La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2021 | FRANCE | N°436945

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 15 juin 2021, 436945


Vu les procédures suivantes :

M. et Mme B... D... ainsi que M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le maire de Saint-Martin-d'Hères (Isère) a accordé à la société Gilles Trignat Résidences un permis de construire un ensemble immobilier de trente-huit logements sur la parcelle cadastrée section AT n° 382 avenue Jacques Prévert sur le territoire de la commune. Par un jugement n° 1806820 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, qui a admis l'intervention de M. et Mme E... C... au s

outien des conclusions de la demande, a annulé cet arrêté.

1° Sous ...

Vu les procédures suivantes :

M. et Mme B... D... ainsi que M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le maire de Saint-Martin-d'Hères (Isère) a accordé à la société Gilles Trignat Résidences un permis de construire un ensemble immobilier de trente-huit logements sur la parcelle cadastrée section AT n° 382 avenue Jacques Prévert sur le territoire de la commune. Par un jugement n° 1806820 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, qui a admis l'intervention de M. et Mme E... C... au soutien des conclusions de la demande, a annulé cet arrêté.

1° Sous le n° 436945, par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 20 décembre 2019, 18 mars 2020 et 21 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Gilles Trignat Résidences demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme B... D... ainsi que de M. et Mme A... D... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 437106, par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 24 décembre 2019, 16 mars 2020 et 4 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Martin-d'Hères demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme B... D..., M. et Mme A... D..., et de M. et Mme E... C..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

Le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Gilles Trignat Résidences, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Martin-d'Hères et au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. et Mme B... D... et de M. et Mme A... D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société Gilles Trignat Résidences et de la commune de Saint-Martin-d'Hères sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 26 juin 2018, le maire de Saint-Martin-d'Hères a accordé à la société Gilles Trignat Résidences un permis de construire un ensemble immobilier de trente-huit logements sur la parcelle cadastrée section AT n° 382 avenue Jacques Prévert sur le territoire de la commune. La société et la commune se pourvoient en cassation contre le jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision à la demande de M. et Mme B... D... et de M. et Mme A... D....

3. En premier lieu, l'article UM 4-2-3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-d'Hères dispose : " Règle générale / Les constructions et aménagements réalisés sur le terrain doivent garantir les écoulements des eaux pluviales dans le réseau collecteur, après mise en oeuvre de tout dispositif opportun permettant d'écrêter les débits d'apports. / En l'absence de réseau, ou en cas d'insuffisance de ce dernier, le constructeur est tenu de réaliser les aménagements permettant le libre écoulement des eaux pluviales. / A cette fin, des solutions d'aménagements de surfaces drainantes (végétalisation notamment) s'imposent, sauf en cas d'impossibilité technique, afin de permettre l'absorption de l'eau par le terrain naturel (bassins de retenue à ciel ouvert et paysagés, aires de stationnement inondables, terrasses et toitures végétalisées, etc.). / Seul l'excès de ruissellement de ces eaux pluviales et assimilées pourra être accepté dans le réseau public (unitaire ou séparatif) dans la mesure où l'usager démontrera qu'il a mis en oeuvre, sur la parcelle privée, toutes les solutions susceptibles de limiter les apports pluviaux (infiltration e/ou rétention). / En tout état de cause, l'ensemble des prescriptions du règlement d'assainissement intercommunal relatives aux eaux pluviales devra être respecté. (...) ".

4. Aux termes de l'article 42 du règlement du service public d'assainissement collectif de Grenoble Alpes Métropole, applicable à Saint-Martin-d'Hères : " L'imperméabilisation croissante des sols liée à la densification urbaine de la région grenobloise et l'augmentation des débits de pointe d'eaux pluviales qui en résulte, induisent des risques importants d'inondation lors des fortes pluies et des pollutions des milieux naturels par les rejets des réseaux d'assainissement. Afin d'atténuer ces risques, les eaux pluviales doivent être gérées à l'échelle des parcelles privées et ne sont pas admises dans le réseau public d'assainissement. D'une façon générale, aucun apport supplémentaire au ruissellement sur terrain naturel au réseau public ne devra résulter de l'aménagement, quelle que soit l'occurrence de l'événement pluvieux considéré. " En vertu de l'article 43 du même règlement : " La première solution recherchée pour l'évacuation des eaux pluviales doit être l'infiltration. La gestion des eaux pluviales s'effectuera sur la parcelle, par tous dispositifs appropriés (noue, puits perdus, tranchées d'infiltration, fossé, ...). "

5. Enfin, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme énonce que " conformément au règlement intercommunal de Grenoble Alpes Métropole, l'article 4 de toutes les zones prévoit que les eaux pluviales soient traitées à la parcelle et que seul l'excès de ruissellement de ces eaux pluviales et assimilées soit accepté dans le réseau public (unitaire ou séparatif) dans la mesure où l'usager démontrera qu'il a mis en oeuvre, sur la parcelle privée, toutes les solutions susceptibles de limiter les apports pluviaux (infiltration et/ou rétention). "

6. Il résulte des dispositions citées ci-dessus aux points 3 et 4, éclairées par le rapport cité au point 5, qu'a été fixée pour règle sur le territoire de la commune de Saint-Martin-d'Hères que la gestion des eaux pluviales doit être assurée prioritairement par absorption à l'échelle de la parcelle et, uniquement lorsque l'usager établit que les solutions qu'il y a mises en oeuvres sont insuffisantes, par déversement de l'excès de ruissellement dans le réseau public.

7. Dès lors, en estimant que le projet présenté par la société Gilles Trignat Résidences méconnaissait ces dispositions en l'absence de raccordement au réseau public sans prendre en considération la circonstance que ce projet prévoit la gestion des eaux pluviales sur la parcelle destinée à la construction, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du préambule du chapitre 4 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la zone UM : " La zone UM· est une zone urbaine mixte destinée à accueillir les constructions à usage d'habitat, les activités tertiaires, de services d'artisanat sous conditions, les commerces, les équipements. / Elle regroupe des secteurs urbanisés à différentes époques de construction de la ville et comprend donc différents sous-zones aux spécificités propres : / UMd : correspondant à la ZAC Ecoquartier Daudet ; / UMi : correspondant aux secteurs d'habitat à dominante individuelle isolé, jumelé ou groupé, intermédiaire jusqu'aux petits collectifs ; / UMv : correspondant au vieux village. "

9. D'autre part, l'article UM2 du même règlement autorise " dans les zones UM, UMi et UMd " des " opérations comportant plus de 20 logements et/ou plus de 1400 m2 de surface de plancher " à la condition que " 15 ou 25 % du programme au minimum soit affecté à des logements sociaux suivant les secteurs définis sur le plan ".

10. Enfin, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme énonce que " Les secteurs composés d'habitat de type pavillonnaire ont été identifiés et classés en zone " UMi " afin de gérer leurs spécificités. / Les règles de hauteur (limitée à 13 mètres) ou d'emprise au sol (limitée à 0.40 au lieu de 0.60 dans la zone UM) permettent d'envisager la densification de ces secteurs dans des formes urbaines compatibles avec les constructions existantes ".

11. En se bornant, pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance du sous-secteur UMi dans lequel le projet se situe, à citer le préambule du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la zone UM, pour en déduire que, par ses dimensions, le projet ne correspondait pas aux constructions autorisées dans la sous-zone UMi sans répondre à l'argumentation selon laquelle les dispositions du préambule invoquées par les requérants ont été précisées par les articles du règlement de la zone, qui autorisent les projets de logement collectifs tout en encadrant les constructions, en particulier par les règles limitant leur emprise au sol, fixant leur hauteur maximale ainsi que leur implantation, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2019 : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

13. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal, saisi de conclusions en ce sens par la société Gilles Trignat Résidences, n'a pas statué sur la demande de sursis à statuer. Par suite, il a méconnu son office.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont fondées à demander l'annulation du jugement attaqué.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Gilles Trignat Résidences et de la commune de Saint-Martin-d'Hères, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, une somme à verser à M. B... D... et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... D... et autres la somme que la société Gilles Trignat Résidences et la commune de Saint-Martin-d'Hères demandent sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement n° 1806820 du 24 octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Gilles Trignat Résidences, à la commune de Saint-Martin-d'Hères, et à M. B... D..., premier défendeur nommé.


Type d'affaire : Administrative

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 jui. 2021, n° 436945
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Gauthier
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 15/06/2021
Date de l'import : 17/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 436945
Numéro NOR : CETATEXT000043669053 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-06-15;436945 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award