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15/03/2021 | FRANCE | N°450145

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 mars 2021, 450145


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 février et 10 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AV... BM..., Mme AQ... et M. AE... AN..., M. BK... et Mme BD... BI..., M. BG... et Mme U... P..., Mme J... L... et M. Q... F..., Mme H... BE..., Mme K... AY..., Mme E... AZ..., Mme AD... AW..., M. BA... et Mme J... BJ..., M. G... BF... et Mme AP... BL..., Mme V... N..., M. D... et Mme AK... AG..., Mme AV... BH..., Mme S... Z..., Mme A... T..., Mme I... et M. M... O..., M. AJ... AF..., Mme X... et M. BG... BC..., Mme

AM... C..., M. R... et Mme AS... AU..., Mme AL... AO..., Mm...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 février et 10 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AV... BM..., Mme AQ... et M. AE... AN..., M. BK... et Mme BD... BI..., M. BG... et Mme U... P..., Mme J... L... et M. Q... F..., Mme H... BE..., Mme K... AY..., Mme E... AZ..., Mme AD... AW..., M. BA... et Mme J... BJ..., M. G... BF... et Mme AP... BL..., Mme V... N..., M. D... et Mme AK... AG..., Mme AV... BH..., Mme S... Z..., Mme A... T..., Mme I... et M. M... O..., M. AJ... AF..., Mme X... et M. BG... BC..., Mme AM... C..., M. R... et Mme AS... AU..., Mme AL... AO..., Mme AQ... BB..., Mme Y... AC..., M B... et Mme AH... AX..., M. AI... AT... et Mme AR... AA..., Mme BN... W... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a prorogé l'effet de l'arrêté du 11 mars 2020 portant " suspension temporaire des procédures d'adoption internationale " concernant les enfants de nationalité haïtienne résidant en Haïti ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la durée limité des agréments aux fins d'adoption, délivrés aux parents pour une durée de cinq ans, à l'expiration prochaine des agréments de certains d'entre eux, à la durée totale de suspension des procédures d'adoption, qui atteint d'ores et déjà quinze mois, à la longueur des procédures d'adoption en Haïti, et enfin aux risques auxquels le contexte sanitaire, sécuritaire et économique expose les enfants en Haïti ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté ;

- l'arrêté est entaché de défaut de motivation ;

- l'arrêté n'est ni adapté ni proportionné à l'objectif poursuivi et porte une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie familiale normale ainsi qu'une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, dès lors que le risque sécuritaire invoqué ne fait pas obstacle à la poursuite des procédures par l'utilisation des outils de vidéoconférence qu'autorisent d'autres Etats.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun moyen n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur l'arrêté contesté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention de La Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme BM..., Mme AQ... et M. AE... AN..., M. et Mme BI..., M. et Mme P..., Mme L... et M. F..., Mme BE..., Mme AY..., Mme AZ..., Mme AW..., M. et Mme BJ..., M. BF... et Mme BL..., Mme N..., M. et Mme AG..., Mme BH..., Mme Z..., Mme T..., Mme et M. O..., M. AF..., Mme et M. BC..., Mme C..., M. et Mme AU..., Mme AO..., Mme BB..., Mme AB..., M et Mme AX..., M. AT... et Mme AA..., M. W... et d'autre part, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 11 mars 2021, à 10 heures :

- Me Olivier Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;

- Mme A... T... ;

- les représentants du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

2. Par un arrêté du 11 mars 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a " suspendu les procédures d'adoption internationale " concernant des enfants ayant leur résidence habituelle en Haïti par toute personne résidant en France, sous la seule réserve des dossiers ayant donné lieu à un apparentement par l'autorité centrale haïtienne compétente. Par un arrêté du 18 décembre 2020, le ministre a modifié cet arrêté pour en proroger l'effet jusqu'au 30 juin 2021. Les requérants, qui invoquent les agréments qui leur ont été délivrés par l'administration en vue d'une adoption ainsi que les démarches qu'ils ont entreprises à cette fin auprès des autorités haïtiennes, demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension, de l'arrêté du 18 décembre 2020.

3. Pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté contesté, les requérants font valoir, en premier lieu, que non seulement la mesure critiquée induira un allongement inévitable des procédures d'adoption qu'ils ont engagées, gelées depuis mars 2020 et jusqu'en juin 2021 au moins, mais également qu'elle est de nature à compromettre l'aboutissement de certaines au moins de ces procédures, dès lors en particulier que les agréments pour l'adoption ne sont délivrés que pour une durée de 5 ans. Il résulte cependant de l'instruction que, d'une part, les agréments délivrés aux candidats à l'adoption sont renouvelables et sont normalement renouvelés lorsque les conditions en restent remplies, d'autre part, que les procédures d'adoption internationale d'enfants en Haïti s'étendent sur une durée de plusieurs années, et, enfin, que celles des procédures en cours qui, ayant fait l'objet d'une décision d'apparentement par l'autorité haïtienne compétente, étaient susceptibles d'aboutir le plus rapidement, ont été exclues de la mesure critiquée.

4. Si, en deuxième lieu, les requérants font également valoir les risques qu'encourent les enfants en Haïti, dans un contexte de grave crise économique, sociale et sécuritaire, un tel argument ne saurait justifier de l'urgence de leur demande, dès lors que la reprise des procédures d'adoption ne saurait se traduire concrètement pour les enfants par une installation en France avant de nombreux mois, eu égard aux délais mentionnés plus haut, et qu'au demeurant l'adoption internationale en France n'est pas la seule réponse possible aux risques auxquels ils peuvent être exposés.

5. Enfin, il résulte de l'instruction que des risques très sérieux s'attachent pour les ressortissants français à tout déplacement en Haïti, y compris dans le cadre d'une procédure d'adoption, comme l'a tragiquement illustré l'assassinat d'un couple de candidats à l'adoption en novembre 2019. La gravité de la situation dans l'ensemble du pays est également de nature à induire un risque pour la régularité des procédures d'adoption.

6. Dans ces conditions, et alors que la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat est en mesure d'inscrire le jugement de la requête au fond au rôle d'une séance permettant son jugement avant l'été, les requérants n'établissent pas que leur requête caractériserait une urgence justifiant que, sans attendre ce jugement, une mesure de suspension soit prononcée. Par suite, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ni d'examiner s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, la requête de Mme BM... et des autres requérants doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme BM... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme AV... BM..., première requérante dénommée, et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 450145
Date de la décision : 15/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2021, n° 450145
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450145.20210315
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