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02/04/2021 | FRANCE | N°445989

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 02 avril 2021, 445989


Vu la procédure suivante :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 à Uturoa, île de Raiatea (îles sous le Vent) en vue de l'élection des conseillers municipaux et de suspendre le mandat de M. P... H... et de ses colistiers.

Par un jugement n°2000431 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé ces opérations électorales et rejeté le surplus des conclusions de la protestation.

Par une requête et deux mémoires

en réplique, enregistrés le 6 novembre 2020, le 5 et le 9 mars 2021 au secrétariat du ...

Vu la procédure suivante :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 à Uturoa, île de Raiatea (îles sous le Vent) en vue de l'élection des conseillers municipaux et de suspendre le mandat de M. P... H... et de ses colistiers.

Par un jugement n°2000431 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé ces opérations électorales et rejeté le surplus des conclusions de la protestation.

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 6 novembre 2020, le 5 et le 9 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule les opérations électorales du 28 juin 2020 ;

2°) de rejeter la protestation de Mme G....

M. H... soutient que :

- à supposer même que le tribunal administratif ait retenu à bon droit que dix procurations étaient irrégulières, c'est à tort qu'il en a déduit que les opérations électorales devaient être annulées au motif que les deux listes restant en lice au second tour se trouveraient à égalité de voix, alors que le retranchement de dix voix des suffrages exprimés et de ceux recueillis par chacune des listes ne modifie pas le résultat du scrutin ;

- c'est à tort et à tout le moins par une motivation insuffisante que le tribunal administratif a annulé les opérations électorales du second tour sans tenir compte de ce que la moyenne d'âge des candidats de la liste qu'il conduisait était plus élevée que celle des candidats de la liste conduite par Mme G... ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré, par un jugement insuffisamment motivé et alors qu'il aurait dû diligenter une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, que les quatre procurations établies pour le compte de Mme M..., M. J..., M. A... I... et M. N... étaient irrégulières faute de comporter le nom, la qualité, le cachet ou le visa de l'autorité devant laquelle elles avaient été établies ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré, par un jugement insuffisamment motivé et en retenant un argument inopérant, que six volets de procuration destinés à la mairie étaient irréguliers faute d'être revêtus de la signature des mandants ou d'un paraphe identifiable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 10 et 11 mars 2021, présentées par M. H... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme E... C..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. H... et à Me Bertrand, avocat de Mme G... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du second tour des élections municipales qui s'est déroulé le 28 juin 2020 dans la commune de Uturoa (Polynésie française), la liste " Te Reo Amui No Uturoa ", conduite par M. P... H..., s'est vu attribuer 21 sièges, avec 1 381 voix représentant 50,18% des suffrages exprimés, et la liste " Outuroa To Tatou Oire ", conduite par Mme F... G..., maire sortante, 6 sièges, avec 1 371 voix, soit 49,92% des suffrages exprimés. M. H... demande l'annulation du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, relevant l'irrégularité de dix procurations, a annulé ces opérations électorales.

Sur les griefs relatifs aux procurations :

2. L'article L. 71 du code électoral dispose que : " Tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par procuration ". L'article R. 73 du même code précise que les mandants doivent justifier de leur identité. L'article R. 75 prévoit que : " Chaque procuration est établie sur un formulaire administratif, qui est tenu à disposition des autorités habilitées ou accessible en ligne. Elle est signée par le mandant. / L'autorité à laquelle est présenté l'un des formulaires de procuration, après avoir porté mention de celle-ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur le formulaire ses nom et qualité et le revêt de son visa et de son cachet. / Elle remet ensuite un récépissé au mandant et adresse en recommandé, ou par porteur contre accusé de réception, la procuration au maire de la commune sur la liste électorale de laquelle le mandant est inscrit (...) ". Il résulte de ces dispositions que, par cette formalité, l'autorité atteste que l'électeur a comparu devant elle et qu'elle a procédé aux vérifications qui lui incombent et met le juge de l'élection en mesure, en cas de contestation, d'exercer son contrôle.

3. Il résulte de l'instruction et des énonciations du jugement du tribunal administratif, suffisamment motivé sur ce point, que parmi les six volets de procuration adressés à la mairie sans signature lisible, deux sont dépourvus de toute signature, la procuration de Mme K... est revêtue d'un paraphe qui n'est pas identifiable et celles de Mme D... B..., de Mme O... et de M. L... sont signées d'une croix, sans qu'aucune d'entre elles ne comporte de mention par laquelle l'autorité devant laquelle elles ont été dressées attesterait de l'impossibilité de signer des mandants, ce à quoi ne peuvent, en tout état de cause, se substituer les certificats médicaux produits devant le juge de l'élection. Par ailleurs, la procuration de Mme M... ne comporte pas le cachet ni la qualité de l'autorité qui l'a délivrée, celles de M. J... et de M. N... ne mentionnent pas l'identité ni la qualité de cette autorité et celle de M. A... I... ne comporte pas la signature de cette autorité. La circonstance que les mentions manquantes pourraient se déduire de celles qui figurent, pour d'autres mandats, dans le registre des procurations, ne suffit en tout état de cause pas à permettre d'identifier avec certitude l'autorité ayant délivré ces procurations.

Sur les conséquences des irrégularités :

4. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, dans sa version issue de l'article L. 438 du code électoral applicable en l'espèce : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur (...) /Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur (...)/En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée./ Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du dixième alinéa (...) ".

5. Il appartient au juge de l'élection, qui n'est nullement tenu d'ordonner une mesure d'instruction afin de vérifier l'identité et la qualité des autorités ayant enregistré les procurations, de tirer les conséquences des irrégularités commises au cours du scrutin, en rectifiant, le cas échéant, les résultats de l'élection. Lorsqu'il est impossible de déterminer sur quelle liste s'est portée la voix à retrancher ou à ajouter aux suffrages exprimés, le juge de l'élection procède au calcul des résultats qui seraient constatés dans chacune des hypothèses. Lorsque, après rectification du scrutin, les deux listes concourant pour le second tour se trouvent à égalité, aucun candidat ne peut être proclamé élu. Le juge prononce alors l'annulation totale de l'élection, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article L. 262 du code électoral dont il résulte qu'en cas d'égalité entre les listes arrivées en tête au second tour, la prime majoritaire bénéficie à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que dix procurations délivrées pour le second tour des élections municipales doivent être regardées comme irrégulières. Eu égard à l'écart de dix voix entre les deux listes en présence, l'annulation des dix suffrages émis au moyen de ces procurations et leur retranchement hypothétique du nombre de voix recueillies par la liste arrivée en tête au second tour conduit à une égalité de voix entre les deux listes. Dès lors, l'irrégularité constatée conduit, dans les circonstances de l'espèce, à une annulation totale de l'élection. Il s'ensuit que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par un jugement suffisamment motivé sur ce point, le tribunal administratif a annulé les opérations électorales qui ont eu lieu dans la commune d'Uturoa le 28 juin 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. H... doit être rejetée. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. H... la somme que Mme G... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. P... H..., à Mme F... G... et à la ministre des outre-mer.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 avr. 2021, n° 445989
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : BERTRAND ; CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Formation : 10ème chambre
Date de la décision : 02/04/2021
Date de l'import : 06/04/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 445989
Numéro NOR : CETATEXT000043328526 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-04-02;445989 ?
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