris, le 16 octobre 2020 un décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, puis, le 29 octobre 2020, un décret ayant le même objet qui l'a abrogé et remplacé. Le II de l'article 51 du décret du 16 octobre 2020 a interdit, dans les zones où s'appliquait une interdiction de déplacement des personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin, l'ouverture des établissements recevant du public de type X, sous réserve d'exceptions concernant notamment " - les groupes scolaires et périscolaires et les activités sportives participant à la formation universitaire ; / - toute activité à destination exclusive des mineurs ; / - les sportifs professionnels et de haut niveau ; / - les activités physiques des personnes munies d'une prescription médicale ou présentant un handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées ; / - les formations continues ou des entraînements obligatoires pour le maintien des compétences professionnelles (...) ". Le I de l'article 42 du décret du 29 octobre 2020 a reconduit la mesure de fermeture des ERP de type X sans distinction entre les départements soumis ou non à l'obligation de couvre-feu, avec les mêmes dérogations dans le cas des établissements sportifs couverts.

5. La société Urban Soccer Ouest demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le II de l'article 51 du décret du 16 octobre 2020 et le I de l'article 42 du décret du 29 octobre 2020 en ce qu'ils interdisent l'ouverture des établissements recevant du public du type X accueillant exclusivement l'activité de foot en salle. Elle soutient que cette mesure est disproportionnée pour poursuivre l'objectif de lutte contre l'épidémie de covid-19, dès lors que les salles de sport accueillant exclusivement l'activité de foot en salle sont suffisamment aérées et que des protocoles sanitaires stricts ont été mis en place, et qu'elle porte atteinte au principe d'égalité en ce que la dérogation prévue par les dispositions attaquées pour l'accueil de certains publics par les salles de sport n'est pas justifiée au regard de l'objectif poursuivi de limitation de la propagation du virus.

6. En prenant les mesures prévues par les décrets attaqués, le Gouvernement a fait le choix d'une politique cherchant à casser la dynamique de progression du virus par la stricte limitation des déplacements de personnes hors de leur domicile et par la fermeture des restaurants et débits de boisson, une ouverture au public des magasins de vente limitée aux produits de première nécessité et la fermeture de la plupart des établissements recevant du public, notamment des salles de sport.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des avis rendus par le Haut conseil de la santé publique les 24 avril et 23 juillet 2020, que les salles de sport sont, en l'état des connaissances scientifiques, des lieux de propagation du covid-19, compte tenu de leur caractère clos, de l'agencement des lieux, de la dispense de port du masque lors de la pratique sportive et du risque accentué d'aérosolisation lié à l'effort physique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les établissements de foot en salle, alors même qu'ils présentent des caractéristiques de superficie et de hauteur différentes des autres salles de sport et qu'ils auraient mis en place des protocoles sanitaires stricts, s'en distingueraient à cet égard. Par suite, et eu égard au niveau de circulation du virus à la date où ont été pris les décrets attaqués, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les mesures prises à l'égard des établissements de foot en salle auraient été, à cette même date, disproportionnées au regard des objectifs rappelés au point 6.

8. En second lieu, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce que la dérogation prévue pour l'accueil des publics scolaires, universitaires, professionnels, munis de prescription médicale ou en situation de handicap dans les salles de sport porterait atteinte au principe d'égalité, dès lors qu'elle ne justifie à cet égard d'aucune différence de traitement au détriment des exploitants de salles de sport.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions contestées des décrets du 16 octobre 2020 et du 29 octobre 2020. Par suite, ses requêtes, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la société Urban Soccer Ouest sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Urban Soccer Ouest, au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 jui. 2021, n° 445784
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel

Origine de la décision
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 22/07/2021
Date de l'import : 29/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 445784
Numéro NOR : CETATEXT000043867912 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-07-22;445784 ?
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