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02/04/2021 | FRANCE | N°425162

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 02 avril 2021, 425162


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne sur sa demande tendant à obtenir le versement de l'allocation pour perte d'emploi, d'enjoindre au centre hospitalier de lui délivrer une attestation mensuelle d'actualisation, de condamner ce dernier à lui verser l'allocation pour perte d'emploi à compter du 1er juin 2014 assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 1 600 eu

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Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne sur sa demande tendant à obtenir le versement de l'allocation pour perte d'emploi, d'enjoindre au centre hospitalier de lui délivrer une attestation mensuelle d'actualisation, de condamner ce dernier à lui verser l'allocation pour perte d'emploi à compter du 1er juin 2014 assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 1 600 euros à titre de réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi. Par un jugement n° 1504548 du 7 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17MA02270 du 24 octobre 2018 enregistrée le 30 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi de Mme B....

Par ce pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel le 2 juin 2017 et le 19 janvier 2018, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande en portant sa demande indemnitaire à 3 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'arrêté du 15 juin 2011 portant agrément de la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage et de son règlement général annexé ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de Mme B... et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat du centre hospitalier Edmond Garcin ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a été employée en qualité de professeur d'anglais par l'institut de formation des soins infirmiers du centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne entre le 1er septembre 2012 et le 4 avril 2014, date à laquelle elle a démissionné de son emploi. Elle a parallèlement exercé, en qualité d'agent non titulaire, des fonctions au sein de la commune d'Allauch entre le 1er octobre 2013 et le 27 juin 2014, date à laquelle il n'est pas contesté qu'elle a involontairement perdu cet emploi. A la suite de cette perte involontaire d'emploi, elle a demandé au centre hospitalier d'Aubagne, qui avait été son principal employeur pendant la période de référence de vingt-huit mois précédant cette perte d'emploi, le versement de l'aide au retour à l'emploi. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 7 avril 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier, d'une part lui accorde cette allocation et, d'autre part, lui accorde une indemnité de 1 600 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les droits de Mme B... au bénéfice de l'aide au retour à l'emploi :

En ce qui concerne le droit applicable :

2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 5422-1 et L. 5424-1 du code du travail que les agents non titulaires des collectivités territoriales et des établissements publics de santé qui sont involontairement privés d'emploi ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues par ce code et par les accords mentionnés à son article L. 5422-20. En vertu de l'article L. 5424-2 du même code, leurs employeurs assurent la charge et la gestion de l'allocation d'assurance et certains d'entre eux, comme les collectivités territoriales, peuvent décider d'adhérer au régime d'assurance géré par Pôle Emploi pour le compte de l'organisme mentionnée à l'article L. 5427-1 du même code. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne assure la charge et la gestion de l'allocation d'assurance et que la commune d'Allauch a choisi d'adhérer au régime d'assurance géré par Pôle emploi.

3. En deuxième lieu, l'article 4 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage, applicable à l'espèce, prévoit que les salariés privés d'emploi justifiant au cours de la période de référence d'une durée d'affiliation suffisante, doivent, pour prétendre à l'allocation d'assurance, remplir plusieurs conditions dont celles, mentionnée au e) de cet article 4, d'une part de " n'avoir pas quitté volontairement (...) leur dernière activité professionnelle salariée " et, d'autre part, de n'avoir pas non plus quitté volontairement " une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une période d'affiliation d'au moins 91 jours ou d'une période de travail d'au moins 455 heures ". Il résulte de ces dispositions qu'un salarié ou un agent public non titulaire qui, après avoir quitté volontairement un emploi, a retrouvé un autre emploi dont il a été involontairement privé ne peut prétendre à une indemnisation au titre de l'assurance chômage que s'il a, depuis le départ volontaire de son précédent emploi, occupé l'emploi suivant au moins 91 jours ou 455 heures. Ces stipulations ne sont toutefois pas applicables au salarié ou à l'agent public non titulaire qui, comme Mme B..., occupe simultanément deux emplois et quitte volontairement l'un avant d'être involontairement privé de l'autre. Dans cette hypothèse, l'intéressé a droit à l'allocation d'assurance lorsque les autres conditions posées par le règlement sont remplies.

4. En troisième lieu, en vertu de l'article R. 5424-2 du même code : " Lorsque, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2, la durée totale d'emploi accomplie pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L. 5424-1, la charge de l'indemnisation incombe à Pôle emploi pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1. / Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur relevant de l'article L. 5424-1, ou à celui des employeurs relevant de cet article qui a employé l'intéressé durant la période la plus longue ". Il résulte de ces dispositions que, pour déterminer l'employeur redevable de l'allocation d'assurance des travailleurs involontairement privés d'emploi à laquelle a droit, le cas échéant, un agent public non titulaire ayant travaillé, au cours de la période de référence, pour un employeur, tel que le centre hospitalier d'Aubagne, relevant de l'article L. 5424-1 du code du travail et pour un employeur, tel que la commune d'Allauch, ayant adhéré au régime d'assurance géré par Pôle Emploi, il y a lieu de comparer les durées d'emploi accomplies respectivement pour le compte de l'un et de l'autre employeur, y compris si ces emplois ont été occupés de manière simultanée et même si l'un de ces emplois a été quitté de manière volontaire.

En ce qui concerne le litige opposant Mme B... au centre hospitalier d'Aubagne :

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 ci-dessus qu'il appartenait au juge du fond, appelé à statuer sur le bien-fondé de la demande d'allocation d'assurance adressée au centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne par Mme B..., de rechercher si la durée totale d'emploi de l'intéressée auprès du centre hospitalier au cours de la période de référence de vingt-huit mois qui lui était applicable était, en tenant compte de la quotité de travail accompli auprès de chaque employeur, supérieure à celle effectuée auprès de la commune d'Allauch, sans qu'il y ait lieu, ni de tenir compte de ce qu'elle avait quitté volontairement son emploi auprès du centre hospitalier, ni de rechercher si elle avait, depuis ce départ volontaire, effectué au moins 91 jours ou 445 heures de travail pour la commune d'Allauch.

6. Or il résulte des termes du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de Mme B..., le tribunal administratif de Marseille s'est borné à relever qu'elle n'avait pas été involontairement privée de l'emploi qu'elle occupait au centre hospitalier d'Aubagne. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le tribunal administratif a, en statuant ainsi, commis une erreur de droit.

7. Mme B... est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il statue sur ses conclusions tendant à ce que le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne lui verse une allocation d'aide au retour à l'emploi.

Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur la demande indemnitaire de Mme B... :

8. En estimant qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le préjudice invoqué par Mme B..., né d'une demande de remboursement d'indu adressée par Pôle emploi, et la faute commise par le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne en refusant de lui fournir une attestation faisant état des vacations qu'elle avait effectuées au sein de l'établissement, le tribunal s'est livré à une appréciation souveraine des pièces du dossier, qui n'est pas entachée de dénaturation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif doit être annulé en tant seulement qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à ce que le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne lui verse une allocation d'aide au retour à l'emploi.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne la somme de 3 000 euros à verser, au même titre, à Mme B....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 7 avril 2017 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à ce que le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne lui verse une allocation d'aide au retour à l'emploi.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne versera une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 5 : les conclusions présentées par le centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au centre hospitalier Edmond Garcin d'Aubagne.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425162
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2021, n° 425162
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Roussel
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:425162.20210402
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