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28/12/2020 | FRANCE | N°432841

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 décembre 2020, 432841


Vu la procédure suivante :

La société Holdel a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 dans les rôles de la commune de Soissons, à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire.

Par une ordonnance n° 1803806 du 20 mai 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête, pour irrecevabilité manifeste, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice admi

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Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les...

Vu la procédure suivante :

La société Holdel a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 dans les rôles de la commune de Soissons, à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire.

Par une ordonnance n° 1803806 du 20 mai 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête, pour irrecevabilité manifeste, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 3 octobre 2019 au secrétariat du Conseil d'Etat, la société Holdel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la société Holdel ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".

2. D'autre part, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie ". L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 du même code : " (...) / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête (...) ".

3. Les dispositions citées au point 2 ci-dessus relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions.

4. Au sens des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative citées ci-dessus, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avocat de la société Holdel a adressé au tribunal administratif d'Amiens, le 17 décembre 2018, une demande qui n'utilisait pas l'application Télérecours. Par un courrier en date du 19 décembre 2018, le tribunal l'a invité à régulariser cette demande dans un délai de quinze jours en lui précisant qu'en cas de transmission de pièces jointes dans un fichier unique, celles-ci devaient, à peine d'irrecevabilité, être répertoriées par un signet les désignant conformément à l'inventaire qui en était dressé. Le conseil de la société a procédé à la régularisation de la demande sur l'application Télérecours le 15 février 2019, soit au-delà du délai de quinze jours qui lui était imparti. Par un second courrier en date du 19 février 2019, le tribunal a signalé au conseil de la société la nécessité de présenter de manière exhaustive, à peine d'être écartées du débat, les pièces jointes à l'aide, pour chacune d'elles, d'un intitulé comprenant un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment clair. La société a fait parvenir au tribunal le 22 février 2019 un fichier comportant cinq documents identifiés conformément à l'inventaire détaillé également joint. Par suite, en jugeant que la demande de la société était irrecevable au motif qu'elle ne l'avait pas régularisée dans les délais fixés dans son premier courrier du 19 décembre 2018, alors qu'il lui avait adressé, après dépôt de la demande sur Télérecours le 15 février 2019, un second courrier le 19 février suivant lui donnant un délai de quinze jours pour régulariser la présentation des pièces jointes et de leur inventaire, courrier auquel la société a donné suite le 22 février, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens, qui devait examiner la recevabilité de la demande au regard des éléments produits par la requérante à la date à laquelle il statuait, a commis une erreur de droit. Dès lors, la société est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Amiens du 20 mai 2019 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif d'Amiens.

Article 3 : L'Etat versera à la société Holdel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Holdel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 432841
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2020, n° 432841
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432841.20201228
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