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29/12/2020 | FRANCE | N°428975

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29 décembre 2020, 428975


Vu la procédure suivante :

La société Quick Invest France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation minimale de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2009. Par un jugement n° 1501374 du 16 juin 2016, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE02434 du 22 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel formé par la société Quick Invest contre ce jugement et a déchargé la société requérante des cotisations en litige. >
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 mars 2019 et le 25 fé...

Vu la procédure suivante :

La société Quick Invest France a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation minimale de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2009. Par un jugement n° 1501374 du 16 juin 2016, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE02434 du 22 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel formé par la société Quick Invest contre ce jugement et a déchargé la société requérante des cotisations en litige.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 mars 2019 et le 25 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2020, présentée par la société Quick Invest France ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Colin - Stoclet, avocat de la société Quick Invest France ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " I.- La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Aux termes de l'article 1647 E du même code : " I.- La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise (...) ".

2. D'une part, la location d'un immeuble nu par son propriétaire n'entre pas dans le champ de l'impôt sur le seul fondement du I de l'article 1447 du code général des impôts relatif à l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire. Il en va de même lorsqu'un immeuble nu est donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d'un contrat de crédit-bail.

3. D'autre part, hors du cas où un locataire principal dispose d'un bien dans le cadre d'un contrat de crédit-bail, une activité de sous-location d'immeuble nu n'entre dans le champ de l'impôt en raison de l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sur le seul fondement des dispositions rappelées au point 1 ci-dessus, que si ce sous- loueur met en oeuvre de manière régulière et effective, pour cette activité de sous-location, des moyens matériels et humains ou s'il poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Quick Invest France exerçait, au titre de l'année 2009, d'une part, une activité de location à des sociétés du groupe Quick d'établissements dont elle était la propriétaire, d'autre part, une activité de sous-location à des entreprises franchisées de l'enseigne d'établissements dont elle avait antérieurement cédé la propriété. A l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Quick Invest France, qui n'avait acquitté aucune cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'année 2009, a été assujettie à cette cotisation. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 janvier 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel formé par la société Quick Invest France contre le jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté tant sa demande principale de décharge de ces impositions que sa demande subsidiaire de réduction de celles-ci à concurrence d'un montant, en base, de 3 753 127 euros.

5. En premier lieu, il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que, d'une part, les immeubles donnés en location par la société Quick Invest France étaient à usage exclusif d'exploitation de restaurants sous l'enseigne Quick et que, d'autre part, les loyers étaient indexés, au titre de la période en litige, sur le chiffre d'affaires des preneurs, à hauteur de 12 %. En déduisant de ces éléments, sur lesquels elle a porté une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que ceux-ci ne traduisaient pas l'exercice d'une activité professionnelle au sens des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts, la cour a donné aux faits qu'elle a relevés une qualification juridique inexacte.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en relevant que le caractère professionnel de l'activité de sous-location exercée par la société Quick Invest France devait être examiné en prenant en compte les conditions de son exercice tenant, notamment, à sa régularité et aux moyens matériels ou intellectuels mis en oeuvre, sans qu'importe la circonstance que cette société aurait poursuivi, par une opération de " sale and lease back ", une activité de sous-location portant sur des immeubles dont elle était auparavant propriétaire et qu'elle donnait à bail aux sociétés du groupe Quick, alors qu'il lui appartenait également de rechercher si la requérante poursuivait selon des modalités différentes une exploitation commerciale antérieure ou si, au regard notamment des stipulations des contrats de bail, elle pouvait être regardée comme participant à l'exploitation des sous-locataires, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

10. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification datée du 18 décembre 2012 adressée à la société requérante, le service vérificateur a indiqué les raisons de fait et de droit qui le conduisaient à regarder l'activité de location et de sous-location d'immeubles nus exercée par celle-ci comme entrant dans le champ d'application de la taxe professionnelle, en s'appuyant notamment sur les stipulations des baux qui la liaient avec ses locataires ou sous-locataires. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que cette proposition de rectification était insuffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les immeubles nus dont la société requérante est demeurée propriétaire ou qu'elle a loués et qu'elle a donnés en location ou en sous-location au titre de l'année 2009 étaient à usage exclusif d'exploitation de restaurants sous l'enseigne Quick, et que les loyers des baux consentis par la société requérante étaient indexés, au titre de la période en litige, sur le chiffre d'affaires des preneurs. Il résulte de ce qui précède que la société requérante participait à l'exploitation de ses locataires ou sous-locataires et qu'elle a été à bon droit assujettie à la cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'année 2009.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge comme sa demande subsidiaire de réduction. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt n° 16VE02434 du 22 janvier 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la société Quick Invest France devant la cour administrative de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Quick Invest France en appel et en cassation au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Quick Invest France.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428975
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2020, n° 428975
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428975.20201229
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