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07/04/2021 | FRANCE | N°432692

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 07 avril 2021, 432692


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 432692, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet 2019 et 18 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles, l'association APF France Handicap, l'Association des directeurs au service des personnes âgées et l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-457 du 15 mai 2019 re

latif à la répartition et l'utilisation des crédits mentionnés au IX de l'ar...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 432692, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet 2019 et 18 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles, l'association APF France Handicap, l'Association des directeurs au service des personnes âgées et l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-457 du 15 mai 2019 relatif à la répartition et l'utilisation des crédits mentionnés au IX de l'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 visant à la préfiguration d'un nouveau modèle de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacune d'elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 435859, par une requête, enregistrée le 8 novembre 2019, le syndicat SYNERPA - Confédération nationale des acteurs privés du parcours de la personne âgée et le syndicat SYNERPA Domicile demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret et la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur recours gracieux contre ce décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 ;

- la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les services qui apportent aux personnes âgées ou aux personnes handicapées, à domicile, une assistance dans les actes quotidiens de la vie ou une aide à l'insertion sociale sont des services sociaux au sens de ce code et doivent, à ce titre, en vertu des articles L. 313-1 et L. 313-3 du même code, faire l'objet d'une autorisation, délivrée par le président du conseil départemental. En vertu de l'article L. 313-6 de ce code, cette autorisation vaut, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale. S'ils sont ainsi habilités, les prestations de ces services font l'objet d'une tarification arrêtée chaque année par le président du conseil départemental en vertu du II de l'article L. 314-1 du même code. L'article L. 313-1-2 de ce code précise que si, en revanche, un service d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 ne détient pas l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, il doit, pour intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, y être autorisé spécifiquement. Dans ce cas, en vertu de l'article L. 347-1 du même code, les prix des prestations sont librement fixés lors de la signature du contrat conclu entre le service et le bénéficiaire, puis varient dans la limite d'un pourcentage fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et des finances, des personnes âgées et de l'autonomie.

2. Le IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a prévu que, pour l'année 2019, dans des conditions définies par voie réglementaire, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie contribue à la réforme du financement des services qui apportent au domicile des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes handicapées une assistance dans les actes quotidiens de la vie, dans la limite de 50 millions d'euros prélevés sur ses ressources. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles et trois autres associations, d'une part, et les syndicats SYNERPA - Confédération nationale des acteurs privés du parcours de la personne âgée et SYNERPA Domicile, d'autre part, demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 mai 2019 relatif à la répartition et l'utilisation des crédits mentionnés au IX de l'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 visant à la préfiguration d'un nouveau modèle de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales : " Le Conseil national d'évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. / Il est également consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être regardées comme des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics soit les normes qui les concernent spécifiquement ou principalement, soit les normes qui affectent de façon significative leurs compétences, leur organisation, leur fonctionnement ou leurs finances.

4. En vertu de l'article R. 1213-27 du même code, les projets de texte réglementaire soumis au Conseil national d'évaluation des normes " sont accompagnés d'un rapport de présentation et d'une fiche d'impact faisant apparaître les incidences techniques et les incidences financières, quelles qu'elles soient, des mesures proposées pour les collectivités territoriales ".

5. Il ressort des pièces des dossiers que le Conseil national d'évaluation des normes a été consulté avant l'édiction du décret attaqué et a émis, le 7 mars 2019, un avis favorable, qui mentionne qu'il a été rendu au vu de la fiche d'impact qui lui a été préalablement adressée. La fiche d'impact présente, de façon suffisamment complète et exacte, les incidences techniques et financières des mesures envisagées pour les départements. Enfin, la circonstance que le Conseil national d'évaluation des normes se soit prononcé par une même délibération sur plusieurs projets de texte et n'ait pas motivé l'avis rendu sur le projet de décret, qu'il a inscrit en section II de son ordre du jour au motif qu'il ne présentait " pas de difficultés particulières d'application pour les collectivités territoriales au regard des impacts techniques et financiers renseignés dans les fiches d'impact ", n'entache pas d'irrégularité sa consultation. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la consultation du Conseil national d'évaluation des normes serait irrégulière.

6. En deuxième lieu, en vertu du II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des établissements et services relevant des catégories mentionnées au présent article, à l'exception du 12° du I, sont définies par décret après avis de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 312-3 du même code : " La section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale est consultée par le ministre chargé des affaires sociales sur les problèmes communs aux établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1, notamment sur les questions concernant leur fonctionnement administratif et financier ".

7. D'une part, les conditions auxquelles sont soumises la répartition et l'utilisation des crédits supplémentaires prévus au profit des services d'aide et d'accompagnement à domicile par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, dans la perspective de la réforme du financement de ces services, ne relèvent pas des conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. D'autre part, le décret attaqué, applicable aux seuls services d'aide et d'accompagnement à domicile, mentionnés aux 6° et 7° du I du même article L. 312-1, ne peut être regardé comme portant sur des problèmes communs, au sens de l'article L. 312-3 du même code, aux établissements et services mentionnés par l'article L. 312-1. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué aurait dû être précédé de la consultation de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale.

8. L'absence de consultation obligatoire de cet organisme ne faisait pas obstacle à ce que le Gouvernement décide, comme en l'espèce, de lui transmettre le projet de texte pour information, sans qu'il soit procédé à un vote. Par suite, les associations requérantes ne sont pas davantage fondées à soutenir que cette information constituerait une consultation facultative du Comité, entachée d'irrégularité du fait de l'absence de vote.

9. En troisième lieu, la circonstance que le décret attaqué ne vise pas l'information du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale ni la consultation du Conseil national consultatif des personnes handicapées est sans incidence sur sa légalité.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne le respect du IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 :

10. Aux termes du IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 : " Pour l'année 2019, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie contribue à la réforme du financement des services qui apportent au domicile des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes handicapées une assistance dans les actes quotidiens de la vie dans la limite de 50 millions d'euros prélevés sur ses ressources et dans des conditions définies par voie réglementaire. (...) ". Le décret attaqué a été pris pour définir ces conditions.

11. D'une part, ces dispositions ne font pas de distinction selon que les services d'aide et d'accompagnement à la personne sont ou non habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, en vertu de l'article L. 313-6 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le décret attaqué ne les a pas méconnues en prévoyant que les crédits répartis entre les départements sur leur fondement peuvent être attribués par ces collectivités, dans les conditions qu'il précise, tant à des services habilités qu'à des services non habilités mais seulement autorisés, en vertu de l'article L. 313-1-2 du même code, à intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap.

12. D'autre part, si ces dispositions prévoient que l'enveloppe de crédits considérée est prélevée " pour l'année 2019 " sur les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie afin de contribuer à la réforme du financement des services d'aide et d'accompagnement à la personne, elles ne font pas obstacle, alors d'ailleurs qu'une nouvelle contribution de cette caisse de même importance a été prévue pour 2020 par l'article 25 de la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, à ce que les départements attribuent ces crédits au titre d'engagements pris par ces services dans un cadre pluriannuel, au-delà du seul exercice 2019. Par suite, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué fixerait des règles s'appliquant au-delà de l'année 2019 en méconnaissance du IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018.

En ce qui concerne le respect des dispositions du code de l'action sociale et des familles applicables à l'ensemble des services d'aide et d'accompagnement à domicile :

13. En premier lieu, le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles les services d'aide et d'accompagnement à domicile qui peuvent intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap peuvent percevoir, directement du département, la part de ces prestations destinée à les rémunérer, en vertu des dispositions respectives des articles L. 232-15 et L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles, non plus que les montants versés par les départements au titre de ces allocations. Par suite, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives à ces allocations. Elles ne sont pas davantage fondées à soutenir qu'il permettrait aux départements de décider de conditions et de montants moins favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables à ces prestations légales, en méconnaissance des articles L. 121-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les services d'aide et d'accompagnement à domicile autorisés relevant des 1°, 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 peuvent conclure avec le président du conseil départemental, dans les conditions prévues à l'article L. 313-11, un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens dans le but de favoriser la structuration territoriale de l'offre d'aide à domicile et la mise en oeuvre de leurs missions au service du public. (...) ".

15. Le II de l'article 4 du décret attaqué prévoit que les crédits attribués par les départements aux services d'aide et d'accompagnement à domicile au titre du IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 leur sont versés en contrepartie de la conclusion d'un tel contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ou d'un avenant à un tel contrat, remplissant les conditions prévues au III du même article.

16. Tout d'abord, les services d'aide et d'accompagnement à domicile sont libres de se porter ou non candidats à l'octroi de ces crédits, qui sont attribués en complément des financements existants sans s'y substituer et dont le IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 n'impose pas qu'ils bénéficient à l'ensemble des services existants. Le décret attaqué ne peut dès lors être regardé comme rendant obligatoire la conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Par suite, le pouvoir réglementaire, qui n'a pas excédé sa compétence, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-1 du code de l'action sociale et des familles non plus que celles de l'article L. 313-1-2 du même code qui envisagent la conclusion " le cas échéant " d'un tel contrat avec un service autorisé à intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap.

17. Ensuite, ainsi qu'il a été dit au point 12, le IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 n'interdisait pas au pouvoir réglementaire de subordonner à des engagements pluriannuels des services bénéficiaires l'attribution des crédits que ces dispositions prévoient. Par suite, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le caractère nécessairement pluriannuel des contrats d'objectifs et de moyens.

18. Enfin, si le décret attaqué rappelle, au 2 du I de son annexe 1, certaines des mentions que les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens doivent comporter, il n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions de l'article L. 313-11-1 du code de l'action sociale et des familles qui déterminent les mentions que comportent obligatoirement ces contrats et dont tous les items s'appliquent aux contrats conclus pour l'application du décret attaqué, y compris ses 6° et 7° relatifs aux modalités de participation aux actions de prévention de la perte d'autonomie et à l'optimisation des parcours de soins des personnes âgées et aux objectifs de qualification et de promotion professionnelles. Les organisations requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

En ce qui concerne le respect des dispositions du code de l'action sociale et des familles propres aux services d'aide et d'accompagnement à domicile habilités à l'aide sociale :

19. En vertu du II de l'article L. 314-1 du code de l'action sociale et des familles, les prestations fournies par les services d'aide et d'accompagnement à domicile qui sont, en application de l'article L. 313-6 du code de l'action sociale et des familles, habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, font l'objet d'une tarification " arrêtée chaque année par le président du conseil départemental ". En vertu des articles R. 314-130 à R. 134-136 du même code, celui-ci fixe les tarifs horaires des différents intervenants de façon à couvrir l'ensemble des dépenses afférentes à leur rémunération et des coûts de structure et de coordination de ces services dont il accepte la prise en charge.

20. Les dispositions du IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 visent à permettre l'allocation de ressources supplémentaires aux services d'aide et d'accompagnement à domicile. S'agissant des services habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, les dispositions du décret attaqué n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles de leur tarification, telles qu'elles résultent des dispositions rappelées ci-dessus et de celles de l'article L. 313-11 du code de l'action sociale et des familles en cas de conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens, mais seulement de leur permettre de disposer de moyens supplémentaires pour atteindre des objectifs fixés par un tel contrat, ainsi que le prévoient les dispositions de cet article L. 313-11. Par suite, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les règles régissant la tarification des services d'aide et d'accompagnement à domicile habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale.

En ce qui concerne le respect des dispositions du code de l'action sociale et des familles propres aux services d'aide et d'accompagnement à domicile non habilités à l'aide sociale :

21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles : " Pour intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-1 et de la prestation de compensation du handicap mentionnée à l'article L. 245-1, un service d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 doit y être autorisé spécifiquement s'il n'est pas détenteur de l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale mentionnée à l'article L. 313-6. (...) / Tout service autorisé dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article a l'obligation d'accueillir, dans la limite de sa spécialité et de sa zone d'intervention autorisée, toute personne bénéficiaire des prestations mentionnées au même premier alinéa qui s'adresse à lui, dans des conditions précisées, le cas échéant, par un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu dans les conditions prévues à l'article L. 313-11-1 ". Si le décret attaqué prévoit que le profil des personnes prises en charge fait partie des éléments sur lesquels reposent les critères de sélection des services candidats au financement prévu par la loi du 22 décembre 2018 et au regard desquels sont définis les objectifs sur lesquels ils s'engagent pour en bénéficier, il vise seulement à mieux tenir compte des situations complexes. En particulier, il ne remet aucunement en cause l'obligation, pour les services autorisés à intervenir auprès des bénéficiaires de ces prestations, d'accueillir toute personne bénéficiaire de l'aide personnalisée à l'autonomie et de la prestation de compensation du handicap qui s'adresse à lui. Par suite, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait ces dispositions.

22. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 347-1 du code de l'action sociale et des familles : " Dans les services d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 qui ne sont pas habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, les prix des prestations de service sont librement fixés lors de la signature du contrat conclu entre le prestataire de service et le bénéficiaire. (...) / Les prix des prestations contractuelles varient ensuite dans la limite d'un pourcentage fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et des finances, des personnes âgées et de l'autonomie compte tenu de l'évolution des salaires et du coût des services. (...) ".

23. L'article 4 du décret attaqué subordonne l'octroi des crédits prévus par le IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 à la conclusion, sur le fondement de l'article L. 313-11-1 du code de l'action sociale et des familles, d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ou d'un avenant à un tel contrat, qui doit prévoir, pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile non habilités à l'aide sociale, " les modalités d'encadrement du prix facturé à leurs bénéficiaires ". La dotation versée par le département à ces services est fixée lors de la conclusion du contrat ou de l'avenant au regard de ces modalités d'encadrement et des engagements pris sur des objectifs tenant au profil des personnes prises en charge, à l'amplitude horaire d'intervention et aux caractéristiques du territoire d'intervention.

24. D'une part, par le IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018, le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin d'encadrer les conditions dans lesquelles les services d'aide et d'accompagnement à domicile peuvent bénéficier des crédits qu'il a prévus, prélevés sur les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, afin de contribuer à la réforme de leur financement. Le décret attaqué, conformément aux prévisions de la loi, prévoit un financement destiné à abonder les autres recettes de ces services, pour les inciter financièrement à s'engager sur certains objectifs et, lorsqu'ils ne sont pas habilités, à limiter les prix facturés à leurs bénéficiaires, chaque service restant libre de se porter candidat ou non à l'obtention de ces financements et, ainsi, de s'engager à limiter les prix facturés. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait la liberté tarifaire reconnue par la loi aux services non habilités, non plus que le principe de liberté du commerce et de l'industrie.

25. D'autre part, compte tenu de l'objectif d'accessibilité financière des services d'aide à la personne poursuivi par les dispositions de la loi du 22 décembre 2018, qui entendent préparer la réforme de leur financement, le décret attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne se borne pas à prévoir que les engagements pris par les services d'aide et d'accompagnement à domicile non habilités à l'aide sociale ne peuvent conduire à l'augmentation du reste à charge des personnes qu'ils accompagnent, mais subordonne l'octroi des crédits dont il organise le versement à la condition que le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu entre le département et le service précise les modalités d'encadrement des prix facturés à ces personnes.

26. En dernier lieu, en vertu des dispositions du code de l'action sociale et des familles, les prestations des services qui ne sont pas habilités à accueillir des bénéficiaires de l'aide sociale ne font pas l'objet d'une tarification du président du conseil départemental.

27. Toutefois, d'une part, quelle que soit la qualification des sommes considérées pour l'application de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles relatif au contentieux de la tarification sanitaire et sociale, le décret attaqué pouvait légalement prévoir, alors même que ces services ne font pas l'objet d'une tarification, l'allocation de financements par le département, ainsi que le prévoit l'article L. 313-11-1 du code de l'action sociale et des familles pour tout service d'aide et d'accompagnement à domicile concluant un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec le président du conseil départemental. Par suite, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait, pour ce motif, les règles régissant la tarification des services d'aide et d'accompagnement à domicile.

28. D'autre part, si le décret attaqué prévoit à son annexe 1 que " les dialogues de gestion annuels permettent de vérifier l'atteinte des objectifs de service et d'activité et d'ajuster les dotations correspondantes allouées " et que " dans le cadre du dialogue de gestion, des indicateurs de résultat et de performance doivent être prévus ", aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à ce qu'il précise que l'évaluation des actions conduites, dont les critères et le calendrier doivent, en vertu de l'article L. 313-11-1 du code de l'action sociale et des familles, être prévus par le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, prendrait la forme d'un dialogue de gestion.

En ce qui concerne le respect du principe d'égalité :

29. En premier lieu, il résulte des articles 1er et 2 du décret attaqué que si tous les départements sont également éligibles à la répartition des crédits mentionnés au IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018, au prorata du nombre d'heures " d'aide humaine " réalisées en 2017 sur leur territoire par les services d'aide et d'accompagnement à domicile aux titres de l'aide à domicile, de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie verse ces crédits aux seuls départements qui lui ont communiqué ce nombre dans un délai de trente jours à compter de la publication du décret. La mise en oeuvre des dispositions du décret est ainsi subordonnée au choix des départements de solliciter le bénéfice d'un tel versement, comme d'ailleurs, ensuite, de lancer un appel à candidatures en vue de l'attribution des crédits aux services d'aide et d'accompagnement à domicile.

30. Toutefois, les dispositions du décret attaqué sont sans incidence sur les obligations qui incombent aux départements pour le service de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, de même que des prestations légales d'aide sociale au titre de l'aide à domicile des personnes âgées de soixante-cinq ans privées de ressources suffisantes et des personnes handicapées, prévues par les articles L. 113-1, L. 231-1 et L. 241-1 du code de l'action sociale et des familles. Prévoyant seulement l'attribution de crédits supplémentaires par les départements, dans la limite de l'enveloppe fixée par le législateur, dans un domaine dans lequel la loi prévoit qu'ils peuvent décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables, le décret attaqué ne peut être regardé comme portant une atteinte illégale au principe d'égalité devant la loi.

31. En deuxième lieu, il résulte de l'article 4 et de l'annexe 1 du décret attaqué que les crédits ouverts par le IX de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 sont attribués aux services d'aide et d'accompagnement à domicile en complément de l'ensemble des recettes qu'ils perçoivent par ailleurs - au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, ainsi que, pour les services habilités, de l'aide sociale légale - en contrepartie d'engagements spécifiques de leur part, retracés dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. S'agissant en particulier des services habilités à l'aide sociale, ces crédits n'ont pas vocation à se substituer à la participation du bénéficiaire de la prestation en l'absence d'admission à l'aide sociale, mais ne peuvent non plus se substituer au tarif arrêté par le président du conseil départemental au titre de l'aide sociale légale, ni réduire ce tarif. S'agissant des services non habilités à l'aide sociale, si la dotation complémentaire est subordonnée à une condition spécifique, tenant à l'encadrement des prix facturés, celle-ci découle directement de ce que seuls les services non habilités sont libres de fixer leurs tarifs et le décret n'impose pas que ces prix soient fixés au même niveau que les tarifs fixés par le président du conseil départemental pour les services habilités. La différence de traitement opérée par le décret attaqué est en tout état de cause en rapport direct avec l'objet du décret, consistant à améliorer l'accès à ces services pour leurs bénéficiaires, et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation existant entre services, selon qu'ils sont ou non habilités à l'aide sociale. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité entre les services.

32. En dernier lieu, si le reste à charge des bénéficiaires qui ont recours à un service non habilité est plus élevé que celui des bénéficiaires qui ont recours aux prestations d'un service habilité, cette situation ne résulte pas du décret attaqué, qui vise au contraire, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, à diminuer le reste à charge des personnes recourant aux prestations de services non habilités, mais des dispositions précitées de l'article L. 347-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité entre les usagers, selon le service auquel ils ont recours, ni qu'il serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 14-10-1 du code de l'action sociale et des familles, qui impose à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, d'exercer ses missions dans le " respect de l'égalité de traitement des personnes concernées sur l'ensemble du territoire ".

En ce qui concerne les autres moyens :

33. En premier lieu, aux termes de l'article 37-1 de la Constitution : " La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ". La circonstance que les dispositions du décret attaqué ont un objet et une durée limités ne suffit pas à leur conférer, en l'absence de toute disposition expresse en ce sens, le caractère d'une expérimentation au sens de l'article 37-1 de la Constitution. Par suite, les organisations requérantes ne peuvent utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les principes régissant le recours à l'expérimentation.

34. En second lieu, le décret attaqué, dont les dispositions ne sont ni imprécises ni équivoques, ne peut être regardé comme méconnaissant l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.

35. Il résulte de tout ce qui précède que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent, non plus que de la décision par laquelle le Premier ministre a rejeté leur recours gracieux formé contre ce texte. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles et des autres requérantes et celle des syndicats SYNERPA - Confédération nationale des acteurs privés du parcours de la personne âgée et SYNERPA Domicile sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles, mandataire unique désignée, pour l'ensemble des organisations requérantes ayant présenté la requête n° 432692, au syndicat SYNERPA - Confédération nationale des acteurs privés du parcours de la personne âgée, premier dénommé, pour les deux syndicats requérants ayant présenté la requête n° 435859 et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 432692
Date de la décision : 07/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2021, n° 432692
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:432692.20210407
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