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05/03/2021 | FRANCE | N°446493

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 05 mars 2021, 446493


Vu la procédure suivante :

M. H... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune d'Aiguillon (Lot-et-Garonne).

Par un jugement n° 2002756 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces opérations électorales.

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de r

ejeter la protestation de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 6 000 e...

Vu la procédure suivante :

M. H... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune d'Aiguillon (Lot-et-Garonne).

Par un jugement n° 2002756 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces opérations électorales.

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative, l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune d'Aiguillon et des conseillers communautaires de la communauté de communes du confluent et des coteaux de Praissas (Lot-et-Garonne), la liste conduite par M. D... a obtenu 693 voix, soit 46,35 % des suffrages exprimés, 20 sièges au conseil municipal et 9 sièges au conseil communautaire, la liste conduite par M. E... 663 voix, soit 44,35 % des suffrages exprimés, 6 sièges au conseil municipal et 2 sièges au conseil communautaire et la liste conduite par Mme C... 139 voix, soit 9,30 % des suffrages exprimés et 1 siège au conseil municipal. Par un jugement du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la protestation électorale présentée par M. E... et annulé les opérations électorales.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ". Si, au cours d'une première audience qui a eu lieu le 7 septembre 2020, le rapporteur public a prononcé des conclusions dans un sens qui n'était pas celui dont les parties avaient été informées avant l'audience, les parties ont été convoquées à une nouvelle audience le 5 octobre 2020 et informées préalablement du sens des conclusions, qui ont été effectivement prononcées, par la mention sur l'application Télérecours, indiquant la date de cette nouvelle audience : " Conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune d'Aiguillon ". Dans ces conditions, et alors même que les indications relatives à l'audience précédente demeuraient affichées sur l'application Télérecours, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été clairement informé du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 120 du code électoral : " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (bureau central ou greffe annexe) et la notification en est faite dans les huit jours à partir de sa date, dans les conditions fixées à l'article R. 751-3 du code de justice administrative. En cas de renouvellement général, le délai est porté à trois mois ". Aux termes de l'article L. 121 du même code : " Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi. Le secrétaire greffier en informe le préfet et les parties intéressées en leur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseil d'Etat ". Toutefois, aux termes de l'article 17 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires : " Lorsque les délais impartis au juge pour statuer courent ou ont couru en tout ou partie entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 inclus, leur point de départ est reporté au 1er juillet 2020. / Par dérogation à l'alinéa précédent : / (...) 2° Sous réserve de l'article L. 118-2 du code électoral, le délai imparti au tribunal administratif pour statuer sur les recours contre les résultats du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires ainsi que des conseillers de Paris expire : / (...) / c) En ce qui concerne l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement et des conseillers de Paris élus au second tour organisé dans les conditions prévues au premier alinéa du I du même article 19, le 31 octobre 2020 ; / (...) ". Ces dispositions sont intervenues afin de déroger aux dispositions prévues par les articles L. 120 et L. 121 précités. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif, dont le jugement attaqué a été rendu le 26 octobre 2020, aurait méconnu le délai fixé par ces articles doit être écarté.

Sur le déroulement des élections :

4. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". Aux termes de l'article L. 48-1 du même code : " Les interdictions et restrictions prévues par le présent code en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique ". Aux termes de l'article L. 49 du même code : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : / (...) / 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ; / (...) ".

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., il résulte de l'instruction que le vendredi 26 juin 2020 à 19h48, le syndicat Transport Scolaire 47 Aiguillon Port-Sainte-Marie a publié sur sa page officielle " Facebook " un courrier du 12 mai 2020 par lequel le maire d'Aiguillon, M. E..., informait la présidente du syndicat que la commune d'Aiguillon cesserait, à compter de la rentrée scolaire 2020/2021, de régler sa contribution pour tout élève scolarisé dans une autre commune qui pourrait bénéficier des mêmes enseignements dans les établissements scolaires d'Aiguillon. Cette publication a été relayée le jour même à 22h10 par Mme I... F..., figurant sur la liste de M. D..., sur le même réseau social, et a eu une diffusion importante, notamment auprès des familles concernées par l'objet du courrier. En outre, ce même vendredi 26 juin 2020 à 22h43, le syndicat Transport Scolaire 47 Aiguillon Port-Sainte-Marie a partagé sur sa page officielle du même réseau social un message personnel de sa présidente, Mme B..., figurant sur la liste de Mme C..., qui faisait part de son soutien à la liste conduite par cette dernière.

6. En deuxième lieu, quand bien même M. D... n'aurait pas été à l'initiative de ces messages, quoique l'un d'eux émane d'une colistière, les dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral, qui rappellent le principe suivant lequel l'introduction d'éléments nouveaux de polémique électorale auxquels il n'est pas possible de répondre utilement est susceptible d'affecter la sincérité du scrutin, ne font pas obstacle à ce que le juge de l'élection tienne compte de l'existence de tels éléments, alors même que leur diffusion ne serait pas imputable à l'un des candidats. Il suit de là que le moyen tiré de ce que M. D... n'était pas responsable de la diffusion des messages mentionnés au point 5 n'est pas fondé.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la lettre du 12 mai 2020 diffusée par le syndicat de transport scolaire sur sa page officielle " Facebook ", a fait l'objet d'une large diffusion dès lors que de nombreux parents d'élèves électeurs de la commune y sont abonnés. Le moyen tiré de ce que cette diffusion n'aurait pas été une diffusion au public au sens des dispositions des articles L. 48-1 et L. 49 du code électoral ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., il ne ressort d'aucun élément du dossier que la question du financement du transport scolaire aurait été abordée au cours de la campagne. Il suit de là que le moyen tiré de ce que ce message ne constituait pas un élément nouveau de propagande n'est pas fondé.

9. En cinquième lieu, M. D... ne peut sérieusement soutenir que M. E... disposait de suffisamment de temps pour répondre utilement aux messages mentionnés au point 5, diffusés dans les dernières heures précédant la fin de la campagne.

10. En sixième lieu, compte tenu du faible écart, de trente voix, entre les listes conduites par M. D... et par M. E..., malgré l'augmentation entre les deux tours du nombre de voix obtenues par la liste conduite par M. E..., et de la sensibilité auprès des électeurs de l'élément de polémique nouveau diffusé en méconnaissance des dispositions citées au point 4, cette diffusion a été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la protestation de M. E.... Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. G... D..., à M. H... E..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 446493
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2021, n° 446493
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446493.20210305
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