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09/06/2021 | FRANCE | N°453237

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 juin 2021, 453237


Vu la procédure suivante :

L'organisation politique Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'ordonner aux services de l'Etat de collecter et détruire tous les bulletins de vote et professions de foi établis pour le premier tour des élections départementales aux noms de Mme D... C... et M. B... E... et diffusés auprès des communes du canton de Vitrolles, en deuxième lieu, d'enjoindre aux servic

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Vu la procédure suivante :

L'organisation politique Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'ordonner aux services de l'Etat de collecter et détruire tous les bulletins de vote et professions de foi établis pour le premier tour des élections départementales aux noms de Mme D... C... et M. B... E... et diffusés auprès des communes du canton de Vitrolles, en deuxième lieu, d'enjoindre aux services de l'Etat d'informer ces candidats du retrait ainsi opéré, en troisième lieu, d'enjoindre à Mme C... et M. E... de cesser d'utiliser le logo d'Europe Ecologie Les Verts sur leurs documents de propagande, officiels et non officiels, et, en dernier lieu, d'ordonner toute autre mesure utile visant à rétablir la sincérité des opérations électorales en cours. Par une ordonnance n° 2104732 du 1er juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande.

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'organisation politique Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur (A...-PACA) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... et M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés administratif est compétent pour connaître de ce litige ;

- elle justifie de la qualité à agir des signataires de la requête ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la brièveté de la campagne électorale et à l'imminence du premier tour scrutin départemental ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la sincérité du vote et à la liberté d'expression du suffrage, dès lors que, en premier lieu, Mme C... et M. E... ont reporté sur leurs documents de propagande le logo du parti Europe Ecologie les Verts, alors qu'ils avaient été informés du refus de cette organisation politique de leur accorder son soutien et de l'interdiction qui leur avait été faite d'utiliser son logo, en deuxième lieu, qu'une telle manoeuvre vise manifestement à faire croire aux électeurs que leur candidature a reçu l'aval de ce parti et à lui donner une légitimité écologiste qu'elle n'a pas, en troisième lieu, que la circonstance que le logo d'Europe Ecologie les Verts apposé sur les documents de propagande litigieux serait de dimension réduite n'amoindrit pas la déloyauté de l'information et, en dernier lieu, qu'il n'est pas établi que l' " Union de gauche écologiste et citoyenne " soit pourvue d'une quelconque existence juridique, ni qu'elle ait la moindre autorité sur l'utilisation du logo du parti d'Europe Ecologie les Verts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, M. B... E... et Mme D... C... concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de A...-PACA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que la requête est irrecevable dès lors que la demande n'entre pas dans le champ de compétence du juge du référé liberté et qu'en outre, il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable dès lors que les représentants d'A...-PACA ne justifient pas de leur qualité pour agir, que la requête ne relève pas de l'office du juge des référés, que la condition d'urgence n'est pas démontrée et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'organisation politique Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur, et d'autre part, Mme C... et M. E..., ainsi que le ministre de l'intérieur ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 7 juin 2021, à 14 heures 30 :

- Me Lesourd, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C... et de M. E... ;

- les représentants de l'organisation politique Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

- le représentant de Mme C... et de M. E... ;

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Le mouvement régional " Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur " (A...-PACA) qui est, selon ses statuts, le représentant régional du parti politique national " Europe écologie Les Verts " (A...) relève appel de l'ordonnance du 1er juin 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à ordonner aux services de l'Etat de collecter et détruire tous les bulletins de vote et professions de foi établis pour le premier tour des élections départementales aux noms de Mme C... et de M. E... et diffusés dans les communes du canton de Vitrolles, en deuxième lieu, d'enjoindre aux services de l'Etat d'informer ces candidats du retrait ainsi opéré, en troisième lieu, d'enjoindre à Mme C... et M. E... de cesser d'utiliser le logo d'Europe Ecologie Les Verts (A...) sur leurs documents de propagande, officiels et non officiels, et, en dernier lieu, d'ordonner toute autre mesure utile visant à rétablir la sincérité des opérations électorales en cours.

3. En principe, la critique des documents de propagande ou de vote n'est pas détachable du contentieux des opérations électorales. Une contestation à leur sujet ne peut donc être formulée qu'après le scrutin, devant le juge de l'élection. Toutefois, le juge des référés peut, avant le scrutin, faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans le cas où, en raison de circonstances particulières, apparaîtrait une illégalité grave et manifeste de nature à affecter la sincérité du vote.

4. Il résulte, en premier lieu, de l'instruction qu'en vue des élections départementales des 20 et 27 juin 2021, plusieurs formations politiques de gauche ont présenté à la presse, le 5 mai 2021, l'accord électoral auquel elles étaient parvenues afin de proposer, sous l'étiquette " Union de gauche, écologiste et citoyenne ", avec un slogan commun " L'union fait la force ", dans chacun des cantons du département des Bouches-du-Rhône, un binôme de candidats composé d'un homme et d'une femme issus de ces formations politiques ou d'un engagement citoyen. Il ne ressort pas de cette annonce publique, à laquelle participaient notamment Mme D... C... (F....S) et Mme G... (A...), et ainsi que cela a été confirmé à l'audience, que, pour le canton de Vitrolles, le binôme formé de Mme D... C... et M. B... E..., aurait été présenté comme exclu de cet accord ou ne faisant pas l'objet du soutien du mouvement régional A...-PACA.

5. Il résulte, en deuxième lieu, de l'instruction que Mme C... et M. E... ont adressé, le 6 mai 2021, par le biais du site mèl de l'Union de gauche, écologiste et citoyenne, une demande d'envoi des éléments composant la charte graphique élaborée par une cellule de travail pour l'ensemble des candidats relevant de cet accord politique, comprenant notamment les logos des partis politiques de soutien dont celui d'A.... Les ayant obtenus, ils ont adressé à la commission de propagande du département des Bouches-du-Rhône leurs circulaire et bulletin de vote présentés au nom de l'Union de gauche écologiste et citoyenne reproduisant les logos des formations politiques soutenant ce rassemblement dont celui de A... conformément à la charte graphique. La commission de propagande après avoir homologué ces documents, dans sa séance du 10 mai 2021, a assuré à partir du 17 mai la diffusion des exemplaires imprimés des documents de propagande, conformément aux dispositions de l'article 38 du code électoral.

6. Il résulte, en dernier lieu, de l'instruction, et notamment des échanges lors de l'audience, que, dans le cadre des négociations menées au cours du mois d'avril et début mai entre formations politiques pour la constitution du rassemblement électoral ayant abouti à l'Union de gauche écologiste et citoyenne, la représentante du parti A...-PACA s'est opposée à ce que M. E..., par ailleurs maire de Vitrolles, puisse se prévaloir de cette étiquette et utiliser le logo du parti A..., en raison d'un désaccord dans la gestion de cette commune au regard des valeurs portées par son parti, tout en acceptant de ne pas présenter de candidats dans le canton de Vitrolles contre le binôme formé de Mme C... et M. E....

7. Constatant que M. E... n'avait pas respecté les termes de ce compromis politique dont, selon lui, lui et Mme C... ne pouvaient pas ne pas être informés, le mouvement régional A...-PACA fait valoir que l'utilisation du logo du parti politique A... porte atteinte à la liberté d'expression des suffrages et à la sincérité du vote dès lors que cette utilisation serait de nature à créer de la confusion dans l'esprit des électeurs du canton de Vitrolles en laissant croire que la candidature de Mme C... et M. E... a reçu le soutien de cette formation politique.

8. Les formations politiques et les candidats disposant, en tout état de cause, des moyens de manifester leurs idées, leurs soutiens, leurs désaccords et leurs analyses et d'informer les électeurs dans le cadre du débat électoral en cours, la demande présentée au juge des référés ne révèle, au cas d'espèce, l'existence d'aucune circonstance particulière faisant apparaître une illégalité grave et manifeste de nature à affecter la sincérité du vote justifiant qu'il fasse usage, avant le scrutin, de pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de la requête ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la qualité pour agir des représentants de A...-PACA ou d'examiner la condition d'urgence, que le mouvement régional A...-PACA n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

10. Par voie de conséquence, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par A...-PACA à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du mouvement régional A...-PACA la somme réclamée par M. E... et Mme C... au même titre.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du mouvement régional Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au mouvement régional Europe Ecologie Les Verts Provence-Alpes-Côte d'Azur, à M. B... E..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jui. 2021, n° 453237
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 09/06/2021
Date de l'import : 15/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 453237
Numéro NOR : CETATEXT000043648200 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-06-09;453237 ?
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