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23/04/2021 | FRANCE | N°436282

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 23 avril 2021, 436282


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 436282, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 2019 et 16 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Séquestre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 septembre 2019, par lequel le ministre de l'intérieur a homologué, pour une durée de quatre ans, le circuit de vitesse d'Albi (Tarn), situé sur le territoire de la commune du Séquestre.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros au titre des

dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 436282, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 2019 et 16 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune du Séquestre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 septembre 2019, par lequel le ministre de l'intérieur a homologué, pour une durée de quatre ans, le circuit de vitesse d'Albi (Tarn), situé sur le territoire de la commune du Séquestre.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 436298, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 novembre 2019 et 13 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des riverains de l'autodrome Albi-Le Séquestre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 27 septembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 439699, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars et 16 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société DS Events demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même arrêté du 27 septembre 2019 en tant qu'il restreint les conditions d'exploitation du circuit de vitesse par rapport à l'arrêté du 17 septembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet, née le 27 janvier 2020, opposée par le ministre de l'intérieur à son recours gracieux déposé le 26 novembre 2019 aux fins de réformation de cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de publier, dans les meilleurs délais, un nouvel arrêté n'imposant pas à l'exploitant des conditions plus strictes que celles qu'édictait l'arrêté d'homologation du 17 septembre 2015 ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'examiner sans délai une nouvelle demande d'homologation du circuit ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du sport ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ;

- le décret n° 2017-1070 du 24 mai 2017 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

Le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

Les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 6 avril 2021, présentées par la commune du Séquestre.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 8 avril 2021, présentées par la société DS Events.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 septembre 2019, le ministre de l'intérieur a homologué le circuit de vitesse de la commune d'Albi, situé sur le territoire de la commune du Séquestre (Tarn), et fixé les conditions de son utilisation. La commune du Séquestre et l'association des riverains de l'autodrome Albi-Le Séquestre demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. La société DS Events, qui exploite ce circuit, demande l'annulation de certaines prescriptions de cet arrêté, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux tendant à la réformation de cet arrêté.

2. Ces requêtes sont dirigées contre le même acte. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le cadre juridique des litiges :

3. En vertu de l'article R. 331-35 du code du sport : " Tout circuit sur lequel se déroulent des compétitions, essais ou entraînements à la compétition et démonstrations doit faire l'objet d'une homologation préalable (...) ". Aux termes de l'article R. 331-37 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'homologation est accordée pour une durée de quatre ans : / 1° Par le ministre de l'intérieur, après visite sur place et avis de la commission nationale d'examen des circuits de vitesse, lorsque la vitesse des véhicules peut dépasser 200 km/h en un point quelconque du circuit (...) ".

Sur les conclusions de la commune du Séquestre et l'association des riverains de l'autodrome Albi-Le Séquestre tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué dans son ensemble :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 27 septembre 2019 :

4. En premier lieu, il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, que le délégué à la sécurité routière, placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur disposait, du fait de sa nomination et eu égard aux attributions de la délégation à la sécurité routière, de la compétence requise pour signer l'arrêté litigieux.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article A. 331-21-2 du code du sport : " (...) La demande de renouvellement est transmise deux mois avant la date de fin de validité de l'homologation. ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait, dès lors que la demande d'homologation a été présentée le 29 avril 2019, l'homologation antérieure expirant le 16 septembre 2019.

6. En troisième lieu, si la commune du Séquestre fait valoir que la Commission nationale d'examen des circuits de vitesse, chargée de donner un avis sur les demandes d'homologation de circuits de vitesse automobile, n'a pas pris en compte les nécessités de la tranquillité publique, en méconnaissance des exigences de l'article R. 331-9 du code du sport, il ressort tant du compte-rendu de la visite du circuit effectuée par la commission le 24 octobre 2018 que de celui de sa réunion du 26 septembre 2019 que la commission s'est prononcée sur cette question. Le moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, la circonstance que l'un des membres de la Commission nationale d'examen des circuits de vitesse n'ait pas participé à la visite du circuit est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué :

8. Aux termes de l'article R. 1336-6 du code de la santé publique : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. " Aux termes de l'article R. 1336-7 du même code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause./ Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en décibels pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ". Cet article a ainsi fixé, dans un but de santé et de tranquillité publiques, des valeurs limites à respecter en toute hypothèse en matière de bruit de voisinage, notamment par des activités sportives.

9. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 331-35 du code du sport et de celles de l'article R. 331-19 du même code, qui habilitent les fédérations sportives délégataires à déterminer les règles techniques et de sécurité applicables aux événements et aux sites de pratique relevant des disciplines pour lesquelles elles ont obtenu délégation, qu'il leur appartient d'édicter les règles générales relatives au bruit émis par les véhicules terrestres à moteur participant à des manifestations organisées dans des lieux non ouverts à la circulation publique et, le cas échéant, au ministre de l'intérieur ou au préfet, lors de la procédure d'homologation des circuits de vitesse et d'autorisation des concentrations et manifestations, de définir les conditions d'exercice spécifiques relatives au bruit produit par ces manifestations. En outre, il incombe à l'exploitant du circuit de veiller au respect des valeurs limites d'émergence fixées aux articles R. 1336-7 et R. 1336-8 du code de la santé publique. L'inobservation de ces dernières dispositions est susceptible de conduire l'autorité administrative compétente à prendre, en vertu de l'article R. 1336-11 du même code, une ou plusieurs des mesures prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement.

10. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article R. 1336-6 du code de la santé publique, dont le ministre n'était pas tenu, à peine d'illégalité, de rappeler l'existence ou la teneur dans l'arrêté contesté, s'imposent à l'exploitant du circuit homologué. L'arrêté attaqué impose, afin de préserver la tranquillité publique, des prescriptions particulières relatives à l'utilisation du circuit, notamment à ses horaires et à ses jours d'ouverture, au niveau sonore maximal entraîné par les véhicules, ainsi qu'aux modalités de mesure et de contrôle des émissions sonores des véhicules mesurés à la source et en mode dynamique. Il exige en outre la réalisation, dans un délai de 12 mois, d'une part, d'un écran anti-bruit le long d'une partie du circuit, d'autre part, d'une étude de conception et de réalisation de dispositifs adaptés servant de boucliers acoustiques pour les zones exposées au sud du circuit. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêté autoriserait le circuit à fonctionner dans des conditions qui conduiraient, de façon structurelle, au non-respect des valeurs limites d'émergence fixées aux articles R. 1336-7 et R. 1336-8 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'homologation aurait méconnu les dispositions des articles R. 1336-6 et R. 1336-7 et R. 1336-8 du code de la santé publique doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les prescriptions de sécurité émises lors de l'instruction de la demande d'homologation n'auraient pas été réalisées en ce qui concerne les activités autorisées.

12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre ait commis une erreur d'appréciation en fixant les prescriptions qu'il a imposées pour permettre d'assurer la préservation de la tranquillité publique.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Séquestre et l'association des riverains de l'autodrome Albi-Le Séquestre et la société DS Events ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté qu'elles attaquent.

Sur les conclusions de la société DS Events tendant à l'annulation partielle de l'arrêté du 27 septembre 2019 et à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux et sur ses conclusions à fins d'injonction.

14. En premier lieu, la circonstance que les procès-verbaux définitifs des réunions de la Commission nationale des circuits de vitesse des 5 et 26 septembre 2019 n'aient été approuvés que lors d'une réunion ultérieure de cette commission est sans incidence sur le respect des dispositions de l'article R. 331-37 du code du sport, dès lors que le ministre a disposé de l'avis de celle-ci avant d'adopter l'arrêté attaqué.

15. En deuxième lieu, la société DS Events ne saurait utilement invoquer l'absence de circonstances de fait nouvelles depuis la précédente décision d'homologation pour contester les prescriptions et règles d'utilisation dont l'arrêté attaqué est assorti.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du préfet du Tarn du 17 juillet 2019 et de l'étude d'impact du 17 septembre 2019, que le fonctionnement du circuit entraînait des nuisances sonores importantes qu'il convenait de corriger. En imposant, parmi les prescriptions mentionnées au point 10, une limitation des horaires et des jours d'ouverture du circuit plus stricte que celle qui avait été fixée par son précédent arrêté d'homologation, l'interdiction de la pratique dite du " drift ", ainsi que la réalisation d'un mur anti-bruit de quatre mètres de haut plutôt que de trois mètres de haut et d'une étude relative à des dispositifs adaptés servant de boucliers acoustiques, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

17. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions de la société DS Events tendant à l'annulation partielle de l'arrêté du 27 septembre 2019 et à l'annulation de la décision implicite de rejet du recours gracieux et ses conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instante, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la commune du Séquestre, de l'association des riverains de l'autodrome Albi-Le Séquestre et de la société DS Events sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société DS Events sous le n° 436282 tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2019 en tant qu'il restreint les conditions d'exploitation du circuit de vitesse par rapport à l'arrêté du 17 septembre 2015, et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Tarn d'adopter un nouvel arrêté ou d'examiner une nouvelle demande d'homologation du circuit, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune du Séquestre, à l'association des riverains de l'autodrome Albi-Le Séquestre, à la société DS Events et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 436282
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2021, n° 436282
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436282.20210423
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