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24/06/2021 | FRANCE | N°453143

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 juin 2021, 453143


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de le prendre en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence, jusqu'à ce qu'il soit orienté vers une structure d'hébergement stable ou de soins ou vers un logement adapté à sa situation, sans délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard suivant la notification de l'ordonnance à venir et, d'autre part, de l'admettre au b

énéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Par une ordonnance n°...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de le prendre en charge dans le cadre de l'hébergement d'urgence, jusqu'à ce qu'il soit orienté vers une structure d'hébergement stable ou de soins ou vers un logement adapté à sa situation, sans délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard suivant la notification de l'ordonnance à venir et, d'autre part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Par une ordonnance n° 2001038 du 21 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés le 31 mai et les 2, 9, 11, 15 et 21 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'enjoindre au préfet du département des Deux-Sèvres de lui assurer un hébergement d'urgence à titre de mesure de sauvegarde jusqu'à son orientation par une structure d'hébergement stable, de soins ou un logement adapté à sa situation.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, depuis le 29 mars 2021, il se voit systématiquement refuser l'accès aux structures d'hébergement en urgence et se trouve donc sans abri en période de crise sanitaire, alors qu'il souffre de problèmes de santé qui font de lui une personne vulnérable et nécessitent de lui octroyer un hébergement d'urgence afin de le protéger. La circonstance qu'il ait pu être hébergé dans les Pyrénées Atlantiques ne suffit pas à écarter cette condition dès lors qu'il ne bénéficie d'aucun suivi médical dans ce département, dans lequel il n'a aucune attache ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'hébergement d'urgence, dès lors, d'une part, que la décision l'excluant des structures d'hébergement d'urgence est uniquement fondée sur l'irrégularité de sa situation sur le territoire français, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles et, d'autre part, cette carence de l'Etat dans ses missions emporte des conséquences graves au regard de son état de santé.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 8, 15 et 22 juin 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est privée d'objet et qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée à une liberté fondamentale.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... et, d'autre part, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'intérieur ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 11 juin 2021, à 15 heures ;

- Me Lesourd, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 15 juin 2021, à 18 heures, puis au 22 juin, à 17 heures.

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (...) ". L'article L. 345-2-2 dispose que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / L'hébergement d'urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, de mettre en oeuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. M. B... soutient que toutes ses demandes d'accès à l'hébergement d'urgence dans le département des Deux-Sèvres ont été rejetées à compter du 29 mars 2021. Il résulte de l'instruction que l'intéressé a bénéficié à compter du 3 juin 2021 d'un hébergement d'urgence à Pau. Dès lors, M. B... ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme justifiant d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 nécessitant l'intervention du juge administratif dans les 48 heures. Par suite, il n'est pas fondé à se plaindre que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 453143
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2021, n° 453143
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:453143.20210624
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