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04/06/2021 | FRANCE | N°442240

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 04 juin 2021, 442240


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 31 janvier 2019, la cour d'appel de Nancy a sursis à statuer sur la demande de M. B... A..., relative à un indu d'allocation de logement sociale, et saisi le tribunal administratif de Nancy de la question de la légalité de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale.

Par une ordonnance n° 1901698 du 23 juillet 2020, la présidente du tribunal administratif de Nancy a transmis cette question au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 13

août 2020, M. A... demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'ar...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 31 janvier 2019, la cour d'appel de Nancy a sursis à statuer sur la demande de M. B... A..., relative à un indu d'allocation de logement sociale, et saisi le tribunal administratif de Nancy de la question de la légalité de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale.

Par une ordonnance n° 1901698 du 23 juillet 2020, la présidente du tribunal administratif de Nancy a transmis cette question au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 13 août 2020, M. A... demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale et de déclarer que ses dispositions sont entachées d'illégalité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 31 janvier 2019, la cour d'appel de Nancy, saisie d'un litige opposant M. A... à la caisse d'allocations familiales des Vosges, a sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué à titre préjudiciel sur la question de la légalité de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale en ce que ces dispositions conduisent à déterminer pour certains demandeurs de l'allocation de logement sociale, et pas pour d'autres, un revenu forfaitaire supérieur à leur revenu réel, au regard des règles constitutionnelles, en particulier du principe d'égalité résultant de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et de la liberté d'entreprendre.

2. Aux termes de l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige dont la cour d'appel de Nancy est saisie, " Une allocation de logement est versée aux personnes de nationalité française mentionnées à l'article L. 831-2 en vue de réduire à un niveau compatible avec leurs ressources la charge de loyer afférente au logement qu'elles occupent à titre de résidence principale en France métropolitaine ou dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 831-2 du même code : " Peuvent bénéficier de l'allocation de logement, sous réserve de payer un minimum de loyer compte tenu de leurs ressources, les personnes ne bénéficiant pas de l'allocation de logement prévue aux articles L. 542-1 et L. 755-21 ou de l'aide personnalisée au logement prévue à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes de l'article L. 831-4 : " Le mode de calcul de l'allocation de logement est fixé par décret en fonction du loyer payé, des ressources de l'allocataire de la situation de famille de l'allocataire, du nombre de personnes à charge vivant au foyer, du fait que le bénéficiaire occupe son logement en qualité de locataire d'un appartement meublé ou non meublé ou d'accédant à la propriété (...) ". Aux termes de l'article R. 831-6 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les ressources retenues sont celles perçues pendant l'année civile de référence./ L'année civile de référence est l'avant-dernière année précédant la période de paiement./ Sous réserve des dispositions des articles R. 532-4 à R. 532-8 et des alinéas suivants du présent article, les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu d'après le barème des revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu, ainsi que les revenus perçus hors de France ou versés par une organisation internationale et après : (... ) / Lorsque les ressources de l'année de référence de l'allocataire ou de son conjoint ne proviennent pas d'une activité salariée et que ces ressources ne sont pas connues au moment de la demande ou du réexamen des droits, il est tenu compte des dernières ressources connues et déterminées dans les conditions prévues aux alinéas précédents (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'allocation de logement sociale est versée aux personnes qui ne peuvent prétendre à l'allocation de logement familiale ou à l'aide personnalisée au logement et que son montant varie en fonction du loyer payé, des ressources et de la situation de famille de l'allocataire. Ces ressources sont celles de l'année de référence, et à défaut, lorsqu'elles ne proviennent pas d'une activité salariée et qu'elles ne sont pas connues à la date de l'ouverture ou du réexamen des droits, les dernières ressources connues.

3. Le I de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale prévoit qu'hormis pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l'allocation aux adultes handicapés, les ressources de la personne et de son conjoint ou concubin font l'objet d'une évaluation forfaitaire lorsqu'il apparaît, au cours du mois civil précédant l'ouverture du droit ou du mois de novembre précédant le renouvellement du droit, que l'un d'entre eux perçoit une rémunération et que, soit, à l'ouverture du droit, le total des ressources de la personne et de son conjoint ou concubin perçu au cours de l'année civile de référence et apprécié selon les dispositions de l'article R. 532-3 est au plus égal à 1 015 fois le salaire minimum de croissance horaire en vigueur au 31 décembre de cette année, soit, lors du premier renouvellement du droit, les ressources lors de l'ouverture du droit ont déjà fait l'objet d'une évaluation forfaitaire, soit, lors des renouvellements suivants, aucune de ces personnes n'a disposé de ressources appréciées selon les dispositions de l'article R. 532-3. Selon le II du même article, l'évaluation forfaitaire correspond, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité salariée, à douze fois la rémunération mensuelle perçue par l'intéressé le mois civil précédant l'ouverture du droit ou le mois de novembre précédant le renouvellement du droit, affectée de la déduction prévue au deuxième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts, et, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité professionnelle non salariée, à 1 500 fois le salaire minimum de croissance horaire en vigueur au 1er juillet qui précède l'ouverture ou le renouvellement du droit.

4. L'évaluation forfaitaire ainsi instituée à l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale, applicable aux demandes d'allocation de logement sociale en vertu de l'article R. 831-6 du même code, a pour objet d'éviter que la prise en compte des ressources de l'année de référence conduise à ce que cette prestation soit à tort versée à des foyers qui ne satisferaient plus, lors de l'ouverture ou du renouvellement de ce droit, à la condition de ressources à laquelle le bénéfice de cette prestation est subordonné. Toutefois, une telle évaluation n'est appliquée qu'à certains des foyers susceptibles d'avoir connu une modification de leurs revenus depuis l'année de référence, alors même qu'elles leur attribuent fictivement des ressources forfaitairement évaluées, sans leur ouvrir aucune possibilité de faire valoir et d'établir qu'ils ont disposé de revenus professionnels inférieurs à ceux qui résultent de l'évaluation forfaitaire. Ces dispositions peuvent ainsi conduire à ce que des foyers disposant de ressources identiques et inférieures au plafond au moment où le droit est ouvert soient traités de façon différente, certains d'entre eux, soumis à l'évaluation forfaitaire de leurs revenus, se trouvant privés du bénéfice de l'allocation. Par suite, et ainsi d'ailleurs que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a déjà eu l'occasion de le juger pour l'allocation de rentrée scolaire par sa décision n° 420104 du 26 décembre 2018, les dispositions de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale introduisent une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et portent ainsi atteinte au principe d'égalité devant la loi.

5. Elles ne peuvent, en revanche, être par elles-mêmes regardées comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre ou comme méconnaissant le onzième aliéna du Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale, en tant qu'elles s'appliquent à l'allocation de logement sociale, sont illégales.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que les dispositions de l'article R. 532-8 du code de la sécurité sociale sont illégales.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la cour d'appel de Nancy, à M. B... A..., à la caisse d'allocations familiales des Vosges et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 04 jui. 2021, n° 442240
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 04/06/2021
Date de l'import : 08/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 442240
Numéro NOR : CETATEXT000043606003 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-06-04;442240 ?
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