Vu la procédure suivante :
La SCI Thanh Minh a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'arrêté n° 2021-00667-VDM du 1er mars 2021 par lequel le maire de la commune de Marseille a ordonné la réalisation de mesures d'urgence sur l'immeuble situé au n° 234 avenue Roger Salengro. Par une ordonnance n° 2103035 du 13 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu cet arrêté pour une durée de trois mois à compter de la notification de l'ordonnance.
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Marseille demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de la SCI Thanh Minh ;
3°) de mettre à la charge de la société la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance contestée a été rendue aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que le juge des référés s'est fondé sur un moyen relevé d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ;
- le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit en se fondant sur les dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020, alors même que de telles dispositions n'étaient plus applicables à la date de l'arrêté dont il était appelé à apprécier la légalité ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les désordres affectant l'immeuble sont connus depuis plusieurs années de sorte que les copropriétaires ont contribué à faire naître la situation d'urgence qu'ils invoquent, que la SCI requérante a saisi le juge des référés plus d'un mois après la notification de l'arrêté et que les risques d'atteinte à la sécurité publique sont manifestes, rendant nécessaires, à très bref délai, les travaux de démolition partielle prescrits ;
-l'arrêté ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété de la requérante en fixant un délai de dix jours aux copropriétaires pour prendre les mesures exigées dès lors, d'une part, qu'il existe un risque avéré d'effondrement imminent du mur mitoyen entre les immeubles situés aux n°s 234 et 232 de l'avenue Roger Salengro et, d'autre part, qu'ils ont disposé d'un délai largement suffisant pour prendre toutes les mesures qu'imposaient l'état de dégradation de l'immeuble.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, la SCI Thanh Minh, conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par ailleurs, par la voie de l'appel incident, elle demande la suspension de l'exécution de l'arrêté du 1er mars 2021 sans limitation de durée.
Elle soutient qu'au plus tard à l'expiration du délai de trois mois fixé par l'ordonnance, la commune de Marseille devra réexaminer la situation de l'immeuble au vu des études et expertises qui auront été réalisées dans ce délai et, par suite, sera conduite soit à édicter un nouvel arrêté de mise en sécurité soit à demander à ce qu'il soit mis fin à la mesure de suspension.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de Marseille, et d'autre part, la SCI Thanh Minh ;
Ont été entendus à l'audience publique du 30 avril 2021, à 15 heures :
- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Marseille ;
- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SCI Thanh Minh ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 4 mai 2021 à 12 heures.
Au cours de l'audience, les parties ont été informées de ce que la décision du juge des référés du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce que la démolition prescrite par l'arrêté en litige devait, compte tenu de son ampleur, être regardée comme une démolition complète au sens du second alinéa de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation, laquelle ne peut être ordonnée, sur le fondement de cette disposition, qu'après autorisation du juge judiciaire.
Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2021, la commune de Marseille persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens. Elle indique qu'au bénéfice de l'étude technique qu'elle produit, la nature des travaux à réaliser de manière urgente est désormais précisée et consiste en la seule démolition de la portion du mur mitoyen à l'origine du phénomène de flambement.
Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2021, la SCI Thanh Minh persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens. Elle soutient en outre que :
- faute de précision suffisante sur les travaux de démolition à entreprendre à la date de son édiction, l'arrêté litigieux doit être regardé comme prescrivant une démolition complète de l'immeuble au sens de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation ;
- faute de concerner les propriétaires de l'immeuble situé au n° 232 avenue Roger Salengro, l'arrêté est manifestement illégal.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ".
2. Selon l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations a " pour objet de protéger la sécurité et la santé des personnes en remédiant aux situations suivantes :/ 1° Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " L'autorité compétente pour exercer les pouvoirs de police est :/ 1° Le maire dans les cas mentionnés aux 1° (...) de l'article L. 511-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-19 du même code : " En cas de danger imminent, manifeste ou constaté (...) par l'expert désigné en application de l'article L. 511-9, l'autorité compétente ordonne par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu'elle fixe. / Lorsqu'aucune autre mesure ne permet d'écarter le danger, l'autorité compétente peut faire procéder à la démolition complète après y avoir été autorisée par jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ". L'article L. 511-20 du même code dispose que : " Dans le cas où les mesures prescrites en application de l'article L. 511-19 n'ont pas été exécutées dans le délai imparti, l'autorité compétente les fait exécuter d'office dans les conditions prévues par l'article L. 511-16 (...) ". Aux termes de cet article L. 511-16 : " Lorsque les prescriptions de l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité n'ont pas été mises en oeuvre dans le délai fixé, l'autorité compétente peut, par décision motivée, faire procéder d'office à leur exécution, aux frais du propriétaire. Elle peut prendre toute mesure nécessaire à celle-ci. Elle peut également faire procéder à la démolition prescrite sur jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, rendu à sa demande. / Si l'inexécution de mesures prescrites portant sur les parties communes d'un immeuble en copropriété résulte de la défaillance de certains copropriétaires, l'autorité compétente peut, sur décision motivée, se substituer à ceux-ci pour les sommes exigibles à la date votée par l'assemblée générale des copropriétaires. Elle est alors subrogée dans les droits et actions du syndicat des copropriétaires à concurrence des sommes par elle versées. / Lorsque l'autorité compétente se substitue aux propriétaires défaillants et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, par l'arrêté du 1er mars 2021en litige, pris sur le fondement de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation, le maire de la commune de Marseille a ordonné au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au n° 234 avenue Roger Salengro de procéder, sous dix jours, à sa démolition partielle, d'assurer la mise hors d'eau et hors d'air de la partie non démolie, d'assurer l'étanchéité des murs mitoyens mis à nu par la démolition partielle et de garantir la sécurité des parties démolies, des abords et voisinages. Cet arrêté précise qu'à défaut pour les copropriétaires de respecter les injonctions dans le délai ainsi imparti, la commune pourrait procéder d'office à la réalisation de ces travaux, à leurs frais. Par ordonnance du 13 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative sur demande de la SCI Thanh Minh, copropriétaire de l'immeuble, a ordonné la suspension de l'exécution de cet arrêté pour une durée de trois mois. La commune de Marseille relève appel de cette ordonnance.
4. Il résulte de l'instruction que l'immeuble situé au n° 234 avenue Roger Salengro dans lequel la SCI Thanh Minh possède un local à usage commercial, a fait l'objet d'un arrêté de péril non imminent en 2013. Se fondant sur une expertise rendue le 1er décembre 2018, le maire de la commune de Marseille a, le 5 janvier 2019, pris un arrêté de péril grave et imminent portant, notamment, interdiction de toute occupation ou utilisation et enjoignant aux copropriétaires de prendre toutes les mesures propres à assurer la sécurité publique en faisant réaliser les travaux d'urgence sur les désordres constatés. Cet arrêté prévoyait également qu'à défaut pour les copropriétaires de respecter les injonctions prescrites, la commune procéderait d'office à la réalisation des travaux et à leurs frais. Les travaux nécessaires n'ayant pas été réalisés et craignant l'effondrement d'une partie du mur mitoyen aux immeubles situés aux n°s 232 et 234 avenue Roger Salengro, la commune de Marseille a sollicité, le 2 décembre 2020, auprès du tribunal administratif de Marseille, la réalisation d'une nouvelle expertise. Le rapport établi le 4 décembre 2020 a confirmé l'existence d'un péril grave et imminent notamment " sur l'état des éléments constitutifs du mur mitoyen qui menacent de s'effondrer et de blesser les occupants ". Au titre des mesures de sécurité à prendre immédiatement, l'expert a préconisé la réalisation d' " un CCTP par un homme de l'art pour effectuer les sondages, l'étude, la vérification, et la réparation des points suivants : le plancher bas du hall d'entrée, l'étaiement du plancher haut du rez-de-chaussée, la pose de cadres en bois avec étrésillons en diagonale pour bloquer les baies, la purge des éléments instables de la façade avenue Roger Salengro, une étude de sol sous le mur mitoyen et la façade, une solution réparatoire pour le mur mitoyen et la façade ", la réalisation des travaux de réparation en fonction du CCTP et du plan général de coordination des activités établis à cette fin figurant au titre des mesures à prendre dans les meilleurs délais. En complément de cette expertise, la commune de Marseille a fait réaliser un diagnostic par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) qui, à la suite d'une visite sur place le 29 janvier 2021, a conclu à l'existence d'un risque d'effondrement total ou partiel à court terme et indiqué que la solution à privilégier apparaissait être la démolition partielle ou totale des immeubles situés aux n°s 232 et 234 affectés par le flambement du mur mitoyen et que toutes propositions de conservation partielle des bâtiments dans les zones non affectées par cet affaissement du mur mitoyen devraient préalablement faire l'objet d'une étude plus complète des causes de l'apparition de phénomène et de son étendue. Se fondant sur ces études, l'arrêté du 1er mars 2021 a enjoint aux copropriétaires la réalisation, sous dix jours, de " la démolition partielle " de l'immeuble situé au n° 234 conjointement avec celle de l'immeuble situé au n° 232, " sur les préconisation d'un homme de l'art ".
5. Si l'arrêté est imprécis sur l'ampleur de la démolition partielle prescrite et si, devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, la SCI Thanh Minh s'est prévalue de ce que des solutions réparatoires permettant d'éviter la destruction de l'immeuble devaient être recherchées, la commune de Marseille a produit au cours de la présente instance une nouvelle étude datée du 30 avril 2021 réalisée par le CSTB dont il ressort que seule la démolition de la portion du mur mitoyen dont le flambement est à l'origine du péril sur les deux bâtiments est à réaliser en urgence. Cette étude conclut qu'une solution de réparation et de renforcement des deux bâtiments pourra être précisée après réalisation d'un audit de structure sur l'ensemble des deux bâtiments après démolition de la portion du mur dont le flambement a été initié.
6. Il résulte ainsi de l'instruction, d'une part, que la démolition prescrite par l'arrêté du 1er mars 2021, ne s'entend que de celle, techniquement réalisable et indispensable pour faire cesser le péril imminent et documenté d'un effondrement total ou partiel des immeubles situés aux n°s 232 et 234 avenue Roger Salengro, du mur mitoyen sur la partie affectée par le flambement à l'origine de ce péril et, d'autre part, que le délai de dix jours fixé à l'article 1er de cet arrêté ne peut s'entendre que du délai de saisine d'un homme de l'art, compte tenu de la technicité des travaux d'urgence à entreprendre. Dans ces conditions, la mesure d'urgence prescrite, ainsi circonscrite, qui entre dans le champ de celles susceptibles d'être prises sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation, ne porte pas, à la date de la présente ordonnance et en l'état de l'instruction, une atteinte grave au droit de propriété des copropriétaires concernés et notamment de la SCI Thanh Minh qui a d'ailleurs produit un devis en date du 30 mars 2021 pour la réparation du mur, quand bien même il serait nécessaire, après ces travaux d'urgence, de procéder à des études complémentaires pour identifier les motifs des désordres à l'origine de l'affaissement de l'immeuble et analyser l'état général des structures.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la commune de Marseille est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu, pour une durée de trois mois, l'exécution de l'arrêté en litige.
8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus, les conclusions incidentes présentées par la SCI Thanh Minh tendant à la suspension de l'arrêté en litige sans limitation de durée ne peuvent qu'être écartées.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Marseille au titre de ces mêmes dispositions.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 13 avril 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la SCI Thanh Minh devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille et ses conclusions incidentes présentées devant le juge des référés du Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Marseille et à la SCI Thanh Minh.