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02/04/2021 | FRANCE | N°445668

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 02 avril 2021, 445668


Vu la procédure suivante :

M. C... A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Vauchelles (Oise) et de déclarer M. D... B... inéligible pour une période de trois ans ou, à titre subsidiaire, d'annuler l'élection de ce dernier et d'ordonner la tenue d'un nouveau scrutin.

Par un jugement n° 2001007 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur protestation.
>Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique,...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Vauchelles (Oise) et de déclarer M. D... B... inéligible pour une période de trois ans ou, à titre subsidiaire, d'annuler l'élection de ce dernier et d'ordonner la tenue d'un nouveau scrutin.

Par un jugement n° 2001007 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur protestation.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 octobre 2020, 26 novembre 2020 et 22 février 2021 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de mise en ligne du sens des conclusions du rapporteur public dans un délai raisonnable avant l'audience et au vu du caractère incomplet des informations communiquées ;

- le tribunal a omis de répondre au grief tiré de ce que l'inscription de M. B... sur la liste électorale de la commune de Vauchelles était constitutive d'une manoeuvre visant à lui permettre de mener, en tant que maire sortant, l'unique autre liste en lice ;

- le tribunal a insuffisamment motivé sa décision en se fondant, pour écarter le grief tiré de la diffusion du bilan des actions de l'équipe sortante et d'un " avis aux électeurs ", sur un écart de voix dont il n'a pas caractérisé l'ampleur faute de préciser le nombre de voix obtenues par chaque candidat ;

- M. B..., qui ne réside pas à Vauchelles, ne justifie pas qu'il aurait dû être inscrit sur le rôle des contributions directes de la commune au 1er janvier 2020 et ne remplit donc pas les conditions de l'article L. 228 du code électoral ;

- le maintien irrégulier de M. B... sur la liste électorale constitue une manoeuvre ;

- l'application de l'article L. 118-4 du code électoral justifie de prononcer l'inéligibilité de M. B... pendant trois ans.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme F... E..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M.M. A... et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. En premier lieu, l'article R. 711-3 du code de justice administrative dispose que : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

2. Il résulte des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif d'Amiens que le sens des conclusions du rapporteur public, mentionnant qu'il entendait conclure au rejet de la protestation, a été mis en ligne le lundi 31 août 2020 à 10h45, en vue de l'audience se tenant le mercredi 2 septembre 2020 à 9h00. Le rapporteur public ayant ainsi indiqué aux parties, dans un délai raisonnable avant l'audience, les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., le tribunal a répondu au grief tiré de ce que le maintien de M. B... sur la liste électorale de la commune de Vauchelles serait constitutif d'une fraude ou d'une manoeuvre. S'agissant du grief tiré de la diffusion de documents par le maire sortant, le tribunal administratif a jugé qu'une telle diffusion n'était en l'espèce pas entachée d'irrégularité. Dès lors, il n'avait en tout état de cause pas à rechercher si elle avait pu avoir une influence sur les résultats du scrutin. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué sur ces deux points ne peut qu'être écarté.

Sur l'éligibilité de M. B... :

4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 228 du code électoral : " Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " I.- Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande : 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ; 2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux (...) ". Il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement l'une des conditions prévues par l'article L. 11 du code électoral, mais seulement de rechercher si des manoeuvres dans l'établissement de la liste électorale ont altéré la sincérité du scrutin.

5. S'il est constant que M. B... ne réside plus dans la commune de Vauchelles, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la commission de contrôle de la liste électorale daté du 20 février 2020, qu'il a été maintenu sur la liste électorale en qualité de contribuable local au vu d'une attestation délivrée par la direction départementale des finances publiques. Il ne résulte pas de l'instruction que cette inscription procèderait d'une quelconque manoeuvre. En vertu des dispositions de l'article L. 228 du code électoral citées au point 4, son inscription sur la liste électorale rend M. B... éligible au conseil municipal, en tant qu'électeur de la commune, sans qu'il soit besoin de rechercher s'il était inscrit ou aurait dû être inscrit au rôle des contributions directes de la commune au 1er janvier 2020.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 118-4 du code électoral et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par les défendeurs.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... et ses colistiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et à M. D... B..., premier dénommé, pour l'ensemble de ses colistiers, et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 445668
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2021, n° 445668
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445668.20210402
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