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16/04/2021 | FRANCE | N°434131

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 16 avril 2021, 434131


Vu la procédure suivante :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Reillanne a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 août 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a enjoint de mettre en conformité l'étiquetage de ses bouteilles de vin avec les prescriptions du code de la consommation.

Par un jugement n° 1503551 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision.

Par un

arrêt n° 18MA01952 du 1er juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marse...

Vu la procédure suivante :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Reillanne a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 août 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a enjoint de mettre en conformité l'étiquetage de ses bouteilles de vin avec les prescriptions du code de la consommation.

Par un jugement n° 1503551 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 18MA01952 du 1er juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du ministre de l'économie et des finances, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Château Reillanne devant le tribunal administratif de Toulon.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre et 29 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Château Reillanne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la consommation ;

- le décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de la société Château Reillanne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une décision du 7 août 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a enjoint à la société Château Reillanne de se mettre en conformité avec la règlementation en modifiant l'étiquetage de ses bouteilles de vin par la suppression des mentions " Château du Haut Rayol " et " Château Marouine ". Par un jugement du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à la demande d'annulation de cette décision présentée par la société Château Reillanne. Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du ministre de l'économie et des finances, annulé ce jugement et rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 6 du décret du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques oenologiques : " Au sens du présent décret, l'exploitation vitivinicole consiste en une entité déterminée constituée de parcelles viticoles, de bâtiments et équipements particuliers, et disposant pour la vinification et la conservation du vin d'une cuverie particulière individualisée ou identifiée au sein d'une cave coopérative de vinification dont elle fait partie. / Seuls les vins figurant au titre de la déclaration de récolte et au titre de la déclaration de production de l'exploitant, au sens des articles 8 et 9 du règlement du 26 mai 2009 susvisé, peuvent bénéficier du nom de l'exploitation ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Les mentions : "château", "clos", "cru" et "hospices" sont réservées aux vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée lorsque les vins sont issus de raisins récoltés sur les parcelles d'une exploitation ainsi dénommée et vinifiés dans cette exploitation. (...) ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " En cas de création d'une nouvelle exploitation viticole par réunion de plusieurs exploitations viticoles répondant aux conditions ci-dessus, le nom de chaque exploitation, précédé par un des termes susvisés sous lequel tout ou partie de la production a été antérieurement mise en marché, peut continuer à être utilisé. / Dans ce cas, les raisins sont vinifiés : / a) Soit dans chacune des anciennes exploitations viticoles ; / b) Soit séparément dans les bâtiments de l'une d'elles ou dans les bâtiments propres à l'exploitation résultant du regroupement. / Pour les vins issus de la nouvelle exploitation telle que définie ci-dessus, l'emploi du nom des anciennes exploitations ainsi regroupées exclut l'utilisation d'un nouveau nom de ladite exploitation ".

3. Il résulte des termes mêmes de l'article 6 du décret du 4 mai 2012 cité au point 2 ci-dessus qu'une exploitation viticole s'entend d'une entité disposant de parcelles viticoles, qu'elle en soit propriétaire ou locataire dans le cadre d'un bail rural, de bâtiments et équipements particuliers et, pour la vinification et la conservation du vin, d'une cuverie particulière individualisée ou identifiée au sein d'une cave coopérative. Il résulte des dispositions de l'article 8 du même décret que, pour que soit caractérisée une réunion d'exploitations, permettant à la nouvelle entité de continuer à utiliser les noms des anciennes exploitations, dès lors que ces noms étaient utilisés antérieurement pour la commercialisation de tout ou partie de la production de chacune de ces anciennes exploitations, d'une part, ces anciennes exploitations doivent encore remplir, à la date de la réunion, les conditions posées à l'article 6, d'autre part, la nouvelle entité doit elle-même remplir ces conditions, reprendre l'ensemble de l'activité viticole des anciennes exploitations et de leurs parcelles demeurant affectées à cette activité, et continuer à assurer une vinification séparée du raisin par nom d'exploitation, ce qu'elle peut cependant faire, aux termes mêmes de l'article 8, soit dans les bâtiments de chacune des exploitations regroupées, soit dans les bâtiments de l'une d'elles, soit dans les bâtiments de la nouvelle exploitation. Il en découle qu'une telle réunion d'exploitations n'exige pas nécessairement la reprise, par l'entité nouvelle, des bâtiments et équipements des anciennes exploitations.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les vignobles appartenant aux groupements fonciers agricoles du Rayol, d'une part, et J.E. Bouchez, d'autre part, avaient été antérieurement exploités pour produire, respectivement, un vin nommé " Mas du Haut-Rayol " et un vin nommé " Château Marouine ". Pour juger que la société Château Reillanne, qui avait pris à bail les parcelles constituant ces vignobles, ne pouvait continuer à utiliser ces noms de vins, la cour s'est fondée sur le motif tiré de ce que cette prise à bail, faute d'emporter également le transfert de bâtiments et équipements des exploitations en cause, ne pouvait être qualifiée de réunion d'exploitations au sens de l'article 8 du décret du 4 mai 2012. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que, ce faisant, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Château Reillanne est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Château Reillanne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 1er juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Château Reillanne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile d'exploitation agricole Château Reillanne et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 434131
Date de la décision : 16/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 AGRICULTURE ET FORÊTS. EXPLOITATIONS AGRICOLES. CUMULS ET CONTRÔLE DES STRUCTURES. - RÉUNION D'EXPLOITATIONS VITICOLES PERMETTANT L'UTILISATION DES NOMS DES ANCIENNES EXPLOITATIONS - CONDITIONS [RJ1] - EXCLUSION - REPRISE PAR L'ENTITÉ NOUVELLE DES BÂTIMENTS ET ÉQUIPEMENTS DES ANCIENNES EXPLOITATIONS.

03-03-03 Il résulte des termes mêmes de l'article 6 du décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 qu'une exploitation viticole s'entend d'une entité disposant de parcelles viticoles, qu'elle en soit propriétaire ou locataire dans le cadre d'un bail rural, de bâtiments et équipements particuliers et, pour la vinification et la conservation du vin, d'une cuverie particulière individualisée ou identifiée au sein d'une cave coopérative.,,Il résulte de l'article 8 du même décret que, pour que soit caractérisée une réunion d'exploitations, permettant à la nouvelle entité de continuer à utiliser les noms des anciennes exploitations, dès lors que ces noms étaient utilisés antérieurement pour la commercialisation de tout ou partie de la production de chacune de ces anciennes exploitations, d'une part ces anciennes exploitations doivent encore remplir, à la date de la réunion, les conditions posées à l'article 6. D'autre part la nouvelle entité doit elle-même remplir ces conditions, reprendre l'ensemble de l'activité viticole des anciennes exploitations et de leurs parcelles demeurant affectées à cette activité, et continuer à assurer une vinification séparée du raisin par nom d'exploitation. Elle peut cependant le faire, aux termes mêmes de l'article 8, soit dans les bâtiments de chacune des exploitations regroupées, soit dans les bâtiments de l'une d'elles, soit dans les bâtiments de la nouvelle exploitation.,,Il en découle qu'une telle réunion d'exploitations n'exige pas nécessairement la reprise, par l'entité nouvelle, des bâtiments et équipements des anciennes exploitations.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJCE, 29 juin 1994, Claire,, née,et François,contre Château de Calce SCI et Coopérative de Calce, aff. C-403/92, Rec. p. I-02961.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2021, n° 434131
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Le Coq
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434131.20210416
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