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05/02/2021 | FRANCE | N°438853

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 05 février 2021, 438853


Vu la procédure suivante :

M. E... B... et Mme D... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2013 et 2014 et de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et, d'autre part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.
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Vu la procédure suivante :

M. E... B... et Mme D... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2013 et 2014 et de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et, d'autre part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Par un jugement n°s 1707333, 1707340 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n°18VE03869 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, sur l'appel de M. et Mme B..., les a déchargés de la majoration pour manquement délibéré ayant assorti la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2015 à raison de la réintégration dans leur revenu imposable des indemnités de député européen perçues par M. B... et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février, 19 mai et 9 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) subsidiairement, de saisir le Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et des articles 105 et suivants du règlement de procédure de la Cour, d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la décision n 2005/684/CE du Parlement européen du 28 septembre 2005 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n°79-563 du 6 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de M. et Mme B... ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 25 janvier 2021, présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont été assujettis, d'une part, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008 sur le fondement des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts à raison d'une somme provenant d'un compte non déclaré en Suisse, d'autre part, à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015 à raison d'indemnités parlementaires versées par le Parlement européen à M. B.... M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles ne les a déchargés que de la majoration pour manquement délibéré ayant assorti la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2015 mais a rejeté le surplus de leurs demandes de décharge des impositions auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2013, 2014 et 2015.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette la demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu de l'année 2008 résultant de la réintégration dans les revenus imposables des requérants d'une somme provenant d'un compte à l'étranger :

2. Les deuxième et troisième alinéas de l'article 1649 A du code général des impôts disposent que : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". Ces dispositions, qui instaurent l'obligation, pour tout contribuable domicilié en France, de déclarer à l'administration les références de tout compte bancaire dont il est titulaire à l'étranger, prévoient qu'à défaut d'une telle déclaration, les fonds ayant transité par ce compte constituent des revenus imposables, sauf, pour le contribuable titulaire du compte, à apporter la preuve que les sommes en question n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a constaté, d'une part, que Mme B... n'avait pas déclaré, au titre de l'année 2008, un compte en Suisse ouvert dans les livres de la société Prium Finance, et, d'autre part, que ce compte avait été clôturé et que son solde d'un montant de 324 240, 14 euros avait été crédité le 26 août 2008 sur le compte de Mme B... ouvert en France dans les livres de la Société Générale. Alors que les requérants soutenaient que cette somme correspondait au placement, en 2006, sur un compte Deutsche Citibank en Allemagne, au travers du courtier Interactive Brokers LLC, du remboursement partiel, à hauteur de 300 000 euros, d'une somme de 315 000 euros prêtée le 3 octobre 2005 par Mme B... à M. A..., la cour a, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, jugé que les documents produits par les requérants n'établissent pas que le placement par M. A... de la somme de 300 000 euros sur le compte bancaire d'Interactive Brokers LLC aurait été effectué à leur demande et en leur nom en remboursement d'un prêt. Il s'ensuit qu'en jugeant que M. et Mme B... ne peuvent être regardés comme apportant la preuve qui leur incombe de ce que la somme de 324 240,14 euros transférée sur le compte de Mme B... aurait pour origine le remboursement partiel d'un prêt, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette les demandes en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2015 résultant de la réintégration dans les revenus imposables des requérants des indemnités de député européen perçues par M. B... :

4. D'une part, si la loi du 6 juillet 1979 relative à l'indemnité des représentants au Parlement européen a prévu que les représentants français au Parlement européen percevront une indemnité soumise au régime des indemnités des membres du Parlement français, versée par l'Assemblée nationale ou le Sénat et à la charge du budget de l'Etat, depuis une décision 2005/684/CE du Parlement européen du 28 septembre 2005 qui, en vertu de son article 30, " entre en vigueur le premier jour de la législature du Parlement européen qui débute en 2009 ", les députés européens ont désormais droit à une indemnité qui est à la charge du Parlement européen, sauf pour ceux qui, faisant partie de ce Parlement avant l'entrée en vigueur du statut, ont opté, pour toute la durée de leur activité, en faveur du régime national antérieur. Le 1 de l'article 12 de la décision du 28 septembre 2005 prévoit que l'indemnité versée aux députés européens est soumise à l'impôt au profit des Communautés dans les mêmes conditions que celles qui ont été fixées, sur la base de l'ancien article 13 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés, pour les fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes. Le 3 de l'article 12 de cette décision réserve toutefois la possibilité pour les Etats membres, de soumettre l'indemnité versée aux députés européens aux dispositions du droit fiscal national " à condition que toute double imposition soit évitée ".

5. D'autre part, l'article 80 undecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, dispose que : " L'indemnité parlementaire, définie à l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement, ainsi que l'indemnité de résidence, sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. / Il en est de même des indemnités prévues à l'article 1er de la loi n° 79-563 du 6 juillet 1979 relative à l'indemnité des représentants au Parlement européen ". Ces dispositions qui soumettent à l'impôt sur le revenu les indemnités versées aux représentants français au Parlement européen en application du régime national résultant de la loi du 6 juillet 1979, mentionnée au point 4, ne s'appliquent pas aux indemnités perçues sur le fondement de la décision du Parlement européen du 28 septembre 2005.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au titre des années 2013 à 2015, M. B... a perçu des indemnités versées par le Parlement européen en application de la décision du Parlement européen du 28 septembre 2005 et soumises à l'impôt au profit des Communautés. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'administration fiscale avait pu imposer ces sommes sur le fondement de l'article 80 undecies du code général des impôts, la cour a méconnu le champ d'application de la loi fiscale et a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il rejette leurs demandes en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 19 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il rejette les demandes de M. et Mme B... en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme B... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. E... B..., à Mme D... C... épouse B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES. PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES. - DÉPUTÉS EUROPÉENS - IMPOSITION SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 80 UNDECIES DU CGI - 1) INDEMNITÉS VERSÉES EN APPLICATION DE LA LOI DU 6 JUILLET 1979 - EXISTENCE - 2) INDEMNITÉS VERSÉES EN APPLICATION DE LA DÉCISION DU PARLEMENT DU 28 SEPTEMBRE 2005 - ABSENCE.

19-04-02-07-01 1) L'article 80 undecies du code général des impôts (CGI) soumet à l'impôt sur le revenu les indemnités versées aux représentants français au Parlement européen en application du régime national résultant de la loi n° 79-563 du 6 juillet 1979.,,,2) Il ne s'applique pas aux indemnités perçues sur le fondement de la décision 2005/684/CE du Parlement européen du 28 septembre 2005.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 fév. 2021, n° 438853
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Roulaud
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Date de la décision : 05/02/2021
Date de l'import : 20/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 438853
Numéro NOR : CETATEXT000043109830 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-02-05;438853 ?
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