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18/05/2021 | FRANCE | N°441760

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 18 mai 2021, 441760


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 19 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2020-553 du 11 mai 2020 relatif à l'expérimentation des modalités permettant le renforcement des échanges entre les formations de santé, la mise en place d'enseignements communs et l'accès à la

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 19 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2020-553 du 11 mai 2020 relatif à l'expérimentation des modalités permettant le renforcement des échanges entre les formations de santé, la mise en place d'enseignements communs et l'accès à la formation par la recherche, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 37-1 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, notamment son article 39 ;

- la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019, notamment son article 1er ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la Fédération nationale de l'enseignement privé ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article 39 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dont la constitutionnalité est contestée par la fédération requérante, dispose : " L'Etat peut, à titre expérimental et pour une durée de six ans à compter de la rentrée universitaire 2020, autoriser l'organisation des formations relevant du titre III du livre VI du code de l'éducation selon des modalités permettant de renforcer les échanges entre les formations, la mise en place d'enseignements en commun et l'accès à la formation par la recherche. / Les conditions de mise en oeuvre du premier alinéa du présent article sont définies par voie réglementaire. Elles précisent notamment les conditions d'évaluation des expérimentations en vue d'une éventuelle généralisation. / Au cours de la sixième année de l'expérimentation, les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé présentent au Parlement un rapport d'évaluation des expérimentations menées au titre du présent article ".

3. En premier lieu, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Or l'article 37-1 de la Constitution n'est pas au nombre des dispositions comportant des droits ou libertés garantis par la Constitution. Par suite, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) ne peut utilement soutenir, à l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, que les dispositions de l'article 39 de la loi du 22 juillet 2013 méconnaîtraient l'article 37-1 de la Constitution faute de définir avec une précision suffisante l'objet et les conditions de l'expérimentation qu'elles instituent et en prévoyant que la durée de l'expérimentation est de six ans.

4. En deuxième lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

5. En troisième lieu, les dispositions de l'article 39 de la loi du 22 juillet 2013 n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer davantage de prérogatives aux universités qu'aux établissements privés d'enseignement supérieur dans la mise en oeuvre de l'expérimentation. Par suite, la FNEP ne peut en tout état de cause soutenir, à l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, que le système de conventions entre établissements organisé par le décret du 11 mai 2020 méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'il instaurerait une différence de traitement, appelée à perdurer en cas de généralisation après expérimentation, entre les universités et les établissements privés d'enseignement supérieur ainsi qu'entre les étudiants de ces deux catégories d'établissements.

6. En dernier lieu, la FNEP ne peut davantage utilement soutenir, pour les motifs exposés au point 5, que les dispositions de l'article 39 de la loi du 22 juillet 2013 porteraient atteinte à la liberté de l'enseignement, à l'égal accès à la formation professionnelle, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle en ce qu'elles désavantageraient les établissements privés d'enseignement supérieur par rapport aux universités.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée ne présente pas de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération nationale de l'enseignement privé.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de l'enseignement privé, au Premier ministre, à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 441760
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mai. 2021, n° 441760
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441760.20210518
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