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03/06/2021 | FRANCE | N°439946

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 03 juin 2021, 439946


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1806612 du 2 avril 2020, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, la requête par laquelle M. C... B... demande :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 21 décembre 2017, par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a refusé de lui communiquer les informations le concernant et susceptibles de figurer dans le tr

aitement automatisé de données à caractère personnel dénommé STARTRAC, en...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1806612 du 2 avril 2020, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, la requête par laquelle M. C... B... demande :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 21 décembre 2017, par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a refusé de lui communiquer les informations le concernant et susceptibles de figurer dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé STARTRAC, en tant que ces conclusions intéressent la sûreté de l'Etat.

2°) d'enjoindre au ministre de l'action et des comptes publics de lui communiquer ces informations ;

3°) de saisir le procureur pour les infractions constatées et de lancer la procédure d'indemnisation le concernant ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. B... et la SCP Normand et Associés, son avocat, et d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de Mme A... D..., conseillère d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, applicables à la procédure en cause et désormais reprises à l'article 118 de la même loi, et des dispositions de l'article 88 du décret susvisé du 20 octobre 2005, applicables à la procédure en cause et reprises désormais à l'article 143 du décret susvisé du 29 mai 2019, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat ou la défense, les demandes tendant à l'exercice du droit d'accès, de rectification ou d'effacement sont adressées à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Celle-ci désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Lorsque la Commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication de données qui y sont contenues, ou l'information selon laquelle le traitement ne contient aucune donnée concernant le demandeur, ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données ou cette information peuvent être communiquées au requérant. Dans le cas contraire, la Commission se borne à notifier au requérant qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans autre précision, avec la mention des voies et délais de recours.

2. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la CNIL, publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

3. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre de l'article 41 devenu l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure, au nombre de ces traitements, le fichier STARTRAC pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat.

4. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre de l'article 41 devenu l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé STARTRAC. La Commission a désigné, en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, alors applicable, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par une lettre du 21 décembre 2017, la présidente de la Commission a informé M. B... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que la procédure était terminée, sans lui apporter d'autres informations. M. B... demande l'annulation du refus, révélé par ce courrier, du ministre de l'action et des comptes publics de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans le fichier litigieux et d'enjoindre au ministre de les lui communiquer.

6. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.

7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

8. Les conditions, décrites au point 7 ci-dessus, dans lesquelles la formation spécialisée remplit son office juridictionnel ne portent pas d'atteinte excessive au caractère contradictoire de la procédure garanti notamment par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La dérogation apportée, par les dispositions citées au point 4, au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, qui a pour seul objet de porter à la connaissance des juges des éléments couverts par le secret de la défense nationale et qui ne peuvent, dès lors, être communiqués au requérant, permet en effet à la formation spécialisée de statuer en toute connaissance de cause. Les pouvoirs dont elle est investie, pour instruire les requêtes, relever d'office toutes les illégalités qu'elle constate et enjoindre à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de remédier aux illégalités constatées garantissent l'effectivité du contrôle juridictionnel de l'exercice du droit d'accès direct aux données personnelles figurant dans des traitements intéressant la sûreté de l'État. Il n'en résulte, par suite, aucune méconnaissance du droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la même convention, contrairement à ce qui est soutenu.

9. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre et par la CNIL, laquelle a effectué les diligences qui lui incombent dans le respect des règles de compétence et de procédure applicables. Il résulte de cet examen, lequel s'est déroulé selon les modalités décrites au point 7 ci-dessus, qu'aucune illégalité n'a été relevée. Il s'ensuit que les conclusions de M. B..., y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 03 jui. 2021, n° 439946
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme C Barrois de Sarigny-fs

Origine de la décision
Formation : Formation spécialisée
Date de la décision : 03/06/2021
Date de l'import : 08/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 439946
Numéro NOR : CETATEXT000043606001 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-06-03;439946 ?
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