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15/06/2021 | FRANCE | N°448727

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 15 juin 2021, 448727


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 448727, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 janvier, le 2 mars et le 6 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 novembre 2020 accordant son extradition aux autorités russes, après lui avoir reconnu la qualité de réfugié ou à tout le moins, le bénéfice de la protection subsidiaire, ou, subsidiairement, après avoir sursis à statuer jusqu'à l'instructi

on complète de sa demande d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 448727, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 janvier, le 2 mars et le 6 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 novembre 2020 accordant son extradition aux autorités russes, après lui avoir reconnu la qualité de réfugié ou à tout le moins, le bénéfice de la protection subsidiaire, ou, subsidiairement, après avoir sursis à statuer jusqu'à l'instruction complète de sa demande d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 448857, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 janvier, le 2 mars et le 6 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 novembre 2020 accordant son extradition aux autorités russes, après lui avoir reconnu la qualité de réfugié ou à tout le moins, le bénéfice de la protection subsidiaire, ou, subsidiairement, après avoir sursis à statuer jusqu'à l'instruction complète de sa demande d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- Le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. B...,

Vu les deux notes en délibéré, enregistrées le 28 mai 2021, présentées par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

2. Par décret du 12 novembre 2020, le Premier ministre a accordé aux autorités russes l'extradition de M. A... B..., ressortissant russe, au titre de la mise en oeuvre d'une décision aux fins de poursuite pour des faits qualifiés d'escroquerie commise par un groupe organisé de personnes organisées ou bien pour un montant particulièrement important ou ayant entraîné une privation du droit d'autrui de jouir d'un local d'habitation.

3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. L'ampliation notifiée à l'intéressé n'avait pas à être revêtue de ces signatures.

4. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En troisième lieu, les réserves émises par la France lors de la ratification de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 énoncent, s'agissant de l'article 1er, que : " L'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense... ". Si M. B... fait valoir que la décision du 27 avril 2018, rectifiée le 22 mai 2018, sur le choix d'une mesure de contrainte sous forme d'un placement en détention a été annulée par un arrêt du 7 décembre 2018 du Praesidium de la cour de Moscou, saisi de son pourvoi, et remplacée par une décision prise le 24 janvier 2019, et qu'ainsi, il ne sera pas en mesure de bénéficier d'un tribunal assurant les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, ni cette circonstance, ni les éléments généraux qu'il invoque en ce qui concerne une méconnaissance de la procédure pénale russe, ne sont de nature à établir qu'il courrait le risque d'être jugé par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, en méconnaissance des réserves précitées émises par la France sur l'article 1er de la convention européenne d'extradition. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que les autorités russes se sont engagées, dans le cadre de la présente procédure d'extradition, à ce que M. B... bénéficie d'un procès équitable, incluant notamment l'assistance d'un avocat, et à ce que les agents consulaires français puissent lui rendre visite sur son lieu de détention pour s'assurer du respect des garanties qui ont assorti la demande d'extradition.

6. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, ni l'énoncé des faits qui lui sont reprochés, ni les documents joints à la demande d'extradition ne portent atteinte au principe de la présomption d'innocence prévu notamment par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En cinquième lieu, si M. B... soutient qu'il n'a pas commis les faits qui lui sont reprochés, et que la procédure pénale a été détournée à son encontre à des fins privées, il résulte des principes généraux du droit applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée. En outre, le requérant ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision d'extradition ou de poursuites pénales. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits qui lui sont reprochés.

8. En sixième lieu, la seule circonstance que le requérant ait déposé une demande de statut de réfugié ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement français procède à son extradition. Il appartient au Conseil d'Etat, statuant sur la légalité du décret d'extradition et saisi d'une contestation sur ce point, d'apprécier, au vu des éléments qui lui sont soumis et en faisant, le cas échéant, usage de ses pouvoirs d'instruction, si le requérant peut se prévaloir de la qualité de réfugié pour s'opposer à l'exécution du décret. M. B... ne justifie pas, par ses seules déclarations, des risques de représailles personnelles qu'il allègue en cas de retour en Russie. Il n'est donc pas fondé à invoquer le bénéfice de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

9. En septième lieu, si M. B... soutient que sa remise aux autorités russes est susceptible d'avoir pour lui des conséquences d'une gravité exceptionnelle, en violation des réserves émises par la France lors de la ratification de la convention européenne d'extradition et que cette remise est susceptible de l'exposer au risque de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément précis au soutien de ces allégations, permettant d'établir la réalité de telles conséquences.

10. En huitième lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. La circonstance que l'intéressé ait une épouse et soit père d'un enfant résidant sur le territoire national n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 12 novembre 2020 accordant son extradition aux autorités russes. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 448727
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2021, n° 448727
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP KRIVINE, VIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448727.20210615
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