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05/05/2021 | FRANCE | N°452158

France | France, Conseil d'État, 05 mai 2021, 452158


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre de repousser l'heure du couvre-feu à 21 heures, voire plus tard dès ce jour et de mettre en place une politique territoriale de détermination de l'heure du couvre-feu en fonction des caractéristiques propres à chaque territoire, et notamment de sa position géographique, de sa densitÃ

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre de repousser l'heure du couvre-feu à 21 heures, voire plus tard dès ce jour et de mettre en place une politique territoriale de détermination de l'heure du couvre-feu en fonction des caractéristiques propres à chaque territoire, et notamment de sa position géographique, de sa densité de population et de la réalité de diffusion du virus localement.

Il soutient que :

- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de sa requête ;

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard au contexte particulier de réduction des libertés publiques qui menace l'ensemble des citoyens ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté de réunion et au droit à la santé ;

- la mesure attaquée est dénommée de manière inadéquate dès lors qu'il ne s'agit pas d'un couvre-feu mais d'un régime de mesures supplémentaires à la sortie du travail ayant non pas une finalité de contrainte sur l'espace publique mais de limitation des réunions privées ;

- elle n'est pas efficace au regard de l'objectif de protection de la santé publique poursuivi dès lors que, en premier lieu, les pays européens voisins ont fixé des couvre-feu plus tardifs pour une maîtrise de l'épidémie comparable, en deuxième lieu, avec l'arrivée des beaux jours, les Français sont contraints d'être enfermés dans des espaces clos dès 19 heures alors qu'ils tendent à pratiquer des activités en extérieur jusqu'au coucher du soleil, soit vers 21 heures à cette époque de l'année et, en dernier lieu, selon les territoires, d'une part, le soleil se couche à des horaires différents et, d'autre part, la situation sanitaire est plus ou moins critique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 ;

- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain (...) en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " I.- Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes (...). " Ces mesures " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. "

3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit les autorités compétentes à prendre diverses mesures destinées à réduire les risques de contagion. Une nouvelle progression de l'épidémie de Covid-19 sur le territoire national a conduit le Président de la République à prendre, le 14 octobre 2020, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire de la République. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, modifié par la loi du 15 février 2021, a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021 inclus. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19. Le décret susvisé du 2 avril 2021 a inséré dans ce décret un article 4 qui prévoit, dans sa rédaction actuellement en vigueur, que, sauf motif impérieux, : " I.- Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit entre 19 heures et 6 heures du matin (...) ".

4. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre de retarder l'horaire ainsi fixé pour le couvre-feu et de moduler cet horaire en fonction des caractéristiques géographiques et sanitaires de chaque territoire, au motif que la mesure prise serait inadéquate et inefficace.

5. Il résulte cependant des données scientifiques publiées par Santé publique France que la circulation du virus sur le territoire métropolitain demeure au cours des dernières semaines, malgré les mesures prises, encore particulièrement vigoureuse. Ainsi, à la date du 4 mai 2021, plus de 5.680.378 cas ont été confirmés positifs à la Covid-19, en augmentation de près de 24.371 dans les dernières vingt-quatre heures, le taux d'incidence national était encore de 223 cas pour 100 000 habitants au 3 mai contre 222 au 6 mars et 191 au 15 janvier, le taux de positivité des tests réalisés de 6,2% contre 6,62 % au 15 janvier. 79 120 décès de la Covid-19 à l'hôpital sont à déplorer au 2 mai 2021 depuis le début de l'année, en hausse de 243 cas en vingt-quatre heures. Pour faire face à cette situation d'urgence sanitaire, le gouvernement a fait le choix d'une politique qui cherche à casser la dynamique actuelle de progression du virus par la stricte limitation des déplacements de personnes hors de leur domicile durant une amplitude horaire et une durée suffisantes pour être efficace.

6. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, à la gravité persistante de la situation sanitaire, marquée par l'existence de risques importants pesant sur l'ensemble de la population à la suite de la très large diffusion du virus et de ses variants sur le territoire national et, d'autre part, à la tension toujours forte pesant sur le système de santé compte tenu des capacités de soins déjà mobilisées et susceptibles de l'être, aucun des moyens soulevés par le requérant n'est de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale portée aux libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de M. B... doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2021, n° 452158
Inédit au recueil Lebon
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Origine de la décision
Date de la décision : 05/05/2021
Date de l'import : 12/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 452158
Numéro NOR : CETATEXT000043491892 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-05-05;452158 ?
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