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11/01/2021 | FRANCE | N°447183

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 11 janvier 2021, 447183


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat indépendant des artistes interprètes (SIA-Unsa) et l'Union nationale des syndicats autonomes Spectacle et Communication (Unsa-Spectacle et Communication) demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 avril 2019 du ministre du travail procédant, en application de l'article L. 2261-32 du code du travail,

à la fusion de la convention collective des artistes-interprètes engagés p...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat indépendant des artistes interprètes (SIA-Unsa) et l'Union nationale des syndicats autonomes Spectacle et Communication (Unsa-Spectacle et Communication) demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 avril 2019 du ministre du travail procédant, en application de l'article L. 2261-32 du code du travail, à la fusion de la convention collective des artistes-interprètes engagés pour les émissions de télévision (IDCC 1734) et de la convention collective de la production audiovisuelle (IDCC 2642) ;

2°) d'enjoindre à la ministre du travail d'évaluer distinctement la représentativité des organisations syndicales dans la branche des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision et dans celle de la production audiovisuelle, dans le cadre du scrutin organisé pour mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés qui doit se dérouler du 22 mars au 4 avril 2021, et en particulier de prendre toute mesure nécessaire pour que les salariés électeurs relevant de la convention collective des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision puissent voter lors du prochain scrutin " TPE " dans leur collège spécifique sous l'IDDC 1734 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, à l'imminence du scrutin organisé pour mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, qui doit avoir lieu du 22 mars au 4 avril 2021 et à la nécessité de le préparer, en deuxième lieu, à la gravité de l'incertitude qui pèsera sur la représentativité effective des organisations syndicales si l'arrêté contesté est ultérieurement annulé par le juge du fond et, dernier lieu, à l'absence d'intérêt public à maintenir en vigueur l'arrêté contesté ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, en comptabilisant uniquement les salariés sous contrat au 31 décembre, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) a retenu un critère inadapté eu égard aux spécificités de l'activité des opérateurs de la branche en question, qui ne sont pas, pour leur grande majorité, sous contrat au 31 décembre, de telle sorte que le nombre de salariés recensés le 31 décembre 2018 est manifestement inférieur au nombre effectif d'artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision en 2018 ;

- il méconnaît l'article L. 2261-32 du code du travail et est entaché d'erreur de droit ainsi que d'erreur de qualification juridique des faits dès lors que, en premier lieu, il a imposé la fusion de la branche des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision avec celle de la production audiovisuelle alors même qu'aucun des six critères prévus par cet article n'était satisfait et, en second lieu, il procède à la fusion des deux conventions collectives au motif d'une " proximité des activités ", alors que les dispositions de cet article exigent que les branches présentent des conditions sociales et économiques " analogues " ;

- il méconnaît le principe constitutionnel de libre participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail en imposant la fusion des deux branches alors que les conditions légales d'une telle fusion ne sont pas satisfaites ;

- il a été pris selon une procédure irrégulière, qui a privé les intéressés d'une garantie et a eu une influence sur le sens de la décision en cause dès lors que, en premier lieu, le délai de quinze jours à compter de la publication au Journal officiel de l'avis de fusion, prescrit par l'article D. 2261-14 du code du travail pour que les organisations syndicales et toute personne intéressée puissent adresser leurs observations au ministère du travail, n'a pas été respecté, en deuxième lieu, les observations transmises par le SIA-Unsa au ministère du travail par lettre recommandée du 13 février 2019 n'ont pas été communiquées aux membres de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles lors de la réunion du 19 février 2019 et, en dernier lieu, l'avis de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles n'a pas été motivé, contrairement à ce qu'impose l'article L. 2261-32 du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le SIA-Unsa et l'Unsa-Spectacle et Communication et, d'autre part, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 7 janvier 2021, à 10 heures :

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SIA-Unsa et de l'Unsa-Spectacle et Communication ;

- les représentants du SIA-Unsa ;

- les représentants de la ministre du travail ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 2261-32 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut, eu égard à l'intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, engager une procédure de fusion du champ d'application des conventions collectives d'une branche avec celui d'une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues (...). Le ministre chargé du travail procède à la fusion après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par un arrêté du 9 avril 2019 portant fusion de champs conventionnels, procédé à la fusion de la branche définie par la convention collective des artistes-interprètes de télévision, dont l'identifiant est IDCC 1734, et de celle définie par la convention collective de la production audiovisuelle, dont l'identifiant est IDCC 2642. Les syndicats requérants demandent que soit ordonnée la suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il procède à la fusion en question.

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. Pour justifier de l'urgence qu'il y aurait à suspendre l'exécution de la décision en litige, les requérants font valoir que le scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés doit se tenir entre le 22 mars et le 4 avril 2021 et que la mesure de cette audience dans le seul cadre de la branche issue de la fusion des branches régies par les conventions IDCC 1734 et IDCC 2642 sera de nature à empêcher que puissent être tirées les conséquences de l'annulation de l'arrêté en litige que prononcerait le juge de l'excès de pouvoir à la suite du recours qu'ils ont introduit à cette fin, portant ainsi une atteinte irréversible à leurs droits.

5. Toutefois, d'une part, il ressort des énonciations expresses du mémoire en défense de la ministre, réitérées par ses représentants lors de l'audience, que " toutes les nouvelles branches issues de fusions soumises à un contentieux ont fait l'objet de l'ouverture d'urnes distinctes correspondant aux champs de chacune des conventions collectives composant la nouvelle branche. Au sein de la liste électorale, les électeurs ont donc été affectés selon les branches professionnelles qui préexistaient à la fusion des champs (...) ainsi, si (...) le Conseil d'État décidait de l'annulation de l'arrêté litigieux, la direction générale du travail serait en capacité d'affecter les résultats du vote des salariés de l'une et l'autre convention collective à chacune et ce, en vue de l'édiction d'arrêtés de représentativité syndicale distincts ", ce qui permet de préserver l'effet utile d'une éventuelle annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il procède à la fusion des branches relevant des conventions collectives IDCC 1734 et IDCC 2642.

6. D'autre part, l'avancement de l'instruction de l'affaire est de nature à permettre le jugement de celle-ci au fond dans les prochaines semaines, avant la tenue du scrutin " TPE ".

7. Il résulte de ce qui est dit aux points 5 et 6 que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie et qu'il y a lieu, par suite, de rejeter la requête du Syndicat indépendant des artistes interprètes et de l'Union nationale des syndicats autonomes Spectacle et Communication, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du Syndicat indépendant des artistes interprètes et de l'Union nationale des syndicats autonomes Spectacle et Communication est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat indépendant des artistes interprètes, à l'Union nationale des syndicats autonomes Spectacle et Communication et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 447183
Date de la décision : 11/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2021, n° 447183
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:447183.20210111
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