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23/04/2021 | FRANCE | N°451414

France | France, Conseil d'État, 23 avril 2021, 451414


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 14 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Madame C... Nicole B..., épouse A..., demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de dire contraires au préambule de la Constitution de 1958 et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales les dispositions des 1° et 2° de l'article 1er du décret n° 2020-162 du 22 décembre

2020 portant modification du code de déontologie des médecins et relatif à leur...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 14 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Madame C... Nicole B..., épouse A..., demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de dire contraires au préambule de la Constitution de 1958 et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales les dispositions des 1° et 2° de l'article 1er du décret n° 2020-162 du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des médecins et relatif à leur communication professionnelle, en ce qu'elles portent atteinte à la liberté d'expression des médecins ;

2°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de supprimer les dispositions de l'article 1er de ce décret en ce qu'il modifie les dispositions des articles R. 4127-13 et R. 4127-19-1 du code de la santé publique.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie ;

- les dispositions du décret contesté portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression des médecins ;

- les dispositions du décret contesté méconnaissent la liberté d'expression des médecins dès lors qu'elles sont rédigées en des termes flous, ne précisent pas la notion de " données confirmées ou étayées ", seules données autorisées à être divulguées par les médecins lorsqu'ils participent à une action d'information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, et laissent au Conseil national de l'ordre des médecins le soin d'en préciser le contenu ;

- l'atteinte à la liberté d'expression des médecins n'est pas justifiée par un objectif d'intérêt général, l'objet des dispositions du décret contesté étant de " museler " leur parole alors même qu'elle est d'intérêt général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2020-162 du 22 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture d'instruction serait fixée le 14 avril 2021 à 18 heures.

Considérant ce qui suit :

Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. Mme C... B..., épouse A..., demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de déclarer contraires au préambule de la Constitution de 1958 et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions des 1° et 2° de l'article 1er du décret du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des médecins et relatif à la communication professionnelle des médecins, en ce qu'elles portent atteinte à la liberté d'expression des médecins et d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de les supprimer en ce qu'elles ont modifié les dispositions des articles R. 4127-13 et R. 4127-19-1 du code de la santé publique.

3. Il n'appartient pas au juge des référés du Conseil d'Etat, compte tenu de son office, selon les termes de la requête, de " supprimer " les dispositions réglementaires contestées, c'est à dire soit de les annuler pour le passé, soit même de les abroger pour l'avenir. Toutefois, les conclusions dont il est saisi peuvent être regardées comme tendant à ce qu'il en suspende l'exécution.

4. Si la requérante fait valoir qu'une plainte ayant été déposée à son encontre par le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM), ce dernier " ne manquera pas d'appliquer ce décret dans toute ses composantes ", il ne lui appartient pas en tout état de cause de prononcer la sanction disciplinaire. En outre, il résulte de l'instruction que la plainte déposée le 22 février 2021 par le CNOM se rapporte à des propos tenus par l'intéressée à l'antenne d'une radio le 3 avril 2020 et dans un journal à grand tirage le 13 juin 2020. Il s'ensuit que les dispositions applicables en vigueur à la date des faits reprochés ne sont pas les dispositions nouvelles résultant du décret contesté du 22 décembre 2020. Par ailleurs, contrairement à ce qui est avancé, les dispositions contestées de l'article R. 4127-13 du code de la santé publique, en vertu desquelles le médecin qui participe à une action d'information du public " ne fait état que de données confirmées ", n'ont pas été introduites par le décret contesté mais figuraient déjà dans la version antérieure de cet article. Enfin, la requérante se borne à se prévaloir du " caractère vague [et] flou de la rédaction " des dispositions nouvelles critiquées. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du décret contesté porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression des médecins.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de Mme B... ne peut qu'être rejetée.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D... B..., épouse A..., au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 451414
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2021, n° 451414
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451414.20210423
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