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15/07/2021 | FRANCE | N°451142

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 15 juillet 2021, 451142


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Tournefeuille (Haute-Garonne) en vue de l'élection des conseillers municipaux et de prononcer l'inéligibilité de M. E... pour une durée minimale d'un an. Par un jugement n° 2002980 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette protestation.

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... deman

de au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à s...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Tournefeuille (Haute-Garonne) en vue de l'élection des conseillers municipaux et de prononcer l'inéligibilité de M. E... pour une durée minimale d'un an. Par un jugement n° 2002980 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette protestation.

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... D..., auditrice,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars et le 28 juin 2020 dans la commune de Tournefeuille, les trente-cinq sièges de conseiller municipal ont été pourvus. Vingt-six des sièges de conseiller municipal ont été attribués à des candidats de la liste " Dominique E... 2020 Vivre ensemble Faire ensemble " conduite par M. E..., qui a obtenu 3 805 voix, soit 44,70 % des suffrages exprimés, sept des sièges de conseiller municipal ont été attribués à des candidats de la liste " Tournefeuille Audacieuse, Inventive, Solidaire ", conduite par M. B..., qui a obtenu 3 757 voix, soit 44,14 % des suffrages exprimés, et deux des sièges de conseiller municipal ont été attribués à la " Liste citoyenne Tournefeuille ", conduite par M. H..., qui a obtenu 949 voix, soit 11,15 % des suffrages exprimés. M. B... relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa protestation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces de la procédure du tribunal administratif que la minute du jugement comporte la signature du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, du rapporteur et de la greffière. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier faute de comporter les signatures requises manque en fait.

Sur la campagne et la propagande électorales :

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral :

3. Aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, d'une part, que la cérémonie des voeux organisée le 27 janvier 2020 par le maire sortant n'a donné lieu qu'à un bref exposé par celui-ci du bilan des réalisations de la municipalité pendant l'année 2019, sans référence à un programme électoral et sans caractère polémique et, d'autre part, que les propos par lesquels, à l'occasion de ses voeux aux agents municipaux, le directeur général des services a fait le bilan des actions menées en 2019 dans la commune visaient seulement à remercier ces agents pour le travail accompli. Il résulte également de l'instruction que les moyens mis en oeuvre pour ces évènements, qui revêtent un caractère traditionnel dans la commune de Tournefeuille, n'ont pas présenté de différence notable par rapport à ceux des éditions précédentes et que les dépenses engagées par la commune au cours de l'année 2020 pour diverses cérémonies correspondent au niveau des dépenses habituellement engagées lors des années précédentes. Ces cérémonies ne peuvent donc pas être regardées comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52 1 du code électoral.

5. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté qu'une rétrospective en images d'une sélection d'évènements survenus dans la commune au cours de l'année écoulée a été, comme les années précédentes, publiée sur le site internet de la commune en janvier et a été diffusée lors du " repas des sages " organisé par la mairie au profit des personnes âgées, il ne résulte pas de l'instruction que le diaporama en cause et les légendes l'accompagnant auraient été l'occasion d'une valorisation particulière du maire ou de l'équipe municipale sortants dans des conditions relevant de la propagande électorale.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que dans les six mois précédant le premier tour de scrutin et jusqu'à l'issue de celui-ci, les différents bulletins municipaux ont été publiés dans un format et selon une périodicité habituelle, pour assurer une communication institutionnelle. Contrairement à ce que soutient le requérant, le bulletin municipal publié au mois de janvier 2020 se borne à informer les électeurs des dates des prochaines élections et sur les démarches à accomplir pour s'inscrire sur les listes électorales ou pour vérifier son inscription et ne comporte pas d'élément de polémique électorale. Si l'éditorial rédigé par M. E... encourage les électeurs à voter, aucune consigne particulière n'a été donnée en faveur d'une liste. Il résulte également de l'instruction que la diffusion d'un bulletin municipal au mois de juin 2020 correspond à la périodicité habituelle de ces publications et répondait à la nécessité de délivrer de nombreuses informations institutionnelles en période de crise sanitaire. Si ce bulletin promeut, notamment dans l'éditorial du maire, de manière objective et dans des termes mesurés, la mobilisation des employés municipaux et des bénévoles au service de la population pendant la crise sanitaire, il ne peut être regardé, dans son contenu ou son format, comme constituant une utilisation de cette communication à des fins de propagande électorale.

7. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que si le bulletin diffusé le 11 février 2020 par le conseil départemental de la Haute-Garonne mentionne l'extension d'un collège dans la commune et la réalisation future d'une piste cyclable la traversant, ces projets sont cités parmi de nombreuses autres réalisations au sein du département, sans aucune référence à une action particulière du maire sortant de la commune. Dans ces conditions, ce bulletin ne peut être regardé comme constituant une campagne de promotion publicitaire au profit de M. E... ou de sa liste.

8. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que l'association " Made in Tournefeuille ", dont l'objet est de soutenir le commerce et l'artisanat locaux, a rencontré le maire en exercice lors d'une réunion organisée le 14 mai 2020, pour envisager différentes actions visant à apporter une aide aux commerçants placés dans une situation économique difficile après une longue période d'inactivité forcée. A l'issue de cette réunion, M. E... s'est engagé auprès de l'association à soumettre au conseil municipal l'attribution d'une subvention devant notamment permettre la réalisation d'une campagne d'affichage engageant les administrés à soutenir le commerce local ainsi que plusieurs autres évènements du même type. Si ces affiches, apposées au cours du mois de juin 2020, portent la mention, en caractères de taille réduite, " avec le soutien de la municipalité ", elles ne sauraient, dans un contexte exceptionnel de crise, compte tenu de l'urgence d'une aide à apporter à la reprise de l'activité commerciale et alors que cette subvention, d'un montant de 4 000 euros, dont l'objet peut être rattaché aux compétences communales, n'a été votée par le conseil municipal qu'au mois de juillet 2020, constituer une campagne de promotion publicitaire financée par une personne morale au profit d'un candidat, non plus qu'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 48-2 du code électoral :

9. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

10. Il résulte de l'instruction que si, par une lettre datée du 26 juin 2020 adressée " aux commerçants du marché dominical " et par un feuillet joint à ce courrier, le maire sortant a transmis plusieurs informations pratiques sur l'organisation de ce marché en période de crise sanitaire et a confirmé qu'il souhaitait soumettre à la prochaine séance du conseil municipal une proposition d'exonération des droits de placement sur le marché pour le deuxième trimestre de l'année 2020, ce projet avait préalablement été évoqué dans des courriels adressés par le maire aux mêmes destinataires les 29 mai et 12 juin 2020. Dès lors, l'envoi de cette lettre ne peut être regardé comme ayant introduit un élément nouveau de polémique électorale auquel les candidats adverses n'auraient pas été en mesure de répondre utilement.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 49 du code électoral :

11. Aux termes de l'article L. 49 du code électoral : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : / (...) 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ".

12. En premier lieu, s'il n'est pas contesté que la page " Facebook " de M. E... ainsi que le site internet dédié à la campagne de ce candidat sont demeurés consultables à partir du 27 juin 2020 à zéro heure, il ne résulte pas de l'instruction qu'au cours de cette période, de nouveaux messages ayant le caractère de propagande électorale auraient été publiés et le seul maintien, sur un réseau social, la veille et le jour du scrutin, d'éléments de propagande électorale mis en ligne antérieurement ne constitue pas, en lui-même, une opération de diffusion prohibée par les dispositions précitées.

13. En deuxième lieu, s'il est constant qu'un document municipal n'ayant aucun caractère de propagande électorale a été diffusé aux commerçants du marché le dimanche 28 juin pour leur indiquer que le marché ne pourrait avoir lieu le dimanche suivant du fait d'une autre manifestation prévue à cet endroit, il ne résulte pas de l'instruction que la lettre datée du 26 juin 2020 évoquée au point 10 ayant le caractère de propagande électorale aurait également été diffusée à cette occasion.

14. En troisième lieu, s'il résulte de l'instruction que le journal " La Dépêche du Midi " a publié, la veille du second tour de scrutin, un article intitulé " Coup de pouce aux scolaires " relatant des propos d'une adjointe et colistière de M. E..., cet article se borne à exposer les mesures spécifiques mises en place par la maison de l'emploi et de la solidarité pour un accompagnement scolaire pendant et dans les semaines suivant la période de confinement liée à la crise sanitaire et le souhait de la mairie de prévenir le décrochage scolaire, ces propos ne revêtant aucun caractère de propagande électorale. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 49 du code électoral précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'existence de manoeuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 106 du code électoral : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros. Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses ". S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de ces dispositions en ce qu'elles édictent des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par celles-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

16. Il résulte de l'instruction que si un électeur allègue avoir été contacté par un candidat de la liste " Dominique E... 2020 Vivre ensemble, Faire ensemble " l'assurant, en contrepartie d'un vote favorable, d'une aide en faveur de ses parents " pour d'éventuels travaux dans leur logement ou tout autre chose touchant à la mairie ", cette affirmation est contestée par ce candidat et il n'est pas établi que ce dernier aurait exercé sur un électeur des pressions susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin.

17. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la présence, à proximité d'un bureau de vote, d'un panneau assurant la promotion de la réalisation par la commune de dortoirs supplémentaires pour les enfants au sein d'un groupe scolaire ait revêtu le caractère d'une propagande électorale et qu'elle ait pu constituer une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

18. En troisième lieu, s'il n'est pas contesté que l'adjointe au maire chargée de l'éducation, colistière de M. E..., a adressé à l'ensemble des parents d'élèves de la commune une lettre datée du 19 juin 2020 par laquelle elle exposait le nouveau protocole sanitaire élaboré par le ministère de l'éducation nationale, soulignait les difficultés matérielles de mise en oeuvre de ce protocole et dénonçait les délais prescrits pour le faire, ces critiques ne sauraient, au seul motif que la liste d'un candidat adverse aurait été investie par le parti politique du ministre concerné par ces critiques, être regardée comme une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

19. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction que M. E... disposait de deux comptes " Facebook ", l'un étant dédié à sa campagne électorale, l'autre étant consacré à son mandat de maire, les différents messages publiés sur ces comptes, dont aucun n'était le compte officiel de la mairie, et les liens effectués entre eux ne sauraient être regardés comme susceptibles de créer, dans l'esprit des électeurs, une confusion entre l'action de la commune et la propagande électorale des candidats de nature à altérer la sincérité du scrutin.

20. En cinquième lieu, s'il est constant que M. E... a, en sa qualité de maire, adressé le 18 juin 2020 aux résidents d'un quartier de Tournefeuille subissant des désagréments liés à l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble, un courrier les informant, d'une part, de l'issue, le 6 juin 2020, de la procédure judiciaire à fin d'expulsion des occupants de cet immeuble et les conviant, d'autre part, à une réunion d'information fixée après la date du scrutin, il ne résulte pas de l'instruction que cette réunion, en lien avec la gestion de la commune et faisant suite à une première réunion avec les habitants tenue en janvier 2020, pouvait être regardée comme relevant de la propagande électorale.

21. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de la situation particulière ayant prévalu du fait de la pandémie à partir du 15 mars 2020, le courrier adressé par le maire, le 26 juin 2020, aux agents municipaux les informant de l'attribution d'une prime en raison de leur mobilisation pendant la période de crise sanitaire aurait constitué un élément de propagande électorale.

En ce qui concerne l'exploitation à des fins électorales de données détenues par la mairie :

22. D'une part, il est constant que la mairie a organisé au cours du mois d'avril 2020 une opération visant à contacter téléphoniquement les résidents les plus âgés de la commune en raison de leur particulière vulnérabilité en période de propagation du virus du covid-19 et que des employés de mairie ainsi que des bénévoles de la réserve citoyenne, mobilisés pour cette opération, ont eu accès à cette occasion à des fichiers appartenant à la mairie recensant les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans. D'autre part, il résulte de l'instruction que des militants et colistiers de M. E... ayant, pour certains, participé à cette première opération, ont, par la suite, au mois de juin, contacté certaines de ces personnes âgées de plus de soixante-quinze ans qui s'étaient abstenues de voter au premier tour, afin de les informer sur les différentes modalités de vote pour le second tour.

23. Aux termes du troisième alinéa l'article L. 68 du code électoral : " Sans préjudice des dispositions de l'article L0. 179 du présent code, les listes d'émargement déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture sont communiquées à tout électeur requérant pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin, soit à la préfecture ou à la sous-préfecture, soit à la mairie. ".

24. En premier lieu, s'il n'est pas contesté que des renseignements obtenus à partir de ces listes d'émargement ont pu être utilisés par la liste " Dominique E... 2020 Vivre ensemble, Faire ensemble " pour une opération de prospection téléphonique entre les deux tours de scrutin, il ne résulte pas de l'instruction que ce procédé aurait conduit à exercer sur les électeurs une pression de nature à fausser la sincérité du scrutin. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la liste conduite par M. B... aurait été privée de l'accès à ces mêmes informations.

25. En deuxième lieu, s'il résulte de l'instruction que les contacts pris avec des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans lors de l'opération municipale organisée au mois d'avril 2020 ont pu être de nature à faciliter de nouvelles prises de contact lors du démarchage organisé au mois de juin 2020, il n'est pas établi que ce dernier aurait été réalisé à partir de fichiers appartenant à la mairie. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'opération de démarchage organisée par la liste " Dominique E... 2020 Vivre ensemble, Faire ensemble " aurait été réalisée à partir des moyens détenus par la mairie, après une exploitation illégale de ces moyens et, dans ces conditions, aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Sur les opérations électorales :

26. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 68 du code électoral : " Tant au premier tour qu'éventuellement au second tour de scrutin, les listes d'émargement de chaque bureau de vote, ainsi que les documents qui y sont réglementairement annexés, sont joints aux procès-verbaux des opérations de vote transmis immédiatement après le dépouillement du scrutin à la préfecture ou, pour les élections des conseillers départementaux et des conseillers municipaux, à la sous-préfecture ". Aux termes de l'article R. 71 du même code : " Dès la fin des opérations électorales, les délégués des candidats, des binômes de candidats ou des listes en présence ont priorité pour consulter les listes d'émargement déposées dans les conditions fixées à l'article L. 68 ".

27. S'il est constant qu'informée d'une erreur commise lors d'un vote par procuration, la présidente du bureau de vote n° 3 a consulté, pendant le déroulement du scrutin, la liste d'émargement en vue de constater une éventuelle difficulté, il ne résulte pas de l'instruction que les renseignements ainsi obtenus auraient fait l'objet d'une exploitation particulière ayant permis l'exercice de pressions sur des électeurs susceptibles d'altérer la sincérité de celui-ci.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 à Tournefeuille.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 118-4 du code électoral :

29. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin (...) ". Il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d'un grief tiré de l'existence de manoeuvres, le juge de l'élection peut, le cas échéant d'office, et après avoir, dans cette hypothèse, recueilli les observations des candidats concernés, prononcer une telle sanction si les manoeuvres constatées présentent un caractère frauduleux et s'il est établi qu'elles ont été accomplies par les candidats concernés et ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

30. En l'absence de manoeuvres frauduleuses imputables à M. E... ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme infondées les conclusions de M. B... tendant à ce que M. E... soit déclaré inéligible en application de ces dispositions.

Sur les frais exposés par M. E... devant le tribunal administratif :

31. Aux termes de l'article R. 773-3 du code de justice administrative : " En matière électorale, il n'y a lieu à aucune condamnation aux dépens (...) " et aux termes de l'article L. 761-1 du même code : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

32. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné M. B... à payer une somme de 1 200 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a, ce faisant, inexactement apprécié les circonstances de l'espèce, dont il résultait qu'il n'y avait pas lieu de mettre les frais de l'instance à la charge de M. B.... Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'article 3 du jugement qu'il attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 du jugement du 25 février 2021 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., à M. G... E..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à M. F... H... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 451142
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2021, n° 451142
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451142.20210715
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