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22/07/2021 | FRANCE | N°441591

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 22 juillet 2021, 441591


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 juillet 2020 et le 26 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation (FHP - SSR) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le guide de décembre 2019 de la direction générale de l'offre de soins relatif à la facturation des téléconsultations et téléexpertises en établissement de santé en tant qu'il exclut la facturation d'actes de télémédecine à l'assurance mal

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 juillet 2020 et le 26 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation (FHP - SSR) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le guide de décembre 2019 de la direction générale de l'offre de soins relatif à la facturation des téléconsultations et téléexpertises en établissement de santé en tant qu'il exclut la facturation d'actes de télémédecine à l'assurance maladie par les établissements de soins de suite et de réadaptation qualifiés de " SSR PJ tout compris ", ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé auprès du ministre des solidarités et de la santé le 6 mars 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;

- l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er août 2018, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont approuvé l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016, conclu en application de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale. Conformément au 1° de l'article L. 162-14-1 du même code, cet avenant définit les conditions de réalisation, de rémunération et de tarification des actes de téléconsultation et de téléexpertise. La Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation demande l'annulation pour excès de pouvoir du guide mis en ligne le 10 janvier 2020 par la direction générale de l'offre de soins du ministère chargé de la santé portant sur la facturation des téléconsultations et téléexpertises en établissements de santé, en tant qu'il indique que les téléconsultations et téléexpertises ne peuvent pas être facturées à l'assurance maladie en sus du prix du séjour quand les actes en cause sont réalisés par un téléconsultant relevant d'un établissement de soins de suite et de réadaptation au bénéfice d'un patient hospitalisé en soins de suite et de réadaptation dans un établissement de santé relevant antérieurement de l'objectif quantifié national quand cet établissement bénéficie désormais d'un financement au " prix de la journée tout compris ".

Sur la recevabilité de la requête :

2. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

3. Les dispositions contestées du guide figurent dans les deux tableaux récapitulatifs des pages 15-16 et 24-25 précédés, pour le premier, des mentions : " Le tableau ci-dessous résume les possibilités de facturation (...), en sus du séjour, en fonction du type d'établissement du médecin téléconsultant et du lieu de prise en charge du patient (...). Précaution de lecture : la mention " OUI/NON " traduit la possibilité de facturer la téléconsultation en sus du séjour, quel que soit celui qui la facture. Est précisé ensuite en tant que de besoin par qui elle est facturée ", et pour le second, de la mention: " Le tableau ci-dessous résume les possibilités de facturation à l'assurance maladie des téléexpertises effectuées au bénéfice de patients hospitalisés ". Les parties contestées de ces deux tableaux sont ainsi libellées : " NON, facturation par l'ES SSR [établissement de soins de suite et de réadaptation] prestataire à la structure d'accueil (PIE [prestation inter-établissement]). Pas de refacturation à l'assurance maladie car inclus dans le PJ [prix de journée] de la structure d'accueil ". Ces indications présentent un caractère impératif, dès lors qu'elles présentent comme autorisée ou interdite aux établissements de santé la facturation de certaines prestations à l'assurance maladie. Par suite, elles font grief et sont susceptibles de recours, sans qu'y fasse obstacle le fait que ces documents aient été principalement destinés aux établissements de santé et non aux seuls agents de l'administration ni que leur publicité ait été uniquement assurée par la mise en ligne du guide sur le site internet du ministère de solidarités et de la santé.

Sur la légalité des dispositions contestées :

4. Saisi d'un recours dirigé contre un document mentionné au point 2, il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité de ce document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en oeuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.

5. En premier lieu, il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, et de l'article R. 162-29-1 du même code alors applicable, que les activités de soins de suite et de réadaptation des établissements de santé privés mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6 étaient, avant l'intervention de cette loi, financées, pour les prestations d'hospitalisation prises en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, sur la base de tarifs journaliers, fixés pour chaque établissement par le directeur général de l'agence régionale de santé. En application de l'article R. 162-31-1 dans sa rédaction alors applicable, les honoraires des praticiens, y compris ceux afférents aux examens de biologie médicale et, le cas échéant, les rémunérations des personnels qu'ils prennent en charge directement, d'une part, et les honoraires des auxiliaires médicaux à l'exception des soins infirmiers, d'autre part, étaient exclus des forfaits des établissements de santé privés mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6, à l'exception des établissements mentionnés à l'article 24 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996. Le II de l'article 24 de cette ordonnance dispose que : " II. - Les tarifs mentionnés au I de l'article L. 162-22-3 du code de la sécurité sociale comprennent l'ensemble des frais pris en charge par l'assurance maladie à l'occasion de l'hospitalisation des patients, y compris la rémunération du personnel médical. " Il résulte de ces dispositions que si les tarifs journaliers d'hospitalisation couvraient, pour les établissements relevant de l'article 24 de l'ordonnance précité, la rémunération du personnel médical, tel n'était pas le cas pour les autres établissements de santé privés mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6. A titre transitoire, le 2° du E du III de l'article 78 de la loi du 21 décembre 2015 a prévu que, du 1er mars 2017 au 31 décembre 2021, les prestations d'hospitalisation relevant des activités de soins de suite et de réadaptation sont financées par le cumul de deux montants correspondant, pour chaque établissement, à une fraction des recettes issues de l'application des modalités de financement antérieures à la loi et à une fraction des recettes issues de l'application des nouvelles modalités de financement. Dès lors, à la date de publication du guide attaqué, le financement d'une partie des établissements de soins de suite et de réadaptation continue de relever de tarifs journaliers dont certains incluent les honoraires des personnels médicaux (tarifs dits de " prix de journée tout compris ") quand d'autres ne les incluent pas (tarifs dits de " prix de journée non tout compris ").

6. L'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale prévoit que les consultations et actes externes, dont relèvent les actes de télémédecine, sont pris en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie dans les conditions prévues par la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie conclue en application de l'article L. 162-5 du même code et dans la limite des tarifs fixés en application de cette dernière. Les dispositions litigieuses du guide indiquent que la facturation à l'assurance maladie des prestations de téléconsultation et de téléexpertise réalisées au bénéfice de patients hospitalisés dans des établissements de soins de suite et de réadaptation n'est pas possible lorsque le prix de journée permettant le financement des tarifs d'hospitalisation dans ces établissements inclut les honoraires des praticiens. Dès lors que les actes en cause sont réalisés dans des établissements pour lesquels les tarifs d'hospitalisation incluent déjà les honoraires du personnel médical, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'interprétation du droit positif que comportent les dispositions contestées du guide méconnaîtraient le sens et la portée de l'article L. 162-26 précité en ne permettant pas la facturation à l'assurance maladie d'actes de téléconsultation ou de téléexpertise, les établissements qui emploient les praticiens qui délivrent la téléconsultation ou la téléexpertise pouvant au demeurant facturer cette dernière à l'établissement où le patient est hospitalisé.

7. En second lieu, l'article L. 162-22-5 du code de la sécurité sociale dispose que les tarifs des prestations afférents aux activités qui sont exercées par les établissements de santé privés mentionnés au d de l'article L. 162-22-6 du même code, sont fixés dans le cadre d'un avenant tarifaire au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'agence régionale de santé. Ces dispositions demeurent applicables pour une partie du financement des activités de soins de suite et de réadaptation sur le fondement des éléments rappelés au point 5. L'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie fixe le tarif des actes de téléconsultation et de téléexpertise mais ne prescrit pas de mode de facturation particulier de ces actes à l'assurance maladie. Dès lors, ces actes peuvent être facturés à l'assurance maladie selon les modalités applicables à l'établissement de santé concerné et, en particulier, dans les conditions prévues par le contrat d'objectifs et de moyens liant ce dernier et l'agence régionale de santé pour les établissements relevant du d de l'article L. 162-22-6, alors même que les modalités de facturation résultant des contrats d'objectifs et de moyens conclus auraient été fixées antérieurement à l'avenant n° 6.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions du guide qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Fédération de l'hospitalisation privée - Soins de suite et de réadaptation et au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 441591
Date de la décision : 22/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2021, n° 441591
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441591.20210722
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