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19/07/2021 | FRANCE | N°454730

France | France, Conseil d'État, 19 juillet 2021, 454730


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Festivals, fédération française des festivals de musique et du spectacle vivant, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision révélée par le Président de la République lors de son allocution du 12 juillet 2021 d'étendre dès le 21 juillet 2021 le " pass sanitaire " aux lieux de loisirs et de culture ;
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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Festivals, fédération française des festivals de musique et du spectacle vivant, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision révélée par le Président de la République lors de son allocution du 12 juillet 2021 d'étendre dès le 21 juillet 2021 le " pass sanitaire " aux lieux de loisirs et de culture ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'adopter des dispositions réglementaires octroyant aux acteurs du monde de la culture, et en particulier du spectacle vivant, un délai raisonnable avant l'extension litigieuse du " pass sanitaire " qui ne puisse être inférieur à quarante-cinq jours, ou, à tout le moins, qui soit identique à celui qui sera accordé aux autres établissements recevant du public, tels que, notamment, les cafés, restaurants et centres commerciaux ;

3°) de prendre toute autre mesure qu'il estimerait utile pour mettre fin aux atteintes graves et manifestement illégales que la mesure contestée porte aux libertés fondamentales invoquées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Président de la République, dans son adresse aux Français du 12 juillet 2021, a annoncé l'abrogation du seuil de 1 000 personnes pour la présentation du " pass sanitaire ", a annoncé que tous les lieux de culture seraient concernés par le " pass sanitaire " et a fixé la date d'exigence du " pass sanitaire " au 21 juillet 2021 pour les salles de spectacle ;

- la circonstance que la déclaration du chef de l'Etat n'ait pas encore été matérialisée par un décret ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse faire l'objet d'un recours ;

- cette décision porte une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales, à savoir la liberté d'expression et la libre communication des idées, la liberté de création artistique, la liberté d'accès aux oeuvres culturelles, la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie ainsi qu'au droit au libre exercice d'une profession ;

- l'atteinte grave portée à ces différentes libertés par la mesure contestée ne fait pas de doute dès lors, d'une part, que l'extension du " pass sanitaire " dès le 21 juillet est manifestement de nature à interdire l'accès de très nombreux spectateurs aux théâtres, concerts, cinémas, et tous autres lieux culturels et que, d'autre part, la mise en oeuvre de la mesure litigieuse huit jours seulement après son annonce va obliger les théâtres, salles de concerts, cinémas et tous autres lieux culturels à mettre en oeuvre, en un temps record, une logistique à laquelle ils ne sont absolument pas préparés ;

- l'atteinte ainsi portée aux libertés fondamentales invoquées est par ailleurs manifestement illégale dès lors, d'une part, qu'il n'est nullement établi que les lieux de spectacles et les salles de cinéma constitueraient des foyers de contamination particulièrement à risque et que, d'autre part, l'application quasi immédiate de la mesure litigieuse et l'absence totale de mesure transitoire de nature à permettre à ses destinataires de pouvoir raisonnablement s'y préparer n'apparaissent absolument pas justifiée en l'espèce ;

- l'extension du " pass sanitaire " dès le 21 juillet au monde de la culture et, ainsi, l'imposition d'un régime dérogatoire nettement défavorable par rapport aux autres lieux recevant du public, n'apparaissent ni nécessaires ni proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que cette décision, qui entre en vigueur de manière quasi immédiate sans aucune mesure transitoire, aura un impact extrêmement lourd et potentiellement irréversible sur l'ensemble du spectacle vivant et porte atteinte, de manière grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et la libre communication des idées, à la liberté de création artistique, à la liberté d'accès aux oeuvres culturelles, à la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi qu'au droit au libre exercice d'une profession.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative: " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction, ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article.

3. Lors de son intervention télévisée du 12 juillet 2021, le Président de la République a annoncé la prochaine obligation, pour l'entrée dans certains lieux publics, dont les salles de spectacle, de produire un " pass sanitaire ", à savoir une attestation de certification contre le covid-19, la preuve d'un test négatif de moins de 48 heures ou le résultat d'un test attestant du rétablissement de l'intéressé. L'association France Festivals, fédération française des festivals de musique et du spectacle vivant demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre cette décision et de reporter l'entrée en vigueur de cette obligation, à tout le moins, au 30 août 2021. A ce jour cependant, cette annonce ne s'est encore traduite par aucun acte réglementaire, ni aucune disposition législative de nature à traduire cette " décision " et rendant possible une telle mesure, seuls à même de produire des effets juridiques.

4. Il résulte de ce qui précède que faute d'urgence, il est manifeste que la requête de l'association France Festivals ne peut être accueillie. Elle doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de l'association France Festivals est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association France Festivals, fédération française des festivals de musique et du spectacle vivant.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 jui. 2021, n° 454730
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER

Origine de la décision
Date de la décision : 19/07/2021
Date de l'import : 03/08/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 454730
Numéro NOR : CETATEXT000043875976 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-07-19;454730 ?
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