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28/04/2021 | FRANCE | N°441537

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 avril 2021, 441537


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er juillet 2020 et le 7 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2020 du procureur général de la cour d'appel de Limoges prononçant à son encontre un avertissement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code d

e justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en s...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er juillet 2020 et le 7 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mai 2020 du procureur général de la cour d'appel de Limoges prononçant à son encontre un avertissement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... D..., auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 6 mai 2020, l'avocat général doyen, procureur général par intérim de la cour d'appel de Limoges, a infligé un avertissement à Mme A..., substitute du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Limoges, pour avoir manqué aux devoirs de l'état de magistrat, notamment aux devoirs de loyauté, de réserve, de dignité et de délicatesse envers ses collègues et pour avoir porté atteinte à l'image de l'institution judiciaire. Mme A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette décision.

2. Aux termes de l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 44 de la même ordonnance : " En dehors de toute action disciplinaire, l'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, les premiers présidents, les procureurs généraux et les directeurs ou chefs de service à l'administration centrale ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité. / Le magistrat à l'encontre duquel il est envisagé de délivrer un avertissement est convoqué à un entretien préalable. Dès sa convocation à cet entretien, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces justifiant la mise en oeuvre de cette procédure. Il est informé de son droit de se faire assister de la personne de son choix. / (...) / L'avertissement est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenu pendant cette période ". L'article 45 définit par ailleurs les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats.

3. S'il ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, un avertissement donné sur le fondement de l'article 44 de cette ordonnance présente le caractère d'une mesure prise en considération de la personne et est mentionné au dossier du magistrat duquel il n'est effacé automatiquement qu'en l'absence de nouvel avertissement ou de sanction disciplinaire dans les trois années suivantes. En vertu des dispositions précitées de l'article 44 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, le magistrat a droit, dès sa convocation à l'entretien préalable, à la communication de son dossier et des pièces justifiant la mise en oeuvre de la procédure susceptible de conduire au prononcé d'un avertissement.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., régulièrement convoquée par une lettre du 26 décembre 2019 pour un entretien préalable avec le procureur général par intérim de la cour d'appel de Limoges, fixé au 20 janvier 2020, a pu prendre connaissance des pièces figurant à son dossier le 10 janvier 2020. Si la requérante n'a reçu en main propre que le 20 janvier au matin, quelques heures seulement avant son entretien préalable, la copie de certaines des pièces qu'elle avait consultées le 10 janvier 2020, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature, en l'espèce, à avoir caractérisé une méconnaissance des droits de la défense. Par suite, le moyen tiré de ce que les droits de la défense auraient été méconnu doit être écarté.

5. En second lieu, l'avertissement contesté a été prononcé à raison, d'une part, de propos agressifs tenus par l'intéressée à l'égard de deux collègues magistrats, d'autre part, d'initiatives personnelles dans la réquisition de peines contraires aux orientations de politique pénale définies par le procureur de la République conduisant à des incohérences dans l'action du parquet, sans concertation avec ses collègues et sa hiérarchie, et, enfin, d'usages inappropriés des réseaux sociaux. Eu égard à ces faits, dont la matérialité n'est pas contestées par la requérante, l'avocat général doyen, procureur général par intérim n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus en estimant qu'ils caractérisaient un comportement constitutifs de la part de l'intéressée d'un manquement aux devoirs de son état, notamment au devoir de délicatesse à l'égard de ses collègues et au devoir de loyauté, et en lui infligeant, pour ce motif, un avertissement, à supposer même que, comme le soutient Mme A..., les faits en cause se seraient produits dans un environnement de travail très difficile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Madame C... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 441537
Date de la décision : 28/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2021, n° 441537
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Vaullerin
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441537.20210428
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