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30/04/2021 | FRANCE | N°440257

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 avril 2021, 440257


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 20 janvier 2020 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de M. A... B..., candidat à l'élection départementale uninominale partielle organisée dans la circonscription de Lodève les 30 juin et 7 juillet 2019. Par un jugement n° 20000436 du 24 mars 2020, le tribunal administratif a jugé que la CNCCFP avait jugé à

bon droit que M. B... n'avait pas déposé son compte de campagne et...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 20 janvier 2020 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de M. A... B..., candidat à l'élection départementale uninominale partielle organisée dans la circonscription de Lodève les 30 juin et 7 juillet 2019. Par un jugement n° 20000436 du 24 mars 2020, le tribunal administratif a jugé que la CNCCFP avait jugé à bon droit que M. B... n'avait pas déposé son compte de campagne et, en application de l'article L. 118-3 du code électoral, l'a déclaré inéligible pour une durée de douze mois.

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 25 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

- la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Brouchot, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que par une décision du 20 janvier 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M. A... B..., candidat aux élections qui se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2019 en vue de la désignation des conseillers départementaux du canton de Lodève (Hérault), n'avait pas déposé son compte de campagne. En application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Montpellier qui, par un jugement du 24 mars 2020, a déclaré M. B... inéligible pour une durée d'un an. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur le manquement à l'obligation de déposer un compte de campagne :

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le manquement à l'obligation de déposer un compte de campagne est constitué à la date à laquelle expire le délai imparti au candidat par l'article L. 52-12 du code électoral pour procéder à ce dépôt, délai qui est impératif et qui ne peut être prorogé.

3. Il résulte de l'instruction que M. B..., candidat uninominal dans la circonscription de Lodève ayant obtenu plus de 1 % des voix au premier tour du scrutin s'étant déroulé le 30 juin 2019 en vue de la désignation des conseillers départementaux, devait, en application des dispositions précitées, déposer son compte de campagne au plus tard le 6 septembre 2019 et qu'à cette date, la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques ne l'avait pas reçu. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait estimé à bon droit qu'il n'avait pas déposé de compte de campagne.

Sur l'inéligibilité :

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut prononcer l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. (...) Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut prononcer l'inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. (....) / L'inéligibilité prévue aux trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. (...) ".

5. Il appartient au juge de l'élection, pour apprécier s'il y a lieu de faire usage de la faculté donnée par ces dispositions de déclarer inéligible un candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et délai prescrits à l'article L. 52-12 du code électoral, de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. L'obligation de déposer un compte de campagne est une formalité substantielle dont l'omission constitue un manquement d'une particulière gravité, hormis le cas où le mandataire financier atteste de l'absence de toute recette et dépense. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a déclaré inéligible. Dans les circonstances de l'espèce, alors que M. B... produit un état des frais exposés durant sa campagne, qui s'élèvent à un montant total de 1 461,60 euros, occasionnés par des frais de déplacement, de repas et d'apéritif, dont l'intégralité a été prise en charge par lui-même et qu'il ne résulte de l'instruction ni que ces indications soient inexactes ni que le candidat ait commis d'autres irrégularités au regard des règles de financement des campagnes électorales que l'omission du dépôt de son compte, il y a lieu de ramener l'inéligibilité prononcée par le tribunal administratif à une durée de six mois. Dès lors, M. B... est fondé à demander que le jugement attaqué soit réformé sur ce point.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé son inéligibilité pour une durée supérieure à six mois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : M. B... est déclaré inéligible pour une durée de six mois à compter de la date de la présente décision.

Article 2 : Le jugement du 24 mars 2020 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie pour information en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 avr. 2021, n° 440257
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : BROUCHOT

Origine de la décision
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 30/04/2021
Date de l'import : 14/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 440257
Numéro NOR : CETATEXT000043466282 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-04-30;440257 ?
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