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23/02/2021 | FRANCE | N°432198

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 23 février 2021, 432198


Vu la procédure suivante :

M. B... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 2 mars 2012 par laquelle le ministre de la défense a refusé de retirer les décisions prononçant, d'une part, le retrait de son habilitation pour l'accès aux informations classées " secret défense " qui lui avait été accordée le 12 avril 2011, et, d'autre part, son éviction d'un stage de formation des opérateurs linguistiques d'interception en langue arabe, et d'enjoindre au ministre de la défense de procéder au réexamen de sa situation administrative d

ans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 eur...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 2 mars 2012 par laquelle le ministre de la défense a refusé de retirer les décisions prononçant, d'une part, le retrait de son habilitation pour l'accès aux informations classées " secret défense " qui lui avait été accordée le 12 avril 2011, et, d'autre part, son éviction d'un stage de formation des opérateurs linguistiques d'interception en langue arabe, et d'enjoindre au ministre de la défense de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1203164 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre de la défense et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 15MA03711 du 4 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel formé par le ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A... B....

Par une décision n° 414346 du 7 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur le pourvoi de M. A... B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un nouvel arrêt n° 18MA04796 du 30 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel du ministre de la défense.

Par un pourvoi, enregistré le 3 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce dernier arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme D... C..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., second maître de la marine nationale, a été habilité à connaître des informations classifiées " secret défense " par décision du 12 avril 2011. Il a été admis au centre de formation interarmées au renseignement pour suivre le stage de formation à l'obtention du certificat d'opérateur linguiste d'interception en langue arabe, à compter du 27 juin 2011. Par deux décisions du 12 septembre 2011, le commandant de ce centre, d'une part, a retiré l'habilitation de M. A... B... pour l'accès aux informations de niveau " secret défense " et, d'autre part, l'a évincé pour ce motif de son stage de formation. Le recours gracieux formé par M. A... B... devant la commission des recours des militaires à l'encontre de ces deux décisions a été rejeté par une décision du ministre de la défense du 2 mars 2012. Par un jugement avant-dire droit du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille, saisi par M. A... B..., a ordonné au ministre de la défense, avant de statuer sur la légalité de cette dernière décision, de lui en communiquer les motifs. Après que le ministre de la défense a indiqué ces motifs, ce tribunal a, par un jugement du 6 juillet 2015, annulé la décision litigieuse. Par un arrêt du 4 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A... B... tendant à l'annulation de la décision prise le 2 mars 2012. Par une décision n° 414346 du 7 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi de M. A... B..., annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour. Par un arrêt du 30 avril 2019, contre lequel se pourvoit en cassation le ministre de la défense, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel de celui-ci.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du jugement avant dire droit du 12 mars 2015, le ministre de la défense a informé le tribunal administratif de Marseille, après avoir saisi la commission consultative du secret de la défense nationale, qui a émis le 28 mai 2015 un avis défavorable à la déclassification d'une fiche confidentielle concernant M. A... B..., que la décision contestée a été prise au motif qu'une enquête a permis de mettre en évidence, eu égard à ses relations avec certaines personnes, de " potentielles vulnérabilités " de l'intéressé, susceptibles de mettre en péril les intérêts fondamentaux de la nation et le secret de la défense nationale. En estimant que le ministère des armées n'établissait pas que M. A... B... ne présentait pas les garanties nécessaires pour bénéficier de l'habilitation en litige, alors qu'il incombe à l'administration de s'assurer que les personnes bénéficiant de celle-ci ne présentent aucun risque de compromission des informations classifiées " secret défense ", eu égard à l'importance particulière de celles-ci pour la sécurité et la défense nationales, la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, son arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, les risques de compromission mis en évidence par l'enquête administrative justifiaient le retrait de l'habilitation " secret défense " de l'intéressé compte tenu des nécessités de la protection des intérêts de la défense nationale. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé, dans son jugement du 6 juillet 2015, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. A... B... ne présentait pas les garanties nécessaires pour bénéficier de l'habilitation en litige.

5. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Marseille.

6. En premier lieu, par arrêté du 14 octobre 2011, publié le lendemain au Journal officiel de la République française, le ministre de la défense et des anciens combattants a donné délégation permanente à M. E... F..., directeur adjoint de son cabinet civil et militaire, à l'effet de signer, en son nom, tous actes, arrêtés ou décisions, à l'exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'est pas donnée aux personnes mentionnées à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Les décisions prises à la suite d'un recours préalable, en application de l'article R. 4125-1 du code de la défense, n'étant pas relatives aux affaires des services placés sous l'autorité des personnes mentionnées audit article 1er, M. F... avait, par suite, compétence pour prendre la décision litigieuse.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ". Selon le I de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne sont pas communicables : / (...) / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) / b) Au secret de la défense nationale ; / (...) ".

8. Les décisions qui refusent l'habilitation " secret défense " étant au nombre de celles dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale, la décision du 2 mars 2012 par laquelle le ministre de la défense a refusé de rapporter la décision de retrait d'habilitation de M. A... B... à connaître des informations classifiées " secret défense " n'avait pas à être motivée.

9. En dernier lieu, la décision du 12 avril 2011 habilitant M. A... B... au " secret défense ", qui n'a pas le caractère d'une décision créatrice de droits, pouvait être rapportée sans condition de délai. Par suite, le moyen, soulevé par voie d'exception et tiré du caractère illégal du retrait de cette décision au-delà du délai de quatre mois suivant son édiction, ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 2 mars 2012 par laquelle il a refusé de retirer les décisions prononçant le retrait de l'habilitation de M. A... B... pour l'accès aux informations classées " secret défense " et, par voie de conséquence, l'éviction de l'intéressé de son stage de formation.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 avril 2019 et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 juillet 2015 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A... B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. B... A... B....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 432198
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2021, n° 432198
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Guillarme
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:432198.20210223
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