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19/07/2021 | FRANCE | N°454530

France | France, Conseil d'État, 19 juillet 2021, 454530


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des cinémas français, l'Association française des cinémas art et essai, l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, l'Union des producteurs de cinéma, le Syndicat des producteurs indépendants, les Distributeurs indépendants réunis européens, l'Association des producteurs indépendants et la Fédération nationale des éditeurs de film demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de

l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) à titre principa...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des cinémas français, l'Association française des cinémas art et essai, l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, l'Union des producteurs de cinéma, le Syndicat des producteurs indépendants, les Distributeurs indépendants réunis européens, l'Association des producteurs indépendants et la Fédération nationale des éditeurs de film demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'enjoindre au Premier ministre, dans un délai d'un jour à compter de la notification de l'ordonnance, de modifier le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 afin que les documents listés au I de l'article 47-1 ne puissent être exigés pour l'accès aux salles de cinéma avant un délai raisonnable permettant à la filière de s'organiser, délai qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieur à celui octroyé pour la mise en oeuvre du même dispositif, dans les mêmes conditions, pour l'accès aux restaurants, cafés et centres commerciaux ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au Premier ministre, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonnance, de reporter l'entrée en vigueur de l'obligation du contrôle du " pass sanitaire " pour l'accès aux lieux de culture à la date du 30 août 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le Président de la République, dans son adresse aux Français du 12 juillet 2021, a annoncé l'abrogation du seuil de 1 000 personnes pour la présentation du " pass sanitaire ", a annoncé que tous les lieux de culture seraient concernés par le " pass sanitaire " et a fixé la date d'exigence du " pass sanitaire " au 21 juillet 2021 pour les salles de cinémas ;

- il a ainsi assigné aux exploitants de salles de cinéma la mission de contrôler et de restreindre l'accès à leurs locaux dans un délai de huit jours, sans préciser les conditions de ces contrôles et le cadre juridique applicable tant aux salariés qu'aux exploitants et sans concertation avec les représentants de la filière ;

- la circonstance que la déclaration du chef de l'Etat n'ait pas encore été matérialisée par un décret ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse faire l'objet d'un recours ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que cette décision porte une atteinte grave et manifeste à leurs intérêts dès lors, d'une part, que cette mesure de restriction de l'accès aux salles de cinéma met en péril les distributeurs ayant démarré des campagnes de promotion et de publicité après les mesures de déconfinement et la suppression totale des jauges d'occupation des places dans les cinémas depuis le 1er juillet 2021 et, d'autre part, qu'elle ne laisse qu'un délai de huit jours pour mettre en oeuvre un contrôle ;

- cette décision porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'expression ;

- le délai de huit jours pour subordonner l'accès des cinémas à la détention du " pass sanitaire " est manifestement intenable faute de temps pour en définir les conditions matérielles et réglementaires ;

- la décision constitue une rupture d'égalité par rapport à d'autres lieux fermés recevant du public tels que les cafés, les restaurants et les centres commerciaux alors même que les protocoles sanitaires qui y sont établis sont moins contraignants que dans les cinémas ;

- l'abrogation annoncée de la jauge de 1 000 participants contrevient à la décision du Conseil constitutionnel du 31 mai 2021 ;

- cette décision est motivée par le seul souci d'accélérer la vaccination de la population au lieu de reposer sur le risque de contamination au covid-19 dans les salles de cinéma.

Par un mémoire en intervention enregistré le 16 juillet 2021, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la Fédération nationale des cinémas français et autres. Elle soutient que son intervention est recevable et reprend les mêmes moyens que la requête.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 19 juillet 2021, la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la Fédération nationale des cinémas français et autres. Elle soutient que son intervention est recevable et reprend les mêmes moyens que la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. La Société des auteurs et compositeurs dramatiques et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Par suite, leurs interventions sont recevables.

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative: " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction, ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

3. Le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article.

4. Lors de son intervention télévisée du 12 juillet 2021, le Président de la République a annoncé la prochaine obligation pour l'entrée dans certains lieux publics, dont les salles de cinéma, de produire un " pass sanitaire ", à savoir une attestation de certification contre le covid-19, la preuve d'un test négatif de moins de 48 heures ou le résultant d'un test attestant du rétablissement de l'intéressé. La Fédération nationale des cinémas français et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de reporter l'entrée en vigueur de cette obligation a minima au 30 août 2021. A ce jour cependant, cette annonce ne s'est encore traduite par aucun acte réglementaire, ni aucune disposition législative de nature à traduire cette " décision " et rendant possible une telle mesure, seuls à même de produire des effets juridiques.

5. Il résulte de ce qui précède et faute dès lors d'urgence, qu'il est manifeste que la requête de la Fédération nationale des cinémas français ne peut être accueillie. Elle doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma sont admises.

Article 2 : La requête de la Fédération nationale des cinémas français et autres est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération nationale des cinémas français, première requérante dénommée, à la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et à la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé


Synthèse
Numéro d'arrêt : 454530
Date de la décision : 19/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2021, n° 454530
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER ; CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:454530.20210719
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