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20/05/2021 | FRANCE | N°445454

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 20 mai 2021, 445454


Vu la procédure suivante :

Mme F... A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Liancourt (Oise).

Par un jugement n° 2001063 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la protestation de Mme A... D...

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre et 18 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... D... demand

e au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fo...

Vu la procédure suivante :

Mme F... A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Liancourt (Oise).

Par un jugement n° 2001063 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la protestation de Mme A... D...

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre et 18 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa protestation.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors qu'il ne comporte pas les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif a dénaturé les faits et entaché son jugement d'erreur de droit en considérant que les dispositions de l'article L.52-1 du code électoral n'avaient pas été méconnues ;

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et entaché son jugement d'une erreur de droit en considérant que les dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral n'avaient pas été méconnues ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement de dénaturation et d'erreur de droit pour avoir considéré que l'article L. 62 du code électoral n'avait pas été méconnu.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme A... D... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des élections municipales qui s'est déroulé le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Liancourt (Oise), qui rassemble plus de 1 000 habitants, les vingt-neuf sièges à pourvoir l'ont été. La liste " Autour de ses forces citoyennes, Liancourt avance avec Roger B... et ceux qui font vivre notre ville ", conduite par M. C... B..., maire sortant, a obtenu 22 sièges, avec 873 voix, soit 52,62% des suffrages exprimés et la liste " Ensemble construisons le Liancourt de demain ", conduite par Mme F... A... D..., a obtenu 7 sièges, avec 786 voix, soit 47,37% des suffrages exprimés. Mme A... D... demande l'annulation du jugement du 16 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Si Mme A... D... soutient que le jugement qu'elle attaque est entaché d'irrégularité, faute d'être revêtu des signatures prescrites par ces dispositions, il résulte de l'instruction que la minute du jugement comporte la signature du président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens, du rapporteur et de la greffière. Il s'ensuit que ce moyen manque en fait.

En ce qui concerne les opérations électorales :

Sur la méconnaissance de l'article L. 52-1 du code électoral :

3. Aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'organisation, le 3 janvier 2020, d'une cérémonie de voeux par le maire sortant, laquelle revêt un caractère traditionnel dans la commune de Liancourt, n'a donné lieu qu'à l'exposé en termes mesurés du bilan des réalisations de la municipalité pendant l'année 2019, sans exposé d'un programme électoral et sans caractère polémique. Cette cérémonie ne peut donc pas être regardée comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52 1 du code électoral.

5. En deuxième lieu, si Mme A... D... soutient que M. B... a réalisé deux vidéos dans des locaux communaux, par lesquelles il a fait la promotion de son bilan et exposé ses projets pour la mandature à venir, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance, d'élément d'information quant à leur diffusion permettant d'apprécier une éventuelle méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral qu'elle invoque.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le n° 69 du bulletin municipal intitulé " Liancourt Magazine ", distribué aux Liancourtois comme à l'accoutumée lors de la première semaine du mois de mars, dans un format habituel, présente la fiscalité communale et la gestion financière de la commune sous un jour favorable mais sans valorisation excessive et sans lien avec la campagne électorale. Sa diffusion ne peut donc pas être regardée comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52 1 du code électoral.

Sur la méconnaissance de l'article L. 48-2 du code électoral :

7. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

8. Il résulte de l'instruction que M. E..., qui a renoncé à présenter une liste lors des opérations électorales litigieuses, a diffusé les 9 et 10 mars 2020 une " lettre ouverte à Mme F... A... D...-G... ", l'interpellant sur son soi-disant projet de construire une mosquée, sur d'éventuelles dettes personnelles, sur la situation géographie de son domicile, sur la rémunération d'activités passées et l'exercice d'un mandat électif antérieur. Dès lors que la campagne électorale s'achevait le samedi 14 mars 2020 à minuit, Mme A... D... pouvait répondre utilement à cet élément nouveau de polémique électorale, ce qu'elle a d'ailleurs fait par la diffusion d'un droit de réponse le 13 mars 2020. Dès lors, la distribution du tract de M. E... ne peut être regardée comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral.

9. Par ailleurs, si Mme A... D... soutient que M. B... a diffusé, le 5 mars 2020, un message selon lequel elle n'aurait pas déposé dans les délais ses professions de foi et ses bulletins, elle était en mesure d'y répondre en temps utile avant la fin de la campagne électorale.

Sur la méconnaissance de l'article L. 62 du code électoral :

10. Aux termes de l'article L. 62 du code électoral, l'électeur " doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe ". Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif d'Amiens, il ne résulte pas de l'enregistrement vidéo produit par la requérante, qui porte sur le seul cas d'une électrice âgée accompagnée jusqu'à l'isoloir par un adjoint au maire, que les dispositions de cet article auraient été méconnues.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... D... la somme que M. B... et autres demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... et autres tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée Mme F... A... D... et à M. C... B..., premier dénommé.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Oise.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 445454
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2021, n° 445454
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Delsol
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445454.20210520
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