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28/04/2021 | FRANCE | N°445453

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 avril 2021, 445453


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 28 juillet 2020 refusant son intégration directe dans le corps des directeurs des services de greffe judiciaires ainsi que de l'arrêté du 30 juillet 2020 portant cessation de ses fonctions dans ce corps à compter du 1er septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intégrer dans le

corps et de lui proposer une affectation correspondant à son grad...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 28 juillet 2020 refusant son intégration directe dans le corps des directeurs des services de greffe judiciaires ainsi que de l'arrêté du 30 juillet 2020 portant cessation de ses fonctions dans ce corps à compter du 1er septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intégrer dans le corps et de lui proposer une affectation correspondant à son grade. Par une ordonnance n° 2003399 du 2 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 octobre et 3 novembre 2020 et le 8 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme B... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-631 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 2015-1273 du 13 octobre 2015 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin - Stoclet, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans que Mme B..., professeur de biotechnologies en lycée professionnel, détachée, à sa demande, pour une période d'un an à compter du 1er septembre 2019, dans le corps des directeurs des services de greffe judiciaires et affectée au tribunal judiciaire de Bourges, a demandé son intégration dans ce corps, ce qui lui a été refusé par une décision du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 28 juillet 2020 et notifiée le 15 août suivant. Par une décision du 30 juillet 2020, également notifiée le 15 août suivant, le garde sceaux, ministre de la justice, a indiqué à l'intéressée que son détachement dans ce corps prendrait fin à compter du 1er septembre 2020. Par une ordonnance du 2 octobre 2020 contre laquelle Mme B... se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, statuant sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de ces deux décisions.

Sur le pourvoi :

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. Pour rejeter la demande de Mme B... tendant à ce que soient suspendue l'exécution des deux décisions contestées, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a estimé qu'elle ne remplissait pas la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code justice administrative au motif qu'elle ne justifiait pas de " l'urgence qui s'attache à ce que sa requête au fond soit examinée par priorité aux requêtes plus anciennes de nombreux justiciables ". En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier concrètement si, compte tenu des éléments fournis par la requérante, les effets de l'acte litigieux étaient de nature à caractériser, eu égard à la situation de celle-ci ou aux intérêts qu'elle entendait défendre, une urgence justifiant la suspension de l'exécution des décisions dans l'attente de leur règlement au fond, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

6. Aux termes de l'article 29 du décret du 13 octobre 2015 portant statut particulier du corps des directeurs des services de greffe judiciaires : " Les fonctionnaires placés en position de détachement ou directement intégrés dans le corps des directeurs des services de greffe judiciaires sont respectivement soumis aux dispositions des titres II et III bis du décret du 16 septembre 1985 susvisé. / Les fonctionnaires détachés peuvent demander à être intégrés à tout moment dans le corps des directeurs des services de greffe judiciaires. Au-delà d'une période de détachement de cinq ans, ils se voient proposer une intégration dans ce corps ". Aux termes de l'article 39-1 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " L'intégration directe est prononcée par décision de l'autorité ayant pouvoir de nomination dans le corps auquel accède le fonctionnaire, après accord de l'administration d'origine et du fonctionnaire ".

7. En premier lieu, il ressort de l'instruction que la demande d'intégration dans le corps des directeurs de service de greffe judiciaires présentée par Mme B... a fait l'objet d'un avis défavorable émis le 16 juin 2020 par le président du tribunal judiciaire de Bourges, le procureur de la République près ce tribunal et le directeur du greffe. Par suite, en dépit de l'avis favorable émis le même jour par la présidente et le vice-président du conseil des prud'hommes et malgré la circonstance, à la supposer établie, que son détachement au greffe du tribunal judiciaire se serait déroulé dans un contexte conflictuel de nature à avoir influé sur les avis émis, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des actes attaqués.

8. En second lieu, n'est pas davantage de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des actes attaqués le moyen tiré de ce que ceux-ci ne répondraient pas à l'exigence de motivation résultant de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

9. Il résulte ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution des deux arrêtés qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 2 octobre 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 445453
Date de la décision : 28/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2021, n° 445453
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445453.20210428
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